Lydia Lunch Retrovirus + 7 Weeks
Petit Bain
9 Décembre 2016
Ce soir, je fais œuvre de conjuration. J’ai vu Lydia Lunch il y a moins de deux mois à la Maison de la Poésie à Paris, et quelques heures après, on cassait mon poignet. Sans cet événement fâcheux, j’aurais pu vous raconter comment cette femme aux talents multiples sait manier les mots et les dire, les scander, les cracher à la tête de son public sagement assis dans son fauteuil.
Mais le passé n’est plus et ce soir, la dame chante, accompagnée des membres de Retrovirus. En première partie, le groupe limougeaud 7 Weeks démarre pile à l’heure avec un Heavy Rock brûlant. Le chanteur est charismatique, la basse et la batterie sont bien denses comme j’aime. Les deux premiers morceaux sont relativement lents, puis le rythme devient plus nerveux. Le groupe jouera principalement des titres de leur tout dernier album sortie il y a quelques jours : « A Farewell to Dawn ». Leur set est réussi, il manque juste un brin de communication avec le public.
Maintenant place à Lydia Lunch, chanteuse, poétesse, écrivaine, actrice, une des performeuses les plus influentes des années 80. Entourée des membres de son groupe, elle ouvre le bal avec « 3 x 3 », une histoire de triangle amoureux pas du tout raccord avec nos gentils polyamoureux actuels. Le bassiste est impassible tandis que le guitariste est monté sur ressort. Il accompagnait déjà Lydia Lunch à la Maison de la Poésie en Octobre dernier. Comme « 3 x 3 », « Love split with blood » n’a rien d’une bluette. Lunch annonce ce titre en faisant remarquer que certains n’étaient pas nés à l’époque où elle l’a écrit. Il leur semblera sûrement neuf. Le moins qu’on puisse dire c’est que cette femme n’a pas eu une vie paisible, en témoigne ses chants et poèmes. « Some boys » (…have the urge to kill and hard enough it hurts enough). Et pourtant sur scène, elle a toujours cette rage que j’ose (à peine) qualifier d’adolescente. Adolescente pour la fougue, la pureté, l’exigence. Sa voix est tranchante quand son corps se rapproche insensiblement du déclin. Elle donne des ordres à l’ingé-son, ordres à exécuter instantanément. Un peu plus tard, elle passe commande au bar, directement depuis la scène, « 3 doubles whiskies on ice ! » et le barman a intérêt à servir rapidement ou elle se chargera de prouver qu’elle sait encore être infernale ! Idem avec le public, si la musique ne nous plaît pas, elle nous conseille de rentrer à la maison pour écouter nos albums. Quant à la musique justement, rien à redire : je suis transportée dans les années 80 de la Cold Wave, Goth Rock, c’est un bonheur ! Avec « Still Burning » (« Take the wheel, of the world, and drive, drive, drive, drive, drive. ») je me prends à rêver qu’elle prend les commandes du monde. Ce serait dingue, chaotique, mais pas forcément pire que maintenant. Visiblement Lydia Lunch a pris en grippe deux personnes dans la fosse. L’une d’entre elles se prendra une bouteille d’eau dans la tronche, après avertissement.
Le groupe reviendra pour un rappel après un arrêt brutal et le show se termine avec « Frankie Teardrop », un condensé du show avec du son distordu, de la basse grasse, un rythme épileptique et la voix tour à tour écorchée, éraillée, sexuelle et douce de Lydia Lunch. Un délice !
Le sort est conjuré !