Art N Roll a rencontré Brieg Guerveno juste avant son concert acoustique en première partie de Klone.
Art N Roll : Pour commencer, pourriez-vous nous parler de votre parcours ?
Brieg Guerveno : Ce projet c’est un projet d’auteur et de compositeur à mon nom. J’ai sorti 3 albums et 1 EP. La particularité de mon projet est de chanter en langue bretonne. J’évolue dans un style rock progressif avec un côté metal mais pas que, il y a un côté rock des années 70.
ANR : Comment décririez-vous votre musique ?
Brieg : C’est ce qui est le plus proche parce que l’on s’affranchit des frontières et des codes comme le faisaient les musiciens des groupes de rock des années 70. Le fait d’avoir des albums
On dit progressif mais si on ne peut pas dire que ma musique est complètement dans cette lignée même si aujourd’hui ça ne veut plus rien dire. On peut dire que Radiohead est assez progressif dans sa façon de faire. C’est un terme large mais la seule étiquette trouvée.
ANR : En novembre dernier vous avez sorti votre troisième album. Comment percevez-vous l’évolution de votre musique entre ces différents opus ?
Brieg : Il y a eu un virage de pris entre du folk et du rock métal. Avant j’étais dans un cloisonnement artistique régional. Je pense que ma musique a actuellement une portée plus internationale.
ANR : Quand on écoute Valgori, vertige en breton, on ressent beaucoup d’émotions différentes. De la mélancolie, de la colère, mais pas seulement. Que cherchiez-vous à transmettre ?
Brieg : C’est inhérent à ma personnalité artistique. La Bretagne c’est une terre, une langue, un peuple de coutume de tradition. On a deux facettes. Un côté festif et une face un peu plus sombre qui est liée à l’histoire du peuple breton. C’est une langue qui transcende la mélancolie. En Bretagne il y a les chants de « gwerz », des complaintes, c’est souvent des textes de faits divers qui étaient relatés. Ce sont des chants qui parlent de deuil, de mort, de tragédie. Pour moi, l’ambition s’était de permettre à la langue de s’épanouir dans une musique plus actuelle.
ANR : Pouvez-vous nous dire un mot sur votre processus créatif ?
Brieg : Parfois je commence par des textes, parfois à partir d’idées de musique en groupe. C’est selon comment ça vient. Il n’y a pas de cahier des charges. Certaines chansons mettent 5 min à être écrites, d’autres des mois. Tout dépend des intentions qu’on veut y mettre.
ANR : Lors de vos précédents albums vous avez incorporé des instruments celtiques comme la flûte irlandaise. Quelle est votre approche concernant la recherche de sonorités nouvelles ?
Brieg : Je l’avais fait sur le précédent album, je voulais avoir un « wooden pipe ». J’aime les sonorités « braveheart », très celtiques. C’était ponctuel, je ne suis pas sûr que ça se reproduise. Tout dépend de ce qui se passera, des rencontres. Sur le dernier album on était plus sur le chant, les harmonies.
ANR : Quand on vous écoute on ne peut qu’être marqué par l’utilisation de la langue bretonne. Quel est votre rapport avec cette langue, comment l’avez-vous apprise ?
Brieg : Je viens d’une famille bretonnante. J’ai appris à l’école, j’étais scolarisé dans une école bretonne. Quand j’ai commencé à faire de la musique et à devenir chanteur la question s’est très vite posée. A 17 j’écoutais pas mal de black metal avec des chanteurs qui chantaient en norvégien. Je me suis dit que je pouvais faire la même chose en breton. Je trouve que ça sonne bien.
ANR : Certains groupes expliquent qu’ils utilisent les langues en fonction de leur couleur. L’anglais est un peu froid, l’espagnol plus chaud. Que pensez-vous évoquer avec le breton ?
Brieg : Justement je ne sais pas ce que ça évoque. Je ne m’en rends pas bien compte. Pour moi utiliser la langue bretonne c’est comme utiliser le kobaïen dans magma. Quand j’écoute de la musique du monde ça ne m’a jamais dérangé d’entendre d’autres langues que le français ou l’anglais. Au contraire, ça peut apporter un charme. Apporter quelque chose de singulier.
C’est aussi alerter les gens sur la disparition de la langue, d’une partie du monde.
Ce n’est pas soutenu par les états et les populations ne se renouvellent pas. Le cas de langue bretonne est un peu particulier car c’est une langue qui a été activement combattue par l’Etat et qui l’est toujours, au même titre que les autres langues régionales en France. En Bretagne on voit ce patrimoine disparaitre petit à petit. Les gens sont très attachés à ça tout en étant ouverts sur le monde. Les bretons ont toujours été des voyageurs. La Bretagne c’est une terre ouverte sur toute les cultures mais avec la volonté de préserver une identité bretonne. De garder cette culture sans préjuger d’une politique, de quelque bord qu’elle soit. Je pense qu’il y un sentiment identitaire et culturel partagé et j’essaie d’affirmer ma singularité artistique.
ANR : En écoutant votre musique on ressent une essence mystique. C’est parfois le cas avec des groupes comme Sigur Rós.
Brieg : Mon exemple c’est l’islandais. Il y 300 000 habitants, donc 300 000 personnes qui parlent islandais. En Bretagne nous ne sommes plus que 250 000 à parler breton. Au siècle dernier on était plus d’un million. C’est dire le changement en un siècle ! Je pense que la musique métal permet de chanter en breton, c’est une richesse.
ANR : On voit des groupes finlandais chanter en finnois comme Korpiklaani, mais également de plus en plus de festivals païens. Il y a un vrai courant pour retrouver l’essentiel et se rapprocher de la nature.
Brieg : Oui tout-à-fait, et c’est quelque chose de naturel chez moi. J’ai envie qu’on accepte ce que je fais comme je suis. Je ne cours pas après le succès.
ANR : Quels sont les thèmes abordés dans Valgori ?
Brieg : Ce sont des thèmes un peu mélancoliques, un peu sombres. Sur Valgori, je parle d’isolement, du temps qui passe, de la perte d’êtres chers. C’est lié au courant musical que je suis, celui du rock progressif hexagonal, comme Klone par exemple. On a joué ensemble en novembre pour la première fois. Il y a quelque chose qui s’est passé. Ça montre que nous ne sommes pas renfermés sur nous-même en Bretagne. Ils m’ont proposé de venir jouer à Paris. C’est un exercice difficile pour moi de venir jouer seul sur scène.
ANR : Votre musique rappelle des groupes comme Porcupine Tree ou Opeth. Quels sont les groupes que vous appréciez ?
Brieg : Il y a plein de groupes que j’admire. J’adore Opeth, Porcupine Tree aussi, bien sûr. Je suis aussi ce que fait Steven Wilson. J’ai écouté aussi beaucoup de rock progressif comme King Crimson et Jethro Tull. Je suis dans cette veine-là, un crossover !
J’aime le refrain pop avec le côté hyper metal. J’admire beaucoup Ulver et leur démarche intellectuelle.
ANR : Avez-vous un peu d’appréhension de venir jouer en acoustique des morceaux qui sont très riches au niveau arrangements et sonorités sur album ?
Brieg : Il y a beaucoup de morceaux que j’ai composé seul sur une folk. Il n’y a pas eu de problématique de les réarranger. Une bonne chanson c’est une bonne chanson. On peut la faire en reggae, en jazz, tout est question d’arrangement. L’album de Klone, par exemple, est plutôt métal, on voit bien que ce sont de bonnes chansons parce qu’ils peuvent le mettre en acoustique. Ce serait plus problématique si je faisais du heavy metal symphonique avec 30 solos à la seconde (rires).
ANR : Sur la partie prestation scénique, quels ont été vos plus beaux souvenirs ?
Brieg : Il y a eu des grands moments comme aux vieilles charrues. Le japon ça a été une très belle expérience. Il n’y pas beaucoup de concerts à jeter.
ANR : Vous avez fait appel au financement participatif pour le précédent album, que pensez-vous de l’expérience ?
Brieg : C’était bien, ça nous a permis de financer l’album. Ça permet de donner un coup de pouce mais faire ça à chaque album, ce serait compliqué. Ça voudrait dire que le truc ne marche pas assez.
ANR : Pour finir, que peut-on vous souhaiter pour 2017 ?
Brieg : On va faire un gros festival breton mais on n’a pas beaucoup de dates parce qu’on n’a pas de tourneur. On a ce partenariat avec Dooweet pour développer le projet. C’est le label qui répond le plus à nos attentes.
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