Art N Roll a rencontré Romain et Sébastien du groupe Headcharger, qui a sorti il y a quelques mois leur dernier album « Hexagram ».
Art N Roll : Vous aviez joué au Hellfest en 2011, comment ça s’était passé ?
Romain Neveu : C’était il y a un petit moment !
Sébastien Pierre : C’est toujours quelque chose de très particulier le Hellfest. C’est aussi une forme de reconnaissance de jouer ici, parce que les grands « festivaux » – oui j’aime bien dire « festivaux »- on les a fait à l’étranger. C’est un lieu où tu retrouves tous les gens que tu as croisé toute l’année, que ce soit sur les routes, dans les salles de concert, dans une ambiance cool.
ANR : Vous étiez passés à 10h ?
Sébastien : Comme 99% des groupes français, mais on ne va pas se plaindre vu le nombre de gens motivés à 10h.
Romain : Je ne sais pas si c’est de pire en pire ou de mieux en mieux, mais il y a de plus en plus de monde à 10h sur le site. J’ai envie de leur dire « Gars, vous vous êtes pris une grosse taule la veille et vous êtes là à 10h ? Respect !» (rires)
Sébastien : Ce qui est sûr, c’est qu’on espère vraiment revenir jouer ici l’année prochaine, ce serait un honneur.
Romain : Ce n’est pas une finalité en soi, on fait de la musique depuis plus de 30 ans, mais ça nous ferait vraiment plaisir.
Sébastien : La semaine prochaine on joue au Rock in Evreux avec des groupes comme Gojira. On se faisait la réflexion qu’il n’y a pas d’autres festivals avec une ambiance comme celle du Hellfest. Ici les gens parlent le même langage. Il y a une notion fondamentale, qui est la notion de culture. Et en France on n’a pas forcément cette culture du Métal, du Rock. On adore jouer en France, parce que c’est notre pays, mais on aime bien aller à l’étranger parce qu’on retrouve cette culture Rock, qui manque en France. D’ailleurs pour les groupes, la France c’est juste un passage où l’on fait 2-3 dates.
ANR : C’est déjà bien quand un gros groupe s’arrête pour 2-3 dates en France ! Je viens de province, ce n’était pas facile de voir de gros concerts.
Romain : Tu viens d’où ?
ANR : de Grenoble
Romain : Ah oui, alors c’est comme nous en Normandie, ce n’est pas un haut lieu de passage pour la musique ! (rires)
Sébastien : Mais il y a une très bonne scène à Grenoble ! On a joué à l’Amperage il y a quelques années avec Général Cluster.
ANR : L’édition 2011 du Hellfest, c’est celle où Thomas VDB a fait son reportage « le Hellfest expliqué à ma mère ». Le site a bien évolué depuis !
Sébastien : Thomas on le connait depuis l’époque Rocksound. Il a fait notre toute première chronique ! C’est un mec génial, avec qui tu es sûr de parler musique. C’est le mec à qui tu dis « mais tu as vu ce concert de dingue ? »
ANR : Vous avez sorti votre dernier album « Hexagram », il y a quelques mois, que pouvez-vous nous en dire ?
Sébastien : On adore tourner, discuter avec les gens, partager notre musique. Et c’est encore plus vrai avec « Hexagram ». C’est un album qu’on a envie de défendre sur scène. C’est un album décomplexé, sur lequel on ne s’est pas posé de questions.
Romain : C’est bête à dire, mais on n’a jamais été aussi fiers d’un album. On a réussi à faire « ce que doit être Headcharger ». On sait que devenir Metallica maintenant n’est pas une option, mais ce qui compte c’est qu’on se soit vraiment fait plaisir.
ANR : C’est intéressant de voir la différence entre « Black Diamond Snake », qui était un « concept album », qui nous a fait voyager, on avait l’impression que vous nous racontiez plein de petites histoires, comme dans un film d’aventures, et « Hexagram » qui est beaucoup plus concis.
Sébastien : Ce n’est pas innocent si on avait fait un « concept album » un peu comme un road-movie. On est des gros fans de cinéma, on aime les histoires. J’adore aller dans un magasin, acheter mon cd, ouvrir mon livret et lire les paroles, pour recevoir le message que le groupe a voulu te raconter.
Romain : Un vinyle non ? C’est quand même vachement mieux ! (rires)
Sébastien : Je trouve dommage dans cette culture actuelle, que les groupes ne racontent plus que des blagues ou des nouvelles. Il y a une génération qui arrive, et qui est incapable d’écouter un album de A à Z.
Romain : On a bossé plus de 3 ans pour faire cet album. On avait plus de 40 morceaux, parmi lesquels il a fallu choisir ce que l’on gardait. C’était un peu la bagarre pour sélectionner 11 titres.
ANR : Justement, racontez-nous comment vous travaillez ensemble, comment vous construisez vos morceaux.
Romain : C’est la même formule depuis X années. Moi bassiste, et David guitariste… (il regarde Sébastien) Lui est chanteur, c’est pas pareil (rires)
ANR : D’habitude c’est le batteur qui prend tout (rires)
Romain : Ah, mais ça va venir (rires). C’est très simple, moi et David le guitariste on a des familles avec des enfants, mais les moments qui nous restent on les passe à composer des riffs.
Sébastien : J’aimerais dire, que je trouve qu’il y a beaucoup de groupes aujourd’hui qui semblent avoir oublié que la musique c’est avant tout une passion. Il faut arrêter de penser aux chiffres et être honnête. Le plus gros des groupes français, qui est Gojira, ne révolutionnera pas le monde de la musique. Il faut être lucide sur la situation, et le maître-mot c’est prendre du plaisir. Quand je vois ce qui se passe dans certains carrés VIP, je pense que certains ont oublié qu’on était là pour la musique, et non pour se montrer…
Romain : Et je reviens à mon histoire de riffs (rires)
ANR : D’un autre côté il y a avait beaucoup plus de monde à midi pour voir Ultra Vomit jouer que pour Deep Purple hier soir !
Romain : Parce qu’ils le font hyper bien, il y a ce côté cool et fun.
Sébastien : Ils ne se prennent pas la tête, et ils ont cette notion de partage. C’est une philosophie que l’on a également. Je n’oublie jamais que les groupes sont aussi importants que les labels, que les webzines et que le public. Ce n’est pas parce qu’il y a 3 jours d’Hellfest, et qu’il y avait le Download juste avant, qu’il faut oublier le reste de l’année. Pendant les 350 jours qui restent il faut continuer d’aller aux concerts, continuer de découvrir des choses.
Romain : On n’oublie pas que l’on fait ça pour le plaisir. On est un peu des vieux routards, ça fait 25 ans que l’on joue ensemble. On s’est rencontrés au collège, on a aussi ce côté famille avec le label et le tourneur. L’important c’est la musique !
ANR : Vous arrivez à en vivre ?
Sébastien : En partie oui. On continue à pousser des caisses pour les gros de la variété française.
Romain : On est intermittents du spectacle.
Sébastien : Comme 99% des groupes, et ce n’est pas grave, ça permet de garder les pieds sur terre. Ce qui me fait doucement marrer c’est que dans les villes, on crée des « School of Rock », pour apprendre aux jeunes à devenir un groupe de rock.
Romain : Ou juste leur apprendre à jouer.
Sébastien : Mais ce côté apprentissage du rock… on va t’apprendre quoi ? à boire des bières et rouler des pets ?
Romain : Mais il faut apprendre ça ! C’est ça le Rock ! (rires)
Sébastien : Le Rock s’est créé sur un mouvement anti-système. De voir des politiciens récupérer une image de ville dynamique sur l’institutionnalisation du Rock me dérange. Il est important que les jeunes prennent leurs amplis, leurs instruments, et partent sur les routes. On l’a fait pendant des années, se retrouver à 10 dans 20m² avec un saladier de betteraves et un paquet de chips.
Romain : C’est formateur !
ANR : Vous profitez de votre notoriété pour aider des groupes à sortir ?
Sébastien : Oui on le fait, mais il n’y a rien de formel. C’est plus de la discussion, de la transmission de conseils.
Romain : Quand on a l’occasion de le faire on le fait, mais il faut aussi que chacun mette la main à la pâte. Le monde musical n’est pas facile, il faut y aller. On a tous galéré avant d’arriver là où en est.
Sébastien : Je préfère passer une après-midi à composer, travailler mon chant, plutôt que d’être dans un bar à dire « Hé, je joue dans Headcharger ». (rires)
ANR : Ce n’est pas toujours facile pour les groupes français de s’imposer sur les scènes, même en France. Mass Hysteria, Lofofora ou encore Gojira, que ce soit au Download ou au Hellfest jouaient l’année dernière en début d’après-midi. Gojira est passé aux Grammy Awards entre temps, donc ils ont pu passer à 20h cette année au Download. AqME jouait sur la plus petite scène du Download…
Romain : Oui, mais ils ont tout défoncé !
Sébastien : L’esthétique musicale d’AqME n’a rien à voir avec celle d’Headcharger, mais on se rejoint dans la passion de la musique. A chaque fois que l’on tourne avec eux c’est un vrai plaisir, on parle de musique à longueur de journée.
ANR : Vincent et Etienne (AqME) disaient récemment que tu fais un CD pour toi, mais que la scène c’est le partage !
Romain : Ah mais c’est exactement ça. Ce serait bête de faire des morceaux qui ne te plaisent pas.
Sébastien : Je ne conçois pas que tu puisses avoir la prétention de donner du plaisir sur scène si tu ne prends pas de plaisir dans les morceaux que tu joues.
ANR : Si on en revient à votre album. Pourquoi le choix du nom « Hexagram » ?
Romain : On avait 3 ou 4 titres en tête, mais rien n’allait vraiment. Anthony et Seb ont sorti ça et on s’est dit mince, c’est un titre de Deftones. Après on s’est dit, mais comment va-t-on l’expliquer en interview ! (rires)
Sébastien : au-delà de la sonorité qui nous plaisait, ça collait avec le thème de l’album, qui est la dualité.
ANR : Une dualité qui se retrouve sur la pochette de l’album, c’était ma prochaine question.
Romain : Non mais laisse tomber les questions, il veut tout faire comme il l’entend (rires)
Sébastien : (rires) En fait l’hexagramme ça vient de la culture chinoise, et ça reflète des questions de dualité autour de trigrammes. Et c’est ce principe de la dualité qui te fait aller de l’avant. Ça nous correspond bien. Quand tu montes un groupe à 5, la dualité est présente au jour le jour. Une histoire de groupe c’est une histoire de couple à 5, mais sans cul. Et si à 2 avec le cul c’est pas simple, je te laisse imaginer à 5 sans…. (rires)
Romain : Que des barbus en plus ! On se croirait dans un film de Police Academy premier épisode (rires)
Sébastien : Si on a toujours composé une musique assez fun, nos textes sont toujours restés sombres.
ANR : et si on en revient à la pochette ?
Romain : On voulait changer de l’imagerie stoner rock. C’est mon frère qui a fait la pochette.
Sébastien : On parlait de Gojira, on agit comme eux. On reste toujours dans un microcosme, on aime avoir le contrôle sur les tenants et aboutissants de notre image.
ANR : J’ai pu voir Gojira au Download, et je suis admirative du visuel de leur show. Toute cette imagerie qui replace l’homme dans l’univers, cette démarche écolo.
Sébastien : Oui, c’est tout à fait ça.
Romain : Je n’ai jamais été fan de Gojira, mais je trouve que ce sont des musiciens et des mecs géniaux. Et surtout je pense que ça doit être ça un groupe : rester intègre par rapport à toi-même.
ANR : Et votre ligne conductrice, comment la définiriez-vous ? Votre musique a pas mal évolué depuis vos débuts, d’ailleurs je crois qu’il ne faut pas trop utiliser le mot « stoner », vous n’aimez pas trop ça.
Romain : Oui, c’est un peu trop facile, un peu trop cliché. Mais je préfère ça au côté Hardcore qui nous a été collé pendant 4 ou 5 albums.
Sébastien : On a eu le droit au Metalcore aussi.
ANR : Metalcore ? Pour des gens qui ont plus de 30 ans, c’est étrange (rires)
Romain : (rires) en fait stoner c’est pas si mal !
ANR : Si vous voulez être tendance, il va falloir se mettre au Power Metal. Mais il faudra un peu plus de cheveux, des paroles qui parlent de batailles navales, et des chœurs ! (rires)
Sébastien : Mais c’est tellement ça ! Tout est tellement codifié…. On remercie nos labels, parce que jamais personne ne nous a imposé quoi que ce soit.
Romain : On leur file juste le CD en disant « c’est notre nouvel album » (rires)
ANR : Et si on veut découvrir votre album en live ?
Romain : Ce sera surtout à l’automne. On fait quelques festivals cet été.
Sébastien : Il y a la Maroquinerie le 4 novembre avec AqME. On a hâte, il y a une histoire entre nous, et ça va vraiment être bon. Il y a un troisième groupe qui va se greffer, mais on ne peut rien dire. On juste envie de reprendre la route, mais sans empressement.
ANR : On rappelle que ce sont des concerts qui ne sont pas chers, avec de super groupes, il faut venir !
Romain : Mais oui ! On envoie du gros son, et en plus on peut voir les gens !
Sébastien : Pour finir on voulait juste remercier tout le monde pour le soutien. On l’a déjà dit, mais sans public, sans groupe, sans label, etc. rien ne se passe !