Stoned Jesus – Beastmaker
Petit Bain, lundi 9 Octobre 2017
Dur dur de commencer la semaine, sauf quand le lundi se termine par un concert au Petit Bain. Cette péniche m’a toujours offert des concerts de haute tenue. C’est donc d’un pas léger que je marche le long du quai qui m’y mène.
A 19h et des poussières, peu de monde, et du monde fortement masculin, et jeune. Idem sur scène, les membres de Beastmaker, trio venu de Californie. Le guitariste partage le chant avec le bassiste, le second, plus grave, soutenant le premier.
La basse est profonde comme le nuage qui a envahi la scène, on voit à peine la batterie, et pourtant tu sais comme la scène est petite. Ce nuage me rappelle d’ailleurs l’appel du groupe sur les réseaux sociaux : il demandait aux fans d’apporter un peu de cette substance aimée des stoners… Le chanteur nous rappellera par deux fois son besoin de weed, faisant fi de l’interdiction légale… mais clairement, ils sont nombreux dans le public qui aimeraient le dépanner.
Côté musique, Beastmaker est l’héritier direct du Heavy des années 70. Et ça se voit autant que ça s’entend : cartouchière portée sur pattes d’eph’, cheveux longs et bandana, rouflaquettes et bottes de motard. Plusieurs titres commencent par une entrée avec une référence au cinéma d’horreur de la grande époque. Le chanteur évoquera d’autres horreurs, beaucoup plus récentes, comme Tinder ou Trump. Il échange régulièrement avec nous, avec beaucoup d’humour, plus ou moins fin :
« Do you know why you need a voodoo woman ? Because they have nice titties ! No, I’m joking, they ain’t have any ! »
Le public, très clairsemé au début, s’est densifié et commence à s’animer. Le chanteur, lui, est ruisselant. Le set se termine et on sait qu’on a assisté à une première partie parfaite.
Stoned Jesus commence en avance, ce qui est assez rare pour être mentionné. Il semble que le deuxième trio du concert ce soir soit impatient de nous rencontrer !
Changement d’ambiance : là où Beastmaker était incisif, mordant, le premier titre de Stoned Jesus est planant. Ici, seul le guitariste assure le chant. Le bassiste a des allures de danseur classique. Ils viennent d’Ukraine pour nous interpréter leur album « Seven Thunders Roar » qui fête ses 5 ans. Ils sont salués par des compatriotes dans la salle. Je vois des nuques s’agiter de plus en plus rapidement, anticipant l’accélération du rythme. Dans la fosse, c’est dense. Le groupe salue notre présence en ce lundi, digne effort de notre part. Quelqu’un en profite pour réclamer « Stormy Monday », et le chanteur est heureux de lui accorder le titre. Nous recevons donc l’onction du saint gras adoré par le fan de Doom-Stoner. S’en suit « Electric Mistress » et le pogo se déchaine dans la fosse. Impossible de résister à ce titre qui alterne densité lente et mâle vigueur. Et c’est parti pour durer. La péniche tangue, et je ne suis pas sure que ce soit dû au trafic sur la Seine.
Les Ukrainiens ont joué leur 300ème concert cet été, et ce soir, ça fera probablement 3000 fois qu’ils jouent « I’m the Mountain », pour notre plus grand plaisir. Le frontman joue les guitar heroe et monte sur l’ampli, au risque de se cogner la tête sur l’autre ampli suspendue juste au-dessus. Il joue les marionnettistes avec nous : il peut nous faire taire, haletants pour la prochaine note, ou au contraire nous amener à nous déboîter la nuque frénétiquement.
Presqu’une heure a passé sans que je m’en rende compte. Un très bon signe que cette soirée est un régal. Les trois compères quittent la scène, nous laissant seuls avec le vrombissement des guitares.
Mais ouf, on aura droit à une bonne part de rabe avec en prime un petit aperçu d’une nouveau morceau, juste avant « Here Come the Robots » ! Ils nous avouent que c’est vraiment l’un des meilleurs lundis de leur vie. La frénésie reprend dans la fosse où ça tourbillonne et ça crowdsurfe. Parfois jusqu’à 3 personnes en même temps flottent au-dessus du public. Côté son, quand tu penses que c’est arrivé au paroxysme, ça accélère encore ! C’est lourd, dense et gras. Comme quoi il ne faut jamais se fier aux bassistes aux allures de ballerines ! Les trois membres de Stoned Jesus se jettent dans la fosse pour profiter eux aussi du bonheur du slam, sans le son du coup.
Ils reviennent pour un deuxième rappel, mais n’ayant plus de morceau à jouer, ils vont nous refaire le titre qui a eu le plus de succès ce soir, « Electric Mistress », qui nous est une bien belle amie en ce début de nuit…