Auteur : Herman Rarebell
Titre : En parlant des Scorpions
Editeur : Camion Blanc
Sortie le : 20 novembre 2017
Note : 14,5/20
Comme bien souvent pour les autobios, les premières lignes d’« En parlant des Scorpions » commencent sur une analepsie, un retour sur des événements antérieurs au moment de la narration ; cette fois, la prestation des cinq Teutons au Moscow Rock Peace Festival de 1989, et les quelques mots échangés entre son batteur, Herman Erbel (de son vrai Nachname) et Mikhaïl Gorbatchev (pour mémoire, Secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique à cette date) deux ans après ce mémorable concert. Car rares sont les groupes de Rock ayant autant tutoyé le sens de l’Histoire que Scorpions à ce moment précis. Le vent du changement toussa. A ce titre, les jérémiades, tant de Bon Jovi que d’autres sous-prestataires de l’événement pré-chute, furent vaines : Allemands de l’Ouest, et stars multipiratées à l’Est du mur, seuls Scorpions eussent été légitimes d’être tête d’affiche ce soir de 1989 (Bon Jovi le fût obstinément, et fît un flop… bien fait pour toi petit prince).
La chronologie du récit est ensuite, et en somme toutes, classique et linéaire. Le petit Herman est un enfant choyé par ses parents, nonobstant leur divorce ; né dans l’Allemagne de l’Ouest, dans le plus petit et francophone des Lander, la Sarre, il est intégré à l’Institut d’Economie, puis à l’école de musique de Sarrebruck. Jeune batteur séducteur, il profite de sa passion pour le British Boom, ainsi que de ses quinze euros reçus chaque week-end, afin d’engranger les conquêtes du sexe faible d’Outre-Rhin. Puis de la Perfide Albion, lorsqu’il traverse la Manche en 1971. Il devient batteur de studio à Londres pendant cinq ans (la pudeur, ou la peur de représailles, lui interdisent de nous révéler sur quels disques il a pour de vrai joué… Deep Purple ?) avant de rencontrer un compatriote de Hanovre, Michael Schenker, lequel lui propose d’auditionner pour le groupe de son Frère Rudolf : à l’époque, un mélange Krautrock entre The Jimi Hendrix Experience (because le passionné Uli Jon Roth) et Hurriah Heep. Reçu et officialisé, le débonnaire batteur va ensuite et pendant vingt ans, se mettre un point d’honneur à marquer la musique de Scorpions de sa grosse papatte…
L’autobiographie de Rarebell se lit très facilement : il s’agit là d’un blog. Les !, ?, parenthèses, renvois plus loin, apartés, redites et autres digressions interminables, se ramassent à la pelle. Les approximations et coquilles aussi (non : Keith Moon n’est pas mort en 1977 ; le morceau des Who se nomme « Baba O’Riley » et pas « Baba O’Reilly » ; il est contestable d’écrire qu’en 1988 Metallica était un groupe « Inconnu »). Surtout, le placide Herman est un adepte de la comparaison et de l’allégorie, ce qui ne manque pas de moutarde piquante. C’est bien simple, il y en a une toutes les deux pages (florilège : « Si je comptais le nombre de fois où j’ai revécu la Bataille d’Angleterre, j’aurais mérité mille fois la Croix de Fer » ; « l’organisateur du concert ou tout responsable de cette programmation va voir son emploi devenir aussi précaire que celui de capitaine sur l’Exxon Valdez » ; « les pontes de RCA parlaient de notre promo comme s’ils nous offraient personnellement les clés de Fort Knox, gravées à notre nom »). De même, les étalages crâneurs balancés en plein récit sont rituels chez lui, notamment s’il s’agit de nous démontrer qu’il a copulé plus de fois qu’un lapin Australien du dix-neuvième siècle (oups ! contamination de style…). Lesquels s’avèrent stériles et lassants.
Sur le fond, et hormis les failles archétypales du genre (drogue vers 1984, égos, problèmes de ronds entre compositeurs, vacheries -autolégitimées- sur les petits camarades, étalage d’une superbe fin de carrière… malgré rien du tout depuis son départ de Scorpions en 1996), le livre de notre truculent Sarrois s’avère truffé de petites pépites et d’anecdotes, qui raviront les Fanzouzes du combo ainsi que tout bon amateur d’histoires Rock. Du « Blackout » de Rudolf Schenker dans l’Ohio (qui donnera l’intitulé de l’album), en passant par le Travelo à Pigalle en 1977, la Montezuma contractée en Inde en 1978, ou le Kimono fétiche, les actions primesautières du poto Germain feront sourire voire rire le lecteur. En fait, un peu plus que celles du batteur des Cure dans sa récente autobiographie. Tout ceci sonne un peu Beauf en fute en cuir ou Spandex jaune, mais tellement Rock’n’Roll. Il ne s’agit que de divertissement comme l’annonce Herman Ze German dans ses avant-propos. Deux fils rouges sous-tendent ce long récit : l’implication d’un batteur dans la composition ; et l’importance d’une même longueur d’ondes avec le producteur, en l’occurrence Dieter Dierks (le sixième membre, qui a rédigé la préface de ce livre) sont cruciales quant au succès. Profession de foi(e), qui donne véritablement envie de s’acheter l’intégrale discographique 1976-1991 des orgueilleux arachnides.
2 Comments