Artiste : Chelsea Wolfe
Album : Hiss Spun
Label: Sargent House
Date de sortie : 22 septembre 2017
Note: 13.5/20
Présenter un projet comme Chelsea Wolfe ne sera jamais chose facile, bien que l’essence de sa musique perdure à travers les années. Le temps a prouvé que les genres n’étaient que des formes pour projeter un fond qui n’aurait pas de fin. Trip-hop, New-wave, Post-rock, Blues, Shoegaze, Stoner, Folk et d’autres tiroirs teintés de cet emblématique « Dark ».
En fait, je constate simplement qu’elle puise à sa convenance ce dont elle a besoin dans différents univers, pour exposer ce qui la torture, et venir ainsi nourrir notre plaisir malsain. Cette année 2017 marque la sortie de son dernier brûlot « Hiss spun ».
Je ne cacherais pas l’exigence de mes attentes vis-à-vis de cette artiste. Je me suis fait happé, il y a quelques temps, par l’album sorti en 2015 et connu sous le nom « Abyss ». Disque, qui de par son titre ne trompe personne, sauf peut-être la créatrice. Cet album m’a séduit au point de tomber amoureux du personnage et de sa capacité à faire plonger l’auditeur dans une noirceur assumée et maîtrisée.
Album, dont l’évidence de la justesse émotionnelle me hante encore. « Grey Days » ou encore « After the Fall » résonnent encore en moi, comme des cauchemars éveillés. Bien qu’une part de moi soit séduite par le personnage avant la musique, je prends soin de ne pas devenir tout chose devant ce qu’elle produit. C’est ma frustration actuelle que je vais tenter d’expliquer dans les prochaines lignes, pour définir ce que je ressens avec ce dernier opus.
La campagne de promotion a donné lieu à un clip qui met en boite Troy Von Leuween (Queens of the Stone Age), venu prêter main forte sur 2 titres de l’album : « 16 Psyche » et « Vex ». Le gentleman s’approprie ces titres à la guitare pour accompagner la voix de Chelsea Wolfe et amener des ambiances qui flirtent entre le Shoegaze et le Post-rock. Aaron Turner vient pousser la chansonnette, disons plutôt la voix d’outre tombe sur le titre « Vex », résultat qui donne un fort contraste entre la voix fragile et lyrique de la déesse à celle du bonhomme énervé.
La production de l’album est assurée par Kurt Ballou. Je dois l’admettre, l’annonce de la collaboration entre Chelsea Wolfe et cet acteur important de la scène américaine de ces 20 dernières années m’a donné des frayeurs. Kurt n’est autre que le guitariste de Converge et producteur émérite de la scène extrême hardcore américaine. Mon appréhension s’explique de par le fait que Mister Ballou n’a jamais vraiment travaillé avec une voix féminine, qui plus est avec un registre qui prône la fragilité et la douceur. Frayeur devenue frustration en écoutant « Hiss Spun », à travers un sentiment de distance imposé par le traitement sonore des « bébés démons » qui composent l’ensemble de l’œuvre. La voix semble inaccessible et on ne distingue plus la fragilité, qui faisait justement la force de cette artiste en recherche d’évasion par le vecteur musical.
Le son est irréprochable en tant que tel, mais on est loin de ce qui a été fait sur le précèdent album « Abyss », qui même si la tendance n’était pas la recherche supersonique actuelle, donnait plus de force aux titres.
Ce que je trouve regrettable c’est que le rendu instrumental n’est pas en osmose avec le travail introspectif mené par Chelsea Wolfe pour écrire ses textes. Elle raconte que deux évènements ont marqué cette écriture, des retrouvailles avec la batteuse de son groupe, qui joue d’ailleurs de la batterie sur « Hiss Spun », et un déménagement qui l’a rapprochée de sa ville natale. Ces changements l’ont amenée à exprimer des passages sombres et douloureux de son passé, qui ne sont pas suffisamment reflétés par les morceaux dans leur ensemble. Il me semble qu’elle a lâché prise sur une partie de la production musicale, au profit de ce voyage introspectif, mais au sacrifice du résultat final.
Néanmoins, je trouve que Chelsea Wolfe accepte mieux sa part d’ombre et prend de plus en plus d’assurance sur scène. Son passage remarqué sur la scène de la Valley lors de l’édition 2017 du Hellfest en est une preuve.
Si cet album me frustre, je sens que la métamorphose de l’artiste ne fait que commencer, que cet album correspond à une phase de son évolution et je reste impatient de découvrir le prochain opus.
Ma chronique peut vous paraître négative, mais cette négativité relative résulte de ma passion pour cette artiste et des exigences élevées que je lui impose. Je vous encourage à écouter ses albums, et à la découvrir, j’espère qu’elle saura vous toucher de la même manière qu’elle m’a touché.