Groupe : Dirkschneider
Album : LIVE – Back to the Roots – Accepted !
Label : AFM Records
Sortie le : 4 août 2017
Note : 14/20
Dimanche de fin octobre, une BMW K100RS couleur gris métallisé roule sans destination précise à travers Wuppertal. Une fraiche pluie fine mouille le petit blouson sombre de son conducteur. Les 4 cylindres en ligne, 4 temps refroidissement liquide conçus en 1983 à 530 kilomètres de là, ronflent le long de la Bremer Str. dans la solitude et l’indifférence. Les milliers d’habitants de la Nordstadt ont regagné leurs chauds foyers, et s’apprêtent à dîner en regardant Sportschau, le populaire générique de « Tospsy » annonçant ce début de soirée dominicale. Mais de l’émission de la WDR, le motard n’en a cure, tout à sa réflexion qu’il est. Son destrier à cadre tubulaire décélère à l’entrée d’Ullendaher Str. au niveau de la concession automobile Lackmann, puis longe le Parc sur Dönberger, déserté depuis près d’une heure par les gamins en survêtement jaune et noir. La nuit est déjà tombée lorsqu’est atteint le Neuer Weg et ses arbres nus. « Neuer Weg »… le nom de cette voie interpelle le petit homme : « aller plus loin… pour un nouveau voyage… ». D’une durée aussi courte que celle de ses jambes, cette réflexion se fige aux abords du petit bourg ouvrier de Dönberg. « Non, il n’y aura pas de nouveau voyage, plus jamais : Nichts ! », crache-t-il contre sa visière. La lourde BMW freine brutalement devant la Wupper en crue. Le voltigeur pose un seul pied à terre, puis ôte son casque sous l’ondée battant ses ras cheveux blonds. Le visage crispé, ses yeux aquilins fixant la rivière, il a tranché : « Ce disque Live sera le dernier ». Parole d’Udo Dirkschneider.
Ce qui rassure dans le Metal Allemand, c’est que les rôles sont parfaitement distribués. D’ailleurs ce microcosme correspond trait pour trait au macrocosme d’Outre-Rhin : Tankard, les quatre buveurs de bières supporters de Francfort ; Doro, la Valkyrie maternelle en cuir noir ; Rammstein, les Ossies industrieux et décadents ; Scorpions, les beaufs millionnaires en santiags ; Uli Jon Roth, le vieux Baba bloqué dans le temps ; Kreator, les vegans humanistes du Rhurpott ; Destruction, les trois brutos tatoués du Bade ; etc… Dans cette belle galerie de figures Teutonnes, Udo Dirkschneider occupe incontestablement une place de choix à table. C’est un peu le vieil Oncle ombrageux, aux cheveux courts, débardeurs et treillis, voix stridente et idées fixes, celui que toute la famille respecte et aime bien, mais que l’on n’aime pas spécialement chatouiller… Un ancien des guerres coloniales, donc, mais sans guerres coloniales, République Fédérale Allemande oblige. Dirkschneider, c’est la Figure du Commandeur.
Donc, et après cinquante années d’une carrière bien remplie, celui-ci sent progressivement la fin venir. Il prépare une sortie digne de ce nom. Il souhaite rappeler à ses cadets ses états de service. Et qu’Accept, le groupe, c’est lui et personne d’autre. Pour ce faire, le sosie Germain de Dominique Pinon tourne à travers le Monde sous son nom de famille (pas celui d’U.D.O., son combo éponyme) depuis deux ans. Et sort ce mois-ci un double Live enregistré le 9 décembre 2016 à la Hala Vodova de Brno en République Tchèque durant la tournée « Back to the Roots ». Comme son titre l’indique « LIVE – Back to the Roots – Accepted ! » est la capture parfaite de cette tournée, dont la Setlist puise dans les racines musicales du gueulard. Et pour la totalité dans le répertoire d’Accept, son grand’ œuvre de 1968 à 1997. Le format Live réussit à Udo, dont on retiendra notamment que c’est le succès inespéré de l’album « Staying a Life » qui convaincu ses anciens partenaires de ne pas le congédier il y a vingt-cinq ans, nonobstant ses problèmes de drogue et de caractère.
La pochette est avenante : la bobine fermée d’Udo en gros plan sur fond noir. Le son de ce trente-et-unième disque, son premier sous son blaze Dirkschneider, est à l’avenant car authentique. La parenté de son timbre avec Brian Johnson, maintes et maintes fois rabâchée par des générations de scribouillards, peut parfois agacer (ou amuser) l’auditeur novice ; de même que l’ensemble des clichés égrenés par tout un tas d’intitulés (« Midnight Movers », « Neons Nights », « Son of a Bitch », « I’m a Rebel », etc…) ; ainsi que certains plans assénés par son guitariste (« La lettre à Elise »… WTF ?). Tant pis. On est Metal Heart ou on ne le sera jamais. La structure des morceaux est datée, un peu comme le carénage d’une BMW K100RS, mais c’est cela qui fait l’intégralité de son charme. Et l’intérêt de ce disque. D’ailleurs, les Tchèques ne boudent pas leur plaisir à l’entame des classiques « Restless and Wild » ou « Balls to the Wall », et l’on comprend précisément pourquoi l’enregistrement a été capté dans la peu blasée Europe Centrale. Nul doute qu’il s’agit ici d’un Best of parfait. Comme gribouillé plus haut, l’âme Allemande est omniprésente dans ce testament chromé. En témoigne ce touchant « Cold Winter Night », qui ne dépareillerait pas un samedi soir dans une émission de la ZDF (ou d’ARD). Coquetterie de vieux Crooner, Udo termine cette solide prestation sur « My Way », une des chansons les plus reprises au Monde. Une composition Française, en plus.