Art N Roll : Bonjour Neil, comment te sens-tu à quelques heures de ton concert ?
Neil Fallon : Bien ! C’est notre dernier show, demain on rentre à la maison. On a fait une super tournée, on a joué devant beaucoup de monde, je ne peux vraiment pas me plaindre ! (rires)
ANR : Vous donnez l’impression d’être toujours sur la route
Neil : Oui c’est vrai ! On vient tout juste de faire une pause de 4 mois, pour nous c’est très long. On a profité de ce temps pour écrire. On aimerait sortir notre prochain album l’année prochaine. Entre temps il y aura plusieurs tournées américaines.
ANR : Que pensez-vous du Hellfest ? Vous avez joué 4 fois ici, vous êtes des habitués !
Neil : Oui (rires). En termes d’organisation, d’agencement, je pense que ce festival est vraiment l’un des meilleurs. C’est une véritable expérience pour un festivalier. Aux US on pose parfois une scène dans un parking et on appelle ça un festival. (rires)
ANR : Comment préparez-vous une setlist pour un festival comme le Hellfest ?
Neil : On a un système de tour. On tourne par ordre alphabétique, et chacun conçoit sa playlist. Comme ça c’est différent tous les soirs, on ne s’ennuie pas. Ce soir c’est la setlist de Jean-Paul. On essaie de jouer les morceaux populaires, parce que ce n’est pas le lieu pour faire des morceaux obscurs d’il y a 20 ans. (rires)
ANR : Tu as récemment déclaré que le concert le plus saisissant pour toi a été celui donné au Trabendo en 2015.
Neil : C’était une semaine après les évènements du Bataclan. Il y avait beaucoup de discussions sur le fait de maintenir ou non le concert. Est-ce que les gens allaient venir ? Est-ce qu’ils seraient en sécurité ? Mais quand je suis arrivé sur scène j’ai immédiatement su que c’était la bonne décision, le public voulait juste prendre du plaisir. Je me souviens d’un gamin qui slamait avec un drapeau français, d’autres ont lancé des chaussettes tricolores, on a encore ces chaussettes dans le studio !
On tourne beaucoup, mais on ne prend jamais un concert comme un dû. C’est toujours une expérience unique pour laquelle il faut donner de soi et partager.
ANR : Clutch existe depuis plus de vingt-cinq ans maintenant, et à chaque nouvel album on a l’impression que vous réinventer une partie de votre son. On ne sait jamais à quoi s’attendre avec vous. Que peux-tu nous dire de l’album en préparation ?
Neil : C’est ce qu’il y a de plus fun et de plus frustrant. Essayer de créer quelque chose qui soit encore intéressant après vingt-cinq ans de groupe. Je vois ça comme un sculpteur face à un bloc de pierre qui doit enlever de la matière pour arriver à une œuvre. Je pense que notre meilleur atout est que nous avons toujours été tous les quatre. C’est ce qui nous donne le luxe de tester de nouvelles choses.
ANR : Tu nous parleras encore de Science-Fiction dans le nouvel album ?
Neil : Probablement oui ! (rires) Le dernier morceau que j’ai écrit parle d’aller faire un tour dans un OVNI. (rires) Je ne peux pas m’empêcher d’aller sur ces thèmes.
ANR : Quand pourrons-nous découvrir ce nouvel album ?
Neil : Nous allons entrer en studio en Janvier, donc je pense qu’il sortira à l’automne 2018.
ANR : Comment se passe l’entente au sein du groupe ?
Neil : Nous sommes une famille. Nous n’avons pas besoin de parler de ce que nous aimons ou n’aimons pas. Sur une tournée, quand tu mets dix mecs dans un bus ça peut vite être dégoutant, alors on essaie de garder l’espace propre. Après chaque concert on se retrouve dans le bus, on écoute de la musique, on se raconte des blagues et on se moque des gens. (rires)
ANR : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Neil : Au lycée. Le nom de notre batteur est Gaster, le mien est Fallon, on avait donc nos casiers côte à côte. C’est comme ça que tout a commencé. (rires) Je connaissais les deux autres parce que nous venons du même quartier.
ANR : Vous faites une tournée qui s’appelle « An evening with Primus », peux-tu nous dire un mots dessus ?
Neil : On a d’abord quelques concerts à venir avec Tool, the Melvins, Fantomas et Primus, et après on commence la tournée avec Primus. Ça fait longtemps qu’on nous dit que nous avons des fans communs. Nous sommes tous deux groupes uniques, avec des fans qui viennent voir nos concerts, qui ne se contentent pas d’acheter notre musique.
ANR : Vous vous connaissez bien ?
Neil : On connait leur directeur artistique et leur musique. En fait le groupe nous a invité à venir jouer avec eux sur un concert à Las Vegas en octobre dernier. Je pense qu’ils voulaient nous tester. Voir si on était sympas avant de nous proposer la tournée. On n’est pas des maniaques, on est mêmes plutôt civilisés. Apparemment on a passé le test ! (rires)
ANR : Quand on regarde votre carrière on a l’impression que vous devenez un groupe vraiment majeur sur la scène internationale. Vos albums marchent de mieux en mieux, beaucoup d’autres groupes vous citent comme source d’influence. Est-ce que vous ressentez la même chose ?
Neil : Oui, tout à fait. On a fait notre première tournée en tant que tête d’affiche en Pologne et Hongrie. Et tout était complet. Je pense qu’Internet a eu beaucoup d’influence là-dessus. Je suis vraiment reconnaissant que les choses se soient faites petit à petit. Pour moi, la pire chose qui puisse arriver à un groupe c’est d’avoir trop de succès, trop rapidement. Les attentes sont trop importantes. Et si tu prends goût aux grands stades, aux gros bus, à la nourriture de luxe, et que tu dois soudainement tout revoir à la baisse ce peut être très dur, et briser des groupes. On va doucement, on a des fans pour la vie, et je suis très content de ça.
ANR : Vous avez rapidement fait le choix de monter votre propre label, peux-tu nous parler de ce choix et de ses impacts sur votre musique ?
Neil : On a essayé les gros labels dans les années 90, et quand Internet est venu ça a asséché le puit. On s’est dit que ce serait bête de resigner un contrat et de donner notre musique. On a voulu faire notre label pour couper les intermédiaires, et non pour signer d’autres groupes. Ça nous donne plus de contrôle sur notre musique et ça nous permet aussi de vendre notre musique moins cher pour les fans. Franchement, je ne comprends pas que des groupes continuent de signer avec des labels. Les managers veulent l’avance, comme ça ils empochent 20% de la somme. D’un point de vue purement mercantile, on peut se faire plus d’argent en vendant nous-même 10 000 disques, qu’en vendant 1 millions de disques avec un label.
ANR : Est-ce que ça a changé votre manière de créer votre musique ?
Neil : Ce qui a changé c’est que c’est à nous de dire ce qu’on veut faire et quand on veut le faire. Il n’y a plus de pression externe sur le cycle de vie de l’album. On sort un album lorsqu’il est prêt, ça change tout.
ANR : Vous avez pensé à faire venir des guests sur vos prochains albums ?
Neil : J’y pense parfois, mais il faut que le morceau s’y prête. Si un morceau a besoin de flûte, on trouvera un flûtiste !
ANR : Comment occupes-tu ton temps libre ?
Neil : J’aime mon rôle de père, j’aime lire, faire du jardinage. Mais surtout mon rôle de père, c’est incroyable de revivre son enfance à travers un petit être et faire en sorte qu’il devienne une personne.
ANR : Ce n’est pas top difficile de conjuguer vie professionnelle et vie perso ?
Neil : J’ai rencontré ma femme sur une tournée au Mexique. Elle s’avait dans quoi elle s’engageait ! Nos familles sont très fortes, c’est comme si elles étaient des mères célibataires. On a de la chance de vivre dans une ère avec des téléphones et internet.
ANR : Un mot pour conclure ?
Neil : Merci à tous nos fans, continuez de venir nous voir en concert.