Groupe : Obituary
Album : Ten Thousand Ways to Die
Label : Gibtown Records, Relapse Records
Sortie le : 21 octobre 2016
Note : 16,5/20
« Incroyable mais vrai », c’était cette émission de feu-Antenne 2 présentée par Jacques Martin avec Muriel Hees, puis Catherine Ceylac, dans le cadre de « Dimanche Martin », où des phénomènes de tous poils venaient impressionner le public du Théâtre de l’Empire ainsi que des millions de téléspectateurs. Lesquels ébahis par l’homme capable de faire son lit en trente secondes ou par le champion du Monde de lancer de la crêpe. Il y avait aussi l’homme capable de sauter plusieurs fois dans son slip à pieds joints, ou encore le record mondial de l’écharpe la plus longue (117 mètres). Cette émission enchanta les dimanches de la France Mitterrandienne de 1980 à 1983, année où elle disparut du PAF (on ne sait trop pourquoi).
C’est dommage car, à une année près, elle aurait pu accueillir le groupe Obituary, qui venait de se former sous le nom d’Executioner, et surtout son incroyable chanteur, John Tardy. Etant entendu que John Tardy est probablement l’homme à la voix la plus gutturale de tous les temps, un authentique phénomène donc. Et cela fait aujourd’hui trente-deux ans (autre record) qu’il growle comme un animal (et encore, quel animal arriverait à émettre de tels sons ?) en Floride ainsi que dans le reste du Monde libre (fin Octobre Obituary était de passage à Paris, à l’Elysée Montmartre avec Exodus dans le cadre de leur tournée commune « Battle of the Bays »). John Tardy, est avec le défunt Chuck Schuldiner, le plus représentatif et monstrueux des vocalistes de ce genre extrême qu’est le Death Metal. Epaulé depuis ses débuts par son Frère Donald à la batterie, John fait le bonheur des fans du genre, et a placé ses borborygmes sur neuf tueries sonores, dont le récent « Inked in Blood ».
Ce « Ten Thousand Ways to Die » est un objet un peu bâtard, Mi-EP, mi-Live. Etrangement, et un mois après sa sortie internationale, il n’est toujours pas mentionné dans la discographie du groupe sur leur pourtant très bien conçu site Internet. Dépourvu de notes de pochette, ce qui est toujours un peu regrettable, il s’ouvre sur deux morceaux lents : « Loathe » et l’éponyme « Ten Thousand Ways to Die », respectivement face A et B d’un simple sorti en même-temps que ce Live, histoire de tenir les afficionados en haleine, un album à part entière étant programmé pour le printemps 2017. D’ailleurs, le site d’Obituary ne fait pas, non plus, mention de ce nouveau Janus… à la production soignée, le solo de Kenny Andrews sur le second morceau est fluide et agréable à écouter. Le reste de l’album est composé de onze enregistrements en public (pour douze morceaux), saisis en février et mars 2016 pendant la tournée US « Inked in Blood ». « Ten Thousand Ways to Die » serait donc officieusement le deuxième (ou le troisième si l’on compte le CD/DVD « Frozen Alive » de 2006) disque Live d’Obituary.
Le mot « Bâtard » a été employé plus haut, mais pas forcément au sens insultant du terme. Car, en plus des deux nouveaux morceaux studio, « Ten Thousand Ways to Die » se révèle être une excellente compilation d’Obituary. Déjà, parce les cinq brutos de Tampa Bay nous livrent presque uniquement que des classiques de leur production, issus de leur prolifique période des années 1989-1994 : « Slowly We Rot » (quatre) ; « Cause of Death » (quatre) ; « World Demise » (un). Plus « Centuries of Lies » et « Visions in my Head » du dernier album et un « Redneck Stomp », qui figure sur « Frozen in Time » de 2005, histoire de démontrer si besoin est leur actualité. Ensuite, parce que le son est à la hauteur de la sauvagerie de leurs redoutables prestations scéniques. La voix de John Tardy est on ne peut plus monstrueuse (« ‘Til Death »), et le son de chaque instrument est parfaitement restitué. Car les quatre autres chevelus sont de bons musiciens. Enfin, parce que ce Live a été capté sur le territoire d’Obituary : les USA. Et dans onze villes, dont Los Angeles, San Diego, Fort Lauderdale, Phoenix, Baltimore ou encore Toronto au Canada (l’exception). « Chopped in Half » et « Turned Inside Out », tous deux issus de « Cause of Death », sont enchaînés sur la même piste, prise au Ritz Ybor à Tampa, la ville natale des frères Tardy (et du Death Metal). Un aimable clin d’œil. Pourrait-on en déduire que « Cause of Death » serait l’album préféré de la fratrie ? Possible. On fera mention qu’impasse a été faite sur le controversé « The End Complete » de 1992, que certains avaient alors jugé peu inspiré. Ce voyage outre-Atlantique se termine par les intemporels arpèges de « Slowy We Rot », extrait de leur premier album, comme l’annonce le beugleur à tête de lama.
Pourvu d’un son plus correct que sur certaines versions studios, et restituant parfaitement sa musique et ses vocaux, ce compact et savoureux « Ten Thousand Ways to Die » s’avère une parfaite entrée en la matière pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas Obituary, la voix quasi-inhumaine de son Frontman, voire ce genre souvent obscur qu’est le Death Metal. Cette mise à niveau est d’autant plus opportune, les hommes de John Tardy sont annoncés au Festival de Clisson en Juin prochain, et leur présence constitue déjà un des points forts de l’édition à venir. Incroyable mais vrai.