Groupe : Temperance
LP : Maschere : A Night at the Theater
Label : Scarlet Records
Sortie le : 8 septembre 2017
Note : 14/20
L’Europe demeure la place forte du Metal symphonique, une des musiques les plus vivaces des années 2000-2010. Après la Finlande (Nightwish, Tarja), les Pays-Bas (Epica, Delain, Within Temptation), l’Espagne (Diabulus in Musica), c’est au tour de l’Italie de nous emmener au Théâtre ce soir. Née en 1989, la vocaliste Chiara Tricarico cite la totalité des groupes précités comme ses influences, ainsi que Chopin, Bach, et Mozart, et affectionne le vin… Du même âge, le guitariste Marco Pastorino est, lui, résolument Metal ; le bassiste Luca Negro aime le Jazz et le Rock Prog’ ; quant au clavier et batteur Giulio Capone, leur aîné, il cite The Police et Toto. Molto interessante… A l’instar de leurs pairs, Temperance se révèle être un élève appliqué. Et veut nous le prouver en publiant ce mois un album enregistré en petit comité, lequel compile ses trois premiers albums. La pochette est soignée, comme celles des trois précédents dischi, et tous les canons du genre figurent dans ce « Maschere : A night at the Theater », à commencer par le titre de l’opus : « Masques : une nuit au théâtre ». Intitulé fleurant bon la Comedia dell’arte (sonnant aussi telle une réminiscence du « A night at the Opera », le classique de Queen en 1975) ; comme une promesse : littéralement, un « théâtre interprété par des gens de l’art ». Soit une façon raffinée, maturée et infiniment latine de composer et de jouer… Ce mélange seyant à merveille aux Espagnols de Diabulus in Musica, l’on ne peut qu’espérer une fructueuse comparaison avec el Grupo de la Diva Zuberoa Aznárez.
A la première écoute, le registre des transalpins s’avèrerait plus proche de Delain, voire parfois de Nightwish. Car l’ensemble des exercices de style du Modern Melodic Metal, propos on ne peut plus codifié, y sont égrenés : cordes tantôt lancinantes tantôt épiques ; nappes de synthés sur double grosse caisse ; modifications à outrance des Tempos et complications superfétatoires des structures ; échanges incessants entre le chant féminin suraigu de Chiara et la voix braillarde (on dit « Clean / Harsh Male Vocals ») de Marco (Ecole Tarja Turunen / Tuomas Holopainen) ; chansons clamées Speed, qui ne dépareilleraient pas dans un jeu vidéo Nippon (voire la BO de Death Note…) ; le tout par une Castafiore et trois accompagnateurs masculins ; deux chevelus plus un synthéman aux chœurs. Une sorte de « Déjà-vu » (un des titres de leur répertoire…). Toutefois, l’ensemble n’est pas formellement désagréable : tout sonne très pro et homogène, le chant convaincu de la rousse chanteuse évoquant parfois celle de la grande prêtresse Doro. Mais… on en attendrait plus de la part d’arrière-arrière-petits-enfants de Vivaldi, Puccini et Verdi… Alors, on se concentre, et l’on creuse dans les sillons des quatorze (chiffre magique en Italien) morceaux de cet album.
A la seconde écoute justement, les masques tombent, et se révèlent à l’auditeur quelques subtilités plus Transalpines, primesautières, que l’on souhaiterait promptes à voir régénérer un langage musical par trop conventionnel et froid ; et pour lequel il ne sert à rien de répéter ad nauseam les mêmes recettes. Par exemple, « A Thousand Places », le premier titre, se conclut sur un thème joué à la clarinette. Le nostalgique « Fragments of Life » évoque, quant à lui, le meilleur de la variété Ritale, tendance Rock FM d’Eros Ramazotti ou de Gianna Nannini. Ambiance « Amour de vacances au Bar de la Plage de Napoli », et Chorus de guitare Eighties. Charmant. Il y a du Folk aussi, le thème celtisant de l’entrainant « Unspoken Words » est joué à la bielle. Le virtuose FM « Maschere » est chanté dans la belle langue de Zucchero, ce qui est tout sauf désagréable.
En définitive, « Maschere : A night at the Theater » ménage savamment la chèvre du Piémont et le chou de Milan. C’est cela la vertu de Tempérance. A une maîtrise parfaite (au risque d’être lassante…) du Metal symphonique canal historique, les quatre musiciens ont incorporé quelques touches plus spécifiquement Italiennes. Pas autant de baroque que chez leurs homologues Pampolenais, ce qu’on regrettera ; pas non plus de morceau latinisant fou, tel le « Ring Around Dark Fairies’ Carousel » desdits Espagnols, à lui-seul capable de consumer une catégorie très nordique. Mais ce quatrième album d’un jeune groupe, lequel sort après leur première vraie tournée Européenne, apparaît fort susceptible de l’aider à se lancer à l’international. Déjà parce qu’il séduira sans peine les transis du sous-genre. Ensuite, parce que nous tenons avec Temperance un bon groupe Italien de Metal, toutes familles confondues.