Auteur : Destruction
Titre : Thrash Anthems II
Label : Nuclear Blast
Sortie le : 10/11/2017
Note : 16,5/20
Réenregistrer ses classiques, le Rubicon de pas mal de groupes et d’artistes établis, ainsi que de nombre de leurs fanatiques, tous genres musicaux confondus. Un tabou généralement. L’intérêt étant de mettre au son du jour des compositions appréciées, vénérées, mais souvent enregistrées aux balbutiements d’une carrière avec les moyens ainsi que les ingés-son du bord. Cela permet aussi, en cas de changement de Line-up, d’apprécier comment les nouveaux membres s’approprient une compo qu’ils n’ont pas gravé. Le risque de l’exercice étant d’en dénaturer l’esprit. De pénétrer dans un musée avec l’assurance d’un dinosaure. Aerosmith n’a jamais réenregistré « Mama Kin », ou Metallica « Jump in the Fire ». Néanmoins, les expériences tendent à se multiplier ; crise du disque, progrès technologiques et longévité croissante des carrières, comme facteurs.
Les réenregistrements sont plus fréquemment insérés comme Bonus Tracks ou en disque, annexé à un nouvel effort ou une compilation. Mötley Crüe, Saxon, Annihilator, ou Edguy ont procédé de la sorte. Manière plus discrète et moins frontale de s’attaquer au passé. Sinon, Anthrax a sorti un disque entier de classiques réenregistrés, mais sous le prétexte d’un nouveau chanteur (« The Greater of Two Evils » en 2004). Variantes : l’appui d’un orchestre symphonique (« Classic Diamonds », par Doro en 2004) ; un double album, l’original vendu avec les resucées (« Rock’n’Roll Secours », de Vulcain en 2014) ; un mélange avec des reprises d’un groupe auquel le musicien a précédemment appartenu (« The Purple Album » de Whitesnake en 2015, contenant des chansons de Deep Purple chantées par David Coverdale) ; ou sous forme de versions acoustiques et instrumentales (« Kings of Metal MMXIV », Manowar) ; …voire avec Christopher Lee comme narrateur (les mêmes, « Battle Hymns MMXI »).
L’intention est louable. Bien plus que celle consistant à remixer des bobines à l’occasion d’un banal anniversaire du disque. Et plus ludique, quelle que soit la formule retenue. A ce jeu, les allemands de Destruction, viennent de surpasser tout le monde. En effet, souhaitant donner une suite à « Thrash Anthems » paru en 2007, les trois Brutos du Bade-Wurtemberg ont sollicité leurs afficionados, leur demandant la liste des classiques qu’ils voulaient entendre réenregistrés. Une fois ladite liste arrêtée et approuvée, l’enregistrement a été accompli entre janvier et mars 2017 aux Little Creek Studios, en Suisse. Ce quinzième album est disponible depuis la semaine dernière. Test comparatif des anciens et nouveaux modèles façon Turbo sur M6, la cartouchière remplaçant la ceinture de sécurité :
– « Confused Mind » (1986) : première constatation, qui vaudra pour toutes les pistes : la durée est quasi-identique à celle de l’original (5 mn 50, contre 6 mn 08, n’allons pas ergoter). Les arpèges de l’intro ont gagné en clarté. Trente et un ans après, on palpe mieux l’influence technique et structurelle d’un autre grand groupe ayant sorti la même année une de ses pièces-maîtresses… Le son de la guitare rythmique de Mike Sifringer a également pris des biscottos, le grain de l’original sonnant très « craincrain » à la comparaison ; lors de cette longue cavalcade, Schmier met tout son cœur à couiner (à cinquante ans) ses petits cris vigoureux ;
– « Black Mass » (1984) : échappé de l’EP « Sentence of Death » de novembre 1984, soit la préhistoire des trois Teutons (lesquels ressemblaient à des caniches en petits manteaux de cuir sur la pochette) ; le lecteur devinera sans peine que le sonore a gagné à tous points de vue depuis. Le morceau a (peut-être) perdu en spontanéité, le juvénile Destruction ayant à l’époque vendu son âme au Black Metal ;
– « Frontbeast » (1984) : issu de la demo « Bestial Invasion of Hell » réalisée en août 1984, trois mois avant la sortie du premier EP, il s’agit du plus ancien titre repris ici. Comme précédemment, le son a gagné là où l’esprit originel a (un peu) perdu. La parenté avec Venom, évidente alors, est ici intelligemment estompée ;
– « Dissatisfied Existence » (1988) : l’excellent troisième titre de l’excellent « Release from Agony » (à l’excellemment hideuse pochette) a lui-aussi gobé des stéroïdes. A tous postes de jeu, surtout la voix (moins venimeuse que sur l’original). La texture Thrash Old School demeure néanmoins ;
– « United By Hatred » (1986) : le chorus à la guitare est rejoué avec fluidité ; iI en est de même pour la rythmique, laquelle bénéficie de trente ans d’évolution de la programmation. Ici encore, Schmier ne feint pas son enthousiasme à monter dans les aigus ;
– « The Ritual » (1985) : trois titres du LP « Infernal Overkil » ont été désignés pour une seconde naissance par les auditeurs ; ils se suivent sur ce disque, dans un ordre différent à celui de l’album de 1985 (?). Le jeu de pédale double-grosse-caisse de Wawrzyniec Dramowicz n’a pas à rougir en comparaison à celui de Tommy Sandmann, et a pris en rondeur ;
– « Black Death » (1985) : le lifting de sa partie épique est jouissif ;
– « The Antichrist (1985) » : les parties de batterie de ce mid-tempo, très techniques, sont parfaitement restituées par le nouveau batteur ;
– « Confound Games » (1986) : on appréciera la cohésion des instruments et du chant ;
– « Ripping You Off Blind » (1990) : c’est le plus récent puisqu’il date de 1990 ; néanmoins, sa production d’origine n’était pas parfaite (trop d’écho), ce qui est maintenant corrigé ; le nouveau chant est plus hargneux ;
– « Satan’s Vengeance » (1984) : également tiré du premier EP, il ferme le ban d’un album particulièrement réussi. Schmier et ses deux sbires sont parvenus à muscler le propos, et à éclaircir le son de ces classiques, sans en dénaturer l’esprit. Au contraire, ceux-ci bénéficient d’une remarquable cure de jouvence. Les productions de ces onze morceaux étaient hétérogènes, fluctuant au gré des influences et des budgets d’alors, on ressent comme une volonté d’uniformiser le son, de le labelliser maison, de faire montre d’un savoir-faire. D’ailleurs, la GmbH Destruction (Gesellschaft mit beschrankter Haftung), 79540 Lörrach, propose également des devis pour tout ravalement de façade ou restauration de monuments et châteaux.