Art N Roll a pu rencontrer Simon et Lupus du groupe Kadavar lors de leur journée de promo pour la sortie de leur nouvel album « Rough Times ».
Art N Roll: Bonjour Simon, avant de commencer cette interview pourrais-tu nous dire comment tu es arrivé dans le projet?
Simon « Dragon » Bouteloup : Je les ai rencontrés en 2012, j’étais alors dans un groupe qui s’appelle Aqua Nebula Oscillator et on est partis en tournée avec eux. On s’est posé la question d’un projet musical commun, on a fait un split album dans l’été. Je suis allé de plus en plus à Berlin, et j’ai décidé d’aller y vivre. Début 2013 ils m’ont appelé et m’ont dit qu’ils avaient besoin de quelqu’un. Et voilà, on n’est toujours ensemble.
ANR : D’où vient ton pseudo « Dragon » ?
Simon : Le coup des pseudos, c’est parce qu’ils s’appellent tous les deux Christophe. Ils s’étaient donnés des noms au début du groupe, et j’ai du trouvé le miens en arrivant. Je fume beaucoup alors ça me paraissait pas mal comme nom (rires). Le côté mythologique m’intéressait aussi.
ANR : Le dernier clip de Kadavar « Into the Wormhole » a été tourné en France, je crois que c’est Tiger qui en a eu l’idée, mais tu as du jouer un rôle dans cette histoire, non ?
Simon: C’est effectivement l’idée de Tiger, et l’acteur qui joue dedans c’est mon pote d’Aqua Nebula. La chanson parle des expériences que nous avons eues dans le passé. Le concept était d’avoir quelque chose qui colle avec les paroles, qui te fasse comprendre de quoi la chanson parle. Le mec vit dans une cave, il a une vie marginale. C’est lié à notre passé, quand on jouait dans des squatts. Mais on ne veut pas imposer d’interprétation, c’est libre.
ANR : Parlons un peu de cet album. 2 ans après « Berlin » vous revenez avec « Rough Times », pourquoi ce choix de nom ?
Simon : Le titre nous est venu naturellement, comme la pochette de l’album. On s’est appuyé dessus pour créer les morceaux. Depuis 2015 l’environnement mondial a changé, on risque d’aller dans le mur. On avait envie de transmettre ce sentiment. C’est aussi libre d’interprétation, c’est un feeling universel, mais ça peut aussi parler d’un mauvais réveil.
ANR : La pochette est très dérangeante.
Simon : C’était le but. On voulait un contraste avec « Berlin ». Quand tu le sors dans un magasin tu as envie de le regarder. C’est choquant. Tu as ce gosse, tu as l’impression qu’il a eu le cœur enlevé, qu’il n’a aucun avenir. C’est une sorte de claque dans la gueule. C’est aussi pour ça que l’album commence avec ces trois titres un peu violents.
ANR : Sur ce nouvel album il y a un morceau en français « A l’ombre du temps », comment est-il arrivé là ?
Simon : On avait cette chanson, le batteur avait un texte de prêt en anglais et il cherchait une mélodie pour sa ligne de chant. Il m’appelle un matin en me disant « on va tout changer, tu vas traduire le texte en français, et tu parleras dessus ». J’ai pris une ou deux journées pour faire ça. J’ai pu utiliser la langue pour travailler le rythme, le fait que ce soit parlé me donnait moins de contraintes.
ANR : Ça donne un effet à la fois poétique, élégant, mais tout en gardant une certaine intensité. Il y a un côté très Gainsbourg qui s’en dégage.
Simon: L’album c’est un peu comme un voyage. Il commence par une trilogie de morceaux Heavy qui t’en mettent plein la figure. Mais plus loin, tu vois que ce n’est pas tout noir, il y a aussi des balades, différents aspects que ce que le groupe peut être. La dernière chanson est là pour résumer le voyage parcouru, laisser un peu de nostalgie, de colère ou d’amertume. J’ai essayé de garder des images que les gens puissent retenir selon leur humeur.
Gainsbourg est une vraie influence, comme sur le fait de se concentrer sur des détails. Dans Melodie Nelson, quand il rentre dans le bordel il arrive à dépeindre un endroit de manière très précise. J’aurais aimé faire plus, aller plus loin.
ANR : C’est quelque chose que tu pourrais faire dans un prochain album ?
Simon : Peut-être oui ! C’est quelque chose qui est sorti naturellement, en une journée. Je n’ai pas assez pris le temps de travailler dessus, je n’ai pas non plus l’habitude de travailler des textes.
ANR : Comment est-ce que tu vois l’évolution du groupe depuis ses débuts ?
Simon : On a de plus en plus d’assurance. C’est le quatrième album, on a jamais essayé de reproduire l’album précédent. On préfère prendre le risque que ça ne plaise pas.
ANR : Peux-tu nous parler un peu de la dynamique interne du groupe ?
Christoph « Lupus » Lindemann: Nous écrivons généralement tout ensemble, mais pour cet album nous avons manqué de temps. Nous avons donc dû composer un peu séparément, mais on a toujours terminé les morceaux ensemble en studio. C’était intéressant, car comme nous avions la pochette et le titre de l’album avant les morceaux chacun a pu exprimer son point de vue et sa façon d’interpréter ces deux éléments. Ça donne un album assez hétéroclite. On a du Heavy, des accents sudistes et un morceau où il n’y a même plus de batterie. C’était une nouvelle de façon de faire, une meilleure je ne sais pas, mais une nouvelle.
ANR : Toi et Tiger avez suivi des études d’ingénieurs du son. A quel point cela affecte votre approche du son dans la réalisation d’un album ?
Lupus : Tiger est celui qui va s’occuper de quels micros et de quels effets ils vont avoir. Mais on est tous très impliqués. On fait beaucoup d’essais avec différents amplis, différentes guitares pour avoir le son désiré. Bien sûr, on discute de ce son recherche en amont. C’est vraiment un travail collaboratif pour avoir le meilleur son possible. Si quelqu’un veut changer quelque chose, on fait toujours l’effort d’essayer. Nous n’avons pas de producteur, nous faisons tout nous-même. Je sais que ce n’est pas toujours la meilleure option pour un groupe, mais pour nous c’est ce qui nous convient.
ANR : Comment se passe la transposition des morceaux sur scène ?
Lupus : Nous utilisons les mêmes amplis, et les mêmes guitares sur scène. Les salles sont toujours différentes, nous sommes obligés de faire confiance à notre ingé son. On se dit qu’il faut surtout essayer de bluffer les gens et pas essayer d’avoir le meilleur son possible.
ANR : Comment construisez-vous la setlist pour bluffer le public ?
Lupus : Ce n’est jamais chose facile. Il faut tenir le public pendant 90 minutes, le choix des morceaux est délicat. On cherche à avoir un bon équilibre entre des moments un peu pêchus et des moments plus calmes. Il y a des morceaux que les gens attendent, alors on les fait attendre (rires) ou alors on ne les joue pas du tout (rires). Nous essayons de changer la setlist tous les jours, parfois on la change même sur scène. Si un morceau ne passe pas, ou si ma voix n’est pas assez bonne, on n’hésite pas à changer.
ANR : Je crois comprendre qu’il existe un enregistrement du morceau Helter Skelter, quelle est votre relation avec ce morceau ?
Simon : On a commencé à faire ce morceau sur la dernière tournée. La réaction du public nous a poussé à l’enregistrer. Maintenant nous ne la jouerons plus sur scène, mais au moins nous avons une trace de ce morceau.
Lupus : le morceau fonctionne bien pour Kadavar, c’est comme s’il avait été écrit pour nous.
L’année dernière vous étiez au Hellfest pour la deuxième fois, cette année c’était le Wacken, quelle expérience as-tu de ces festivals ?
Simon: Le Hellfest c’est super. On est toujours impressionné que ce soit blindé. L’accueil du festival, l’équipe, tout est vraiment génial. Tu peux aussi voir des groupes.
Le Wacken c’est autre chose. On a fait l’ouverture d’une scène, y’avait du monde. C’est une grosse machine, le merch, tout ça c’est différent.
ANR: Que penses-tu de l’accueil du public français ?
Simon : En tant que français j’ai un regard un peu différent là-dessus. J’ai pas mal tourné avec mes autres groupes, mais maintenant que je tourne avec Kadavar je me demande où étaient tous ces gens qui viennent nous voir ! Les cinq dernières années, on sent que le public grandit. Il y a une nouvelle génération qui se profile. Il y a aussi ce système de salles sponsorisées par les régions les SMACS (Scènes de Musiques Actuelles). Le son est excellent, il y a beaucoup d’équipes pour t’aider. Quand on va jouer en France on se dit qu’il va y avoir un bon public, un bon son et que ça va être génial. Ce n’est pas l’Angleterre !