Groupe: Affront
Titre : Angry Voices
Label : Polymorphe Records
Sortie : janvier 2018
Note : 15/20
Le pays-Continent Brésil est « l’autre pays ». Peu étonnant, au vu du foisonnement tant humain qu’artistique qu’a connu la véritable nation « Arc-en-ciel » depuis trois siècles, travaillée par ses influences amérindiennes, africaines et européennes voire asiatiques (baroque, abstrait, romantisme, modernisme, expressionnisme, cubisme, surréalisme, Bossa Nova, Jovem Guarda, etc…). Vingt-six Etats fédéraux, presque autant de scènes Metal, abritant à peu près tous les styles et sous-genres. A celles internationalement connues que sont Belo Horizonte (Sarcófago, Holocausto, Mutilator, Sepultura, Studio Zero) et São Paulo (Korzus, Ratos de Porão, Angra, Executer, Nervosa, Torture Squad, etc..) s’ajoutent de moins réputées, du Nord au Sud. Telles Belém (Wael Daou), Brasilia (Tupi Nambha), Natal (Primordium), Machado (Lothlöryen), Londrina (Confusão), Curitiba (Zombie Cookbook, Legacy of Kain), Santa Catarina (Dark New Farm, Symmetrya)… et Rio de Janeiro. La cité du Corcovado est d’ailleurs reconnue comme la plus proche de l’influence européenne, notamment Allemande. La scène de la plus grande ville du Brésil, qui a émergé au début des années 1980 avec le groupe de Heavy / Speed Dorsal Atlântica, nous présente aujourd’hui son dernier rejeton, fondé en avril 2016 : Affront.
Les trois outrageux ont sorti fin 2016 « Angry Voices », un album typiquement Brésilien. Lequel sort en Europe ce mois-ci. La production est cosignée Rafael Rassan, le guitariste, et Marcelo Mictian, le bassiste-chanteur. Qui, fort de son expérience engrangée avec son précédent groupe (de Black) Unearthly, a souhaité s’y coller. Pour le meilleur. Le sombre mais humaniste Marcelo met « Scum of the World », « Conflicts », « Wartime Conspiracy », « Mestre do Barro », et pour la version européenne les Bonus Tracks « Violence » et « Sowed by Lies » en avant. A quoi il est plus que loisible d’ajouter l’instrumental « Terra sem Males », qui exsude la Jungle, et rappelle le massacre des amazoniens par les colonisateurs. Complétement dans la ligne-droite de « Kaiowas », cet instru de Seputura de 1993, qui évoquait le suicide collectif d’une tribu. Bref, ce que la musique Metal Brasileira produit de mieux. D’ailleurs, Marcelo ne fait pas mystère que Max Cavalera est son influence majeure ; comme il l’a dit lui-même à ANR : « Sepultura a été précurseur en la matière, et il nous a semblé logique de poursuivre sur cette formule ». Ce qu’il est commode de nommer le « Metal Nativo Brasileiro » ou « Folk Metal Nativo », un genre à part entière au pays de Neymar.
Le lusophone « Mestre do Barro » est le point fort de ce premier Opus. D’une part parce que qu’il parle de Vitalino Pereira dos Santos, dit « Mestre Vitalino » (1909 – 1963), un céramiste populaire, dont les œuvres sont exposées dans un musée à Caruaru… ainsi qu’au Louvre. D’autre part, parce ce qu’il ne dépareillerait pas sur « Chaos A.D. » de qui-on-sait : un peu d’indus, des rythmes tribaux, une guitare Lead qui monte et qui descend dans les aigus, une alternance complexe entre tempos lents et rapides, une grosse voix pas contente… La version européenne d’« Angry Voices » contient également, par deux fois, le très bon « Under Siege » (qui n’est pas une reprise de… Sepultura, même si elle a le même titre que leur classique et VHS de 1991). Fidélité aux anciens toujours, Affront a enregistré la seconde version de ce titre avec Marcello Maciel Pompeu, le quinquagénaire chanteur des précurseurs Korzus. Le Rack à pédales d’effets a été mis à contribution tout au long du disque, conférant un coté planant voire orientalisant, aux morceaux (école Andreas Kisser). On notera aussi la surabondance de caisse claire dans les rythmes, ce qui renforce cette impression de simplicité. A l’instar de ses pairs de la scène Carioca, Affront lorgne pas mal vers l’autre pays du Thrash Metal, l’Allemagne, plus précisément le Rhurpott et le Bade ; on ressent d’ailleurs assez nettement l’influence de Kreator et de Destruction, Marcelo Mictian citant également Sodom parmi ses modèles.
Ce premier jet de sarbacane sort donc sur le Continent de Schmier et de Stéphane Buriez ce mois de janvier 2018. Une fois encore, c’est Fred Martinez de Polymorphe Records qui paie tribut à la Cause en le distribuant. Avec réussite. Nous faisant découvrir une formation de l’autre bout du Monde (comme il l’a fait pour ses autres poulains, Hate Beyond ou Malapetaka). Ici à Art’n’Roll nous aimons le Thrash / Death Brésilien. Car il est toujours joué avec le cœur et les tripes. Façon mygale (et en faisant la grimace comme Fernanda Lira).