Art n’ Roll : Dépérir existe depuis plusieurs années, mais vous ne sortez votre premier album qu’en 2017. Comment s’est passée la création du groupe puis de cet album ?
Loki : En effet, les premières compositions datent de 2011! Dépérir est composé de deux Québécois (WT/Chant & Arawn/Basse) et deux Français (Loki/Guitare & Sorthei/Batterie) Sorthei et moi avons immigré au Canada en 2013 et 2014. Nous avions monté quelques morceaux en France mais mon départ pour le Canada nous a obligés à mettre le projet en stand-by. Lorsque lui aussi a décidé de s’expatrier et qu’il m’a annoncé que nous allions vivre de nouveau dans la même ville, l’envie de reprendre le groupe là ou nous l’avions laissé est venu tout naturellement. C’est là que nous avons recruté WT et Arawn pour redonner vie à Dépérir et créer le premier album!
AnR : Quels sont les thèmes que vous abordez dans ce premier album ?
WT : Le terrorisme, le charlatanisme des grandes religions, la guerre, les dépravations sexuelles, les tueurs en série, le suicide, la misanthropie et la torture en gros. En fait, nous nous nourrissons de thèmes actuels sombres qui complètent à merveille l’atmosphère musicale sale et violente de Dépérir. Ils sont le reflet d’une société déliquescente et corrompue.
AnR : Vos paroles dans « Le Misanthrope » m’ont évoqué Baudelaire. La poésie ou la littérature sont-elles des sources d’inspiration pour vous ?
WT : Bien entendu, je suis un grand lecteur et la poésie sombre me nourrit. Baudelaire a été une influence immense dans ma vie. L’inspiration de la pièce «Le Misanthrope» provient de mes observations de ce virus létal qu’est l’humanité et de ses travers dégoûtants. Il est certain que je me suis aussi inspiré de la pièce de théâtre de Molière du même nom et de plus, la pièce contient une citation d’Honoré de Balzac dans «Peau de Chagrin». En fait, en tant qu’amateur des arts en général, je m’alimente de littérature et de poésie, mais aussi de cinéma, de peinture et de l’actualité qui n’ont de cesse de faire augmenter mon cynisme à l’endroit de la bête humaine.
AnR : Dépérir a des liens assez nombreux avec d’autres groupes, autant canadiens que français. Quels sont-ils exactement ?
WT : Nous sommes effectivement lié aux groupes français que nos membres français ont côtoyés ou eus jadis : Daedalion, Decent, Inferi Gloria, Pavillon Rouge, Into Dagorlad, Crystalium, Blacklodge, Kosmos etc. Puisque la formation actuelle de Dépérir s’est réalisée au Québec, nous avons aussi développé grâce à mon passé avec Endless Horizon et en jouant ou côtoyant des groupes comme Ancestors Revenge, Brume d’Automne, Neige Éternelle, Délétère, Hak-Ed Damm (un autre groupe dont je fais partie), Atroce, Цар Стангра, Morgue, Nord, Bois, Verglas Sanglant, Saccage, Outre-Tombe… etc. Il faut aussi souligner à ce chapitre l’apport de notre label, HSP Productions, qui nous a permis de rejoindre une famille de groupes québécois bien établis. Nous avons aussi eu la chance d’ouvrir pour de grosses pointures comme Blacklodge et Taake à leurs premiers passages respectifs à Québec, ce qui nous a aidés à consolider nos liens avec la scène locale.
AnR : Québec semble être propice pour la scène Black Métal. Comment vous expliquez cette particularité ?
WT : Je pourrais me lancer dans un grand exposé liant Histoire, Géographie et Musicologie, tant les causes de ce phénomène sont à mon sens multiple. Québec est un peu le village d’Astérix résistant contre l’assimilation anglo-saxonne remontant à la Conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques en 1759. Étant la capitale de la seule Province unilingue francophone du Canada et la seconde ville d’importance de cette province après Montréal où les effets de l’anglicisation ne se font pas encore trop sentir. Je crois que cette mentalité de résistants et le désir de conserver notre particularité culturelle est derrière cela. C’est d’ailleurs ce romantisme culturel qui a été fortement utilisé par les premiers groupes de Black Metal d’ici liés à l’étiquette Métal Noir Québécois et chantant exclusivement en Français comme Forteresse et Monarque par exemple. De plus, la particularité de Québec s’est toujours reflétée dans les préférences musicales des gens de Québec qu’on surnomme aussi Capitale du Metal en Amérique du Nord. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, il y a eu ce qu’on appelle ici la «Révolution Tranquille» où la Province de Québec s’est laïcisée soudainement, se libérant de la dominance Catholique romaine des trois siècles précédents, s’est créé un État digne de ce nom à l’intérieur de la Fédération Canadienne et a libéré ses mœurs sous l’impulsion de la contre-culture naissant à cette époque chez nos voisins américains. Dès lors, la ville de Québec est devenue un bastion du rock progressif, puis la musique Heavy Metal s’est installée très fortement sur ce terreau fertile au cours des années 1980. Québec est donc devenu un arrêt obligatoire en Amérique du Nord pour des groupes comme Iron Maiden, Metallica, Megadeth…etc. Ces grands groupes ont aussitôt influencé le développement d’une scène locale d’abord dans les courants Heavy, Thrash, Death et Power, qui a abouti à la naissance d’une scène Black Metal vers la fin des années 1990 ici. Enfin, le climat nordique du Québec qui vit des hivers rigoureux à chaque année y est aussi certainement pour quelque chose.
AnR : Vous vous êtes déjà produits sur scène au Québec. Et en France ? Si non, est-ce prévu ?
Loki : Non, on a jamais joué en France pour le moment mais je travaille là-dessus!
AnR : Quels sont les projets en vue pour Dépérir ?
Loki : Finir de composer le deuxième album, aller faire quelques dates aux USA courant 2018, continuer à faire de bons shows au Québec et bien sûr venir tourner en Europe rapidement!