Les tournées communes des groupes de Thrash et de Death se sont accumulées au bonheur de tous ces derniers mois. Nous avons eu le plaisir d’accueillir successivement Destruction (en compagnie de Flotsam & Jetsam, Enforcer et Nervosa), puis Obituary et Exodus (accompagnés, eux, de Prong et de King Parrot, lors du bien nommé « Battle of the Bays Tour »), suivis par Kreator et Sepultura (avec Soilwork et Aborted dans leur besace) ; se profilent à l’horizon tout proche Venom Inc. (avec Suffocation, Nervosa, Aeternam et Survive) et à nouveau Sepultura (avec cette fois Obscura, Goatwhore et Fit For An Autopsy en package). Le tout toujours dans des salles de contenance moyenne, propices à la chaleur humaine et à faciliter la convivialité (nous y reviendrons plus bas). Certes, ces tournées collectives ne sont pas une nouveauté de la dernière pluie (in Blood) ; elles sont propres aux mouvements musicaux où la fraternité règne (in Blood), et furent tour à tour l’apanage de la Soul noire des années 1960, puis de l’ère Hippie, et enfin du Thrash Metal, notamment le mémorable « Clash of the Titans » de 1990, regroupant Megadeth, Slayer, Suicidal Tendencies… et Testament.
TESTAMENT AU BATACLAN LE 08.12.2017
Testament qui, vingt-sept ans plus tard, a acquis sans le voler le statut de vieux de la vieille, s’est donc flanqué des non moins respectables Annihilator et Death Angel, afin de partir en tournée mondiale promouvoir leur dernier « Brotherhood Of The Snake » et venir embraser la France lors de quatre dates en décembre dernier : Toulouse, Villeurbanne/Lyon, Nantes et Paris. Le Bataclan clôturant le 8 décembre cet attendu crochet, organisé sous l’égide de Cartel Concerts et de Live Nation France. Plus qu’attendu, car la chaleureuse salle du boulevard Voltaire était pleine comme une cantine ce vendredi-là ; tandis qu’une autre frange du Rock Français se pressait déjà dans les froides rues et artères de l’Ouest parisien, afin de saluer une dernière fois le lendemain celui appelé par les gens « l’Idole des jeunes »… Ouvrant le bal, Death Angel régale l’assistance de six morceaux, émanant d’albums divers du combo (exception faite de « Father of Lies » et « The Moth », tous deux sortis sur « The Evil Divide » en 2016). Le classique « Mistress of Pain » (tiré de « The Ultra-Violence » de 1987) ravissant les fans de Thrash Old School présents en masse. Les cinq de la Bay Area emmenés par le chanteur Mark Osegueda justifiant à eux-seuls et d’ores-et-déjà la présence de tous à cette soirée. Ovation. Le revival de la mouvance Old School ne suffisant pas à expliquer la vivacité de Death Angel, plus de trente ans après leurs débuts.
Car le ban et l’arrière-ban du Thrash Metal Francilien s’est déplacé à la nuit tombante, afin de vivre le dernier grand événement de l’année. Tous les cinq mètres de bousculade (aimable et polie) on en vient à croiser un ami, une bande de copains, ou une tête connue. Les filles et les gars du 77 ne souhaitent pas rester au rez-de-chaussée, et montent de suite au balcon ; tiens, il y a aussi… Jérome Hard Force et sa copine : Selfie en famille, obligé ; …pris en compagnie de Pierrot Moshtildetah, lui-aussi présent ; la grande Immortaliza fait la bise et indique que son Martin occupe la place debout là-bas sur la gauche… ; …lequel Martin ne compte cesser de remuer l’occiput en rythme, et coupe vite court à toute conversation. Personne ne veut rater Annihilator, qui enchaîne pour huit morceaux. Le Light Show monte doucement (euphémisme) en puissance, le rougeoyant logo affiché en large derrière eux. Tous les protagonistes scéniques sont logés à la même enseigne que la tête d’affiche. Cela grouille de partout en bas et en haut de la salle, pendant que le charismatique Jeff Waters revisite le répertoire de sa formation, panachant lui-aussi à travers quatre décennies au service du Metal Canadien (seize albums studios, leur dernier « The Demented » sorti en 2017). Ces quarante-cinq minutes d’intensité technique se clôturant par « Alison Hell » et « Phantasmagoria », publiés sur les EP et LP éponymes de 1986 et 1989. Deuxième ovation. Dix jours plus tard, Annihilator annonçait sur son site Internet la tenue du « A Tour for The Demented », soit trente-sept concerts européens entre octobre et décembre 2018. « On the Road Again », comme le fredonnait le pote Stéphanois de Léo Ferré.
De redoutable, le jeu de lumières devint hypnotique à l’arrivée sur scène de Testament ; écrasant, mémorable ; les cinq de Berkeley prenant possession des lieux devant la gigantesque pochette de leur récent et réussi (mais encore non joué à Paris) « Brotherhood of the Snake » de 2016… dont le titre-phare est assené d’emblée. Assemblée d’avantage en sueur. L’assistance semble plus torride encore qu’à Kreator / Sepultura en février dernier… Le son est puissant et précis, égal à celui de Devin Townsend lors de son passage en ces lieux en janvier 2017. Il n’est pas interdit d’écrire, à la volée, que Le Bataclan possède la meilleure acoustique de la Capitale. Symbole toujours, « La Marseillaise » est reprise par le public Français. S’accompagnant à grands coups de Air Guitar dont il a le secret, Chuck Billy assomme l’assistance par sa voix de Stentor. Son comparse Alex Skolnick fait montre de sa virtuosité, lors d’un long solo de (vraie) guitare précédant le titre « Electric Crown » de 1992. Comme celles de ses deux prédécesseurs, la Set List de Testament pioche à dans sa riche discographie : de « Rise up » (2012) à « Disciples of the Watch » (1988), en passant par « Practice What You Preach » (1989) ou « Low » (1994). Conquise a priori, l’audience est KO à posteriori. Nouvelle ovation. A force de labeur, Chuck Billy est parvenu à s’imposer comme un des grands maîtres du Thrash Metal mondial, à l’instar d’un Araya ou d’un Cavalera. On fera remarquer qu’il s’agit également d’une des (très) rares Stars d’origine Amérindienne, fils de la tribu des Pomos ; et qu’il est dommage que « Rumble », le magnifique long-métrage retraçant la contribution des Indiens d’Amérique du Nord au Rock, n’ai pas mis sa totémique figure en valeur. Le valeureux Chuck se prêtera après ce gig au jeu des dédicaces et autres photos en compagnie de ses nombreux fans restés l’attendre. Amitié, toujours et enfin, l’auteur de ces lignes ira de son côté se réconcilier avec un pote de fac’ qu’il n’avait pas vu depuis… octobre 1995. Merci Testament.