Art’N’Roll : Après vingt années de silence discographique, et quelques tournées en solo pour toi, vous avez publié le 29 avril 2016 votre troisième album intitulé « Forward in Reverse », lequel s’est classé numéro 1 des ventes de disques au Danemark. Retour gagnant non ?
Tim Christensen : Oui, cela a été une bonne surprise, parce que ce groupe était populaire dans les années 1990. Personne ne se doutait que nous allions revenir. En fait, nous nous sommes réunis en secret en studio, avons commencé à écrire et enregistrer sans n’en parler à personne. Lorsque notre reformation a été annoncée, le public Danois a suivi. Et nous voilà.
ANR : Vous existez depuis 1988, vous avez glané un nombre impressionnant de récompenses, vous êtes des vedettes multi-platinées chez vous au Danemark, vous rentrez tout juste d’une tournée au Japon et « Forward in Reverse » s’est classé numéro 16 des ventes là-bas… Mais, vous êtes quasiment inconnus ici en France… Comment expliquez-vous ce gap ?
TC : C’est une question de Timing. Dans les années 1990 nous étions timides et débutants. Nous sommes devenus populaires d’un seul coup (il claque des doigts) sans n’avoir jamais planifié quoi que ce soit. Nous sommes également devenus populaires au Japon d’un seul coup, je pense que c’est notre côté mélodique qui a séduit le public Japonais.
ANR : Si on regarde les dates de votre tournée 2015 (trois dates à Esbjerg, deux à Aarhus, une à Copenhague) et celles à venir en 2017 (le Kongrescenter d’Herning le 10 février, la Royal Arena de Copenhague le 17…) vous tournez essentiellement chez vous. Vous avez joué combien de fois en France et quand ?
TC : En fait, avant le premier album, lorsque nous étions encore amateurs, on a joué à NION dans un festival…
ANR : NYON, c’est en Suisse, pas en France…
TC : Non, NION en France…
ANR : LYON ? Tu peux épeler s’il te plaît ?
TC : N.Y.O.R.T. Une petite ville.
ANR : NIORT ?
TC : Oui, comment tu prononces ? NIORT ! Ce n’était pas très loin de BORDEAUX je crois. Nous étions encore un groupe amateur Danois, en 1993 je crois.
ANR : On peut dire aussi que, contrairement à ses voisines nordiques, la musique danoise ne s’exporte pas beaucoup. Le public français connaît D-A-D, NU, Aqua… et Lars Ulrich… Alors qu’existent plein d’artistes et de groupes, lesquels chantent pourtant en anglais.
TC : Tu as Volbeat aussi.
ANR : Oui, Volbeat.
TC : Tu connais Lukas Graham ?
ANR : Non. Tout ça pour dire que lorsqu’un Français regarde les vainqueurs des Danish Music Awards, il ne connaît personne, y compris ceux qui remportent le Prix d’exportation. Pourquoi ?
TC : C’est une très bonne question. Parce que les Danois n’ont pas connu de succès international quand est née l’industrie du disque, dans les années soixante-dix, contrairement aux Suédois qui l’ont expérimenté très tôt avec ABBA. Les Suédois savaient ensuite comment promouvoir leurs groupes à l’international, comme Roxette, les Cardigans, tous les groupes de Metal Suédois… C’est une question de méthode, pas de qualité musicale, car il y a beaucoup de bons groupes Danois. On ne sait pas se promouvoir à l’extérieur, c’est comme ça.
ANR : D’ailleurs, le 17 février prochain à Copenhague, vous allez partager l’affiche avec D-A-D. Ce sont des potes ? Vos styles sont assez différents…
TC : Je pense que… Déjà, on ne dit pas « DAD » comme tu prononces, mais « Di-é-di » au Danemark…
ANR : Tous les Français que je connais disent « DAD » en une seule syllabe et pas « Di-é-di »…
TC : Tu peux dire « DAD » ce n’est pas grave. Oui, nous sommes amis avec eux. Cela va être un très grand Show.
Et comment s’est passé cette incursion au Japon le mois dernier ? Vous avez joué devant des foules là-bas…
TC : Les Japonais sont des grands fans de Metal. Et de tous les genres de Metal en plus. Je suis heureux qu’ils ne nous aient pas oubliés depuis toutes ces années. Les Japonais sont des gens loyaux. De toute façon, les fans de Metal sont très loyaux avec leurs groupes favoris. Pour revenir au Japon, j’adore cette mentalité parce que les gens là-bas sont vraiment passionnés par la musique que nous jouons. Je n’ai pas vérifié s’ils vendent notre Merch dans le quartier d’Harajuku. Ce sont des gens spéciaux.
ANR : Revenons sur votre carrière… Vous vous êtes formés en 1988, et c’est en 1995 suite à votre premier album éponyme que vous allez rafler les titres aux Danish Music Awards (DMA) : Groupe Danois de l’année, Révélation Danoise de l’année, Album de Rock Danois de l’année, Choix du public… Quelles sont les différences entre 1996 et 2016 pour vous, en tant que groupe…
TC : Je crois, qu’à un niveau personnel, nous sommes plus ouverts. Nous jouons ce que nous voulons jouer, sans étiquette, juste pour célébrer. Les gens nous ont classé « Alternative Rock », c’est faux.
ANR : Quel serait votre meilleur souvenir de cette superbe décennie ? Votre album préféré de cette époque ?
TC : Un journaliste m’a demandé mon Top 5 des albums des années 1990. Je dirais : « Nevermind » de Nirvana, « Badmotorfinger » de Soundgarden, « OK Computer » de Radiohead, et après « The Holy Bible » des Manic Street Preachers, qui a été un très gros album pour moi personnellement. Et le dernier… Je réfléchis encore, je pense à Jeff Buckley…
ANR : Et en concert ?
TC : Cela fait longtemps… Tu veux dire en tant que Dizzy Mizz Lizzy ou comme spectateur ? Pour moi, en tant que spectateur, c’est incontestablement la reformation de KISS en 1996. Gamin, mon père m’avait emmené voir KISS, car j’étais fan. Mais, c’était lors de la tournée « Lick it up » (NDA : vérification faite, c’était le 21 novembre 1983, à la Frederiksberghallen de Copenhague) : quelle déception, ils étaient démaquillés ! A mes yeux, ce n’était plus qu’un groupe comme les autres. La reformation de 1996, avec le retour de Ace Frehley et de Peter Criss, le décor fabuleux de la fin des années 1970 de nouveau sur scène, a été pour moi un des meilleurs moments de cette décennie !
ANR : Vos mélodies et vos productions sont très soignées, très pop. Serait-ce là une des caractéristiques de la musique Scandinave ?
TC : Oui, les voix sont toujours mises en avant. Pour moi le son Scandinave, c’est la mélodie et les vocaux. Nous avons également de bons producteurs. Nous avons aussi beaucoup de très bons groupes de Metal. Qui privilégient d’ailleurs eux-aussi les voix ainsi que les mélodies.
ANR : Vous avez rencontré nombre de vos idoles. Quel serait le meilleur souvenir ?
TC : Heu… c’est dur de répondre car j’ai beaucoup d’idoles, je suis un fan de musique en général. Si, j’ai une anecdote. Nous avons joué au Festival de Roskilde au Danemark. Il y avait Gojira, et je suis un grand amateur de leur musique. Ils ont joué sur une autre scène, mais par malchance en même temps que nous, du coup, j’étais déçu d’avoir raté leur concert. Mais, nous nous sommes retrouvés backstage, dans le lieu où tous les musiciens dinent. Les membres de Gojira étaient avec leur équipe à une table, et nous à une autre. Je suis quelqu’un de timide, je crevais d’envie de leur dire ma déception d’avoir loupé leur Show… Il a finalement fallu qu’un ami à ma table aille vers eux pour leur expliquer tout cela et me traine avec lui. Je suis très timide en fait (rires).
ANR : Tu as écouté leur dernier album ?
TC : « Magma » ? Bien sûr, c’est mon préféré. C’est très mélodique. J’aime bien « L’enfant… »…
ANR : « … sauvage ». Vera, la mascotte de votre groupe, cette photo d’une jeune fille des années 1920, résume vos solides racines Danoises, non ?
TC : (Rires) Je n’y avais pas pensé. Tu sais, je ne me suis jamais posé cette question car c’est la photo de la Sœur de ma Grand-Mère qui est décédée jeune de la tuberculose… Une photo intéressante, un peu terrifiante, qui est devenu notre symbole. Pour le public, c’est LIZZY, mais comme tu dis, son vrai nom est Vera.
ANR : D’où venez-vous au Danemark ? Pouvez-vous nous décrire le ou les lieux où vous avez grandi ?
TC : Une petite ville pas loin de la capitale Copenhague. Tu sais, Copenhague est une petite ville de toutes façons, très facile à vivre. C’est difficile à expliquer car c’est ma maison. Tu n’es jamais allé à Copenhague ? Tu devrais…
ANR : Est-ce que DIZZY MIZZ LIZZY a été influencé par des groupes Danois ?
TC : Oui, un bon nombre, mais ils sont inconnus ici. Je pense à un groupe des années 1970 nommé Gasolin, qui peut être considéré comme les Beatles Danois, et qui était très influencé par les Beatles. Ils chantaient en Danois, un peu en Anglais, mais leurs chansons écrites en Danois traduites en Anglais sonnaient épouvantables. J’ai grandi avec les Beatles, c’est dans mon ADN musical. J’aime tous les albums des Beatles, surtout « Abbey Road » que j’ai vénéré étant gamin. J’aime également beaucoup la période d’Hambourg…
ANR : L’état d’esprit à Hambourg est assez proche de celui de Copenhague ?
TC : Assez oui. Il y a beaucoup de similitudes. Sinon, je collectionne les disques obscurs. Je suis un grand collectionneur de disques. En ce moment, j’écoute Gojira, comme je te l’ai dit tout à l’heure, ainsi qu’un groupe US assez Sludge qui s’appelle Pelican. Ils sont très bons, ils ne jouent que des morceaux instrumentaux. Sinon, j’écoute toujours les grands classiques : Black Sabbath, Led Zeppelin, etc… Et les groupes des années 1990 : Soundgarden, Alice in Chains, Stone Temple Pilots. Récemment, j’ai regardé le film documentaire sur Oasis qui vient de sortir, ça m’a rappelé à quel point leurs mélodies étaient bonnes.
ANR : Pour finir, une question à moitié « Danoise » et à moitié « Nineties » : où étiez-vous le 26 juin 1992, lorsque…
TC : (Rires) …le Danemark a gagné l’Euro de Football ? J’étais avec Martin le bassiste du groupe, nous étions encore des amateurs. On a célébré la victoire dans le jardin public de Copenhague. Il y avait des centaines de fans de Football dans les rues de la capitale. Le meilleur, c’est que ce jour-là, à peu près une heure après le coup de sifflet final, Nirvana a donné son légendaire concert sur la scène principale du Festival de Roskilde ! Incroyable.
ANR : Avez-vous rencontré les Stars Danoises de cette époque : Schmeichel, Larsen, Laudrup ?
TC : Non, tu sais, je n’ai jamais été un grand fan de Football même si je regarde les matchs. On est soit sport, soit musique chez nous au Danemark.
ANR : Chez nous aussi. Merci beaucoup Tim.