Mon dieu, que c’est-il passé ce mardi soir du 1er novembre ? Un jour férié pourtant si paisible, pas grand monde dans Paris, le début de la fin ? Tout commence par un engagement à honorer, un devoir à accomplir sans faille, une allégeance faite à ma communauté : assister au concert de Stupeflip à l’Olympia en vu d’écrire le Live Report pour Art’n’Roll. En acceptant, je ne pouvais encore me rendre compte, savoir exactement ou j’allais. Et pourtant ! Des signes avant-coureurs avaient eu lieu de façons sporadiques dans ma vie. Tel que le tube « j’fume plus d’shit » passé en boucle sur Oui Fm ou encore… ha si depuis la sortie du dernier album « The Hypnoflip Invasion » (soit presque 10 ans après) j’ai habilement constaté qu’une quantité non négligeable de mes proches en parlaient, trop, cela en devenait même suspect à mon goût. C’est cette curiosité qui m’a poussée à dire OUI j’y vais, c’est cette orgueil qui va me perdre.
Pourtant rien ne m’arrête, ni la pluie, ni les embouteillages hors de Paris, ni la fatigue ni même ma (quasi) non connaissance du sujet. Je me trouve au 28 Boulevard des Capucines. Édith Piaf, Dalida, Jacques Brel, Charles Aznavour, Eddy Mitchell, Adamo, Nana Mouskouri, les Compagnons de la chanson et j’en passe des pires et des meilleurs sont passés en ces lieux magiques. Les murs de l’Olympia ont ressentis les vibrations et sont imprégnés par leurs compositions, inscrites à jamais au patrimoine de la chanson française. Ces dernières faisant de cette salle de concert un véritable monument historique en activité et pouvant allégrement renvoyer le Panthéon au rebut. Et pourtant malheureux ! A cette liste incroyable, suprême devrais-je dire ! Viendra s’ajouter, de façon imperceptible, le nom deStupeflip. A l’instar de Gogol, dans les astres c’est écrit. Alors tremblez !
Le grand couloir couleur or et au sol molletonné rouge, en apparence accueillant et inoffensif, s’ouvre à moi. Je me laisse avaler, aspirer, sans gémissement, telle une âme damnée qui va traverser d’Est en Ouest le purgatoire. Le chemin est long, guindé, sans embûches. Je constate que ne suis pas seul à vivre ce voyage (nous sommes donc nombreux à ne pas être normaux ?). C’est vrai que depuis quelques jours, les diables tenant les billetteries affichaient fièrement complet. Tout cela se termine par un escalier, presque luxueux, celui-ci descend et mène tout droit aux portes de l’enfer : le placement libre, autrement dit la fosse.
J’ai avec moi ma stupebière, la sentence sera moins douloureuse à coup de houblon, du moins je le souhaite. Je suis prêt, je vais franchir le pas. En rentrant dans les entrailles de cette foutue salle, sombre comme l’intérieur des catacombes. Je constate qu’une épaisse fumé, à l’odeur acre de plante verte (sûrement utiliser en vu d’un rituel ou je ne sais quoi), est à couper au couteau. Les pauvres gens s’entassent, et attendent tout comme moi le chaos. Malgré l’interdiction en vigueur dans ce lieu de damnation sordide et tout comme pas mal de mes semblables, je décide de fumer une stupeclope pour me détendre, que Lucifer en personne vienne me punir de cet acte odieux et inadmissible dans un lieu public, sinon laissez moi tranquille, l’heure est trop grave et je suis stupéfait.
Il est l’heure, 20h30 pile, nous plongeons soudainement dans le noir total. Scratch de DJ puis des notes de guitare en provenance de la scène sont audibles. Une inquiétante et morbide file, tels des druides en procession, investissent lentement la scène. Ambiance ténébreuse, quelques fans, s’agitent, se bousculent, se pressent pour trouver une meilleure place et ainsi voir le mieux possible ce spectacle bizarre. Un frontman qui semble être seul, un sexe proéminent en guise de chapeau (prouvant ainsi sa grande supériorité). Le visage finement caché par un masque vénitien tout en chantant une introduction parlant de la religion de Stup, morceau qui sera unanimement acclamé par la foule. Je suis conquis.
Ma fascination ne s’arrête pas là. Tel le malin, King Ju accompagné de ses apôtres démoniaques nous hypnotisera tous. Titre causant de monstres pour un public toujours autant plongé dans le noir. Musique basse et étouffée. Araignées au mur. Grands visages déformés nous menaçant d’une voix d’outre-tombe. Une atmosphère sectaire qui nous donne l’impression qu’un secret est caché. Soudain, apparition partiel de da lumière, la fin de la noirceur. Revendications aux seconds degrés poussés à leur paroxysme lorsque Cadillac est sur scène. Le public connaît et chante les paroles en coeur.
Dalida, casimir, jean jacques Goldman et bien d’autres artistes bien pensants sont évoqués. Un Johnny Hallyday sous forme de « Michel Bellenger » est d’abords un invité prestigieux avant d’être viré par le groupe tel un mal propre. Qui a donné l’ordre de tuer le C.R.O.U ? Nous ne le savons pas. Je regrette de ne pas connaître les morceaux pour partager la même jubilation qu’approximativement 100% des gens présents ici. Stupeflip mégalo ? Assurément ! Mais aussi rigolo car le spectacle frôle la fréquence rire et chanson par moment. Titre qui a fait son succès « j’fume plus d’shit » reprit en mode Bob Morane. Morceau plus Punk-Rock relatant des 80’s avec un King Ju à rayures et de grosse lunette. Plus tard rythme et riffs limite Metal. Bref, plus le temps passe, plus on se sent à l’aise tellement tout est désacralisé. Premier rappel, notre grand maître avec son accoutrement marrant n’a pas fini de faire trembler les murs de l’Olympia. Discours fumant, spectacle contre culturel, en désespoir de cause on peut même se demander si il y a un sens ? Non, il ne faut surtout pas faiblir.
On remonte la bobine et c’est terminé.
Stupeflip c’est bien plus que du Rap aux sonorités synthétiques digne d’un clavier Bontempi, à la composition aussi cheap que du thon Leader Price et aux revendications (n’est ce pas l’essence même de la musique Rap ?) délirantes voire abracadabrantesque. Non.Stupeflip est une religion, avec son dogme, une genèse et son histoire (liens et évolution entre les trois albums) voire même son langage. Certains déclareront qu’ils aimeraient bien le voir mort, d’autres avoueront qu’ils voudraient mourir pour lui. Stupeflip rassemble ses fidèles et écartes les autres, ceux qui n’ont pas compris son message, ceux qui ne saisiront jamais ses paroles à leur juste valeur et n’admettront nullement la beauté de son concept. Plaisir réservé toute fois aux initiés car celui qui n’a pas écouté la première seconde du première album jusqu’à la fin (comme moi) sera mis à l’écart.
La stupemania est-elle à son apogée ? Pas certain. Il est possible que cette étrange personne retourne comme à sa grande habitude, et cela à l’issue de sa grande tournée, dans un profond sommeil. Tel Cthulhu, celui ci n’est pas mort et reviendra dans quelques siècles… années pour nous en remettre une couche.
By Djé.