Etouffe-chrétien ce soir de mars dans le treizième arrondissement de la capitale : pas moins de cinq groupes, et pas des moindres. Et ce, moins de vingt-quatre heures après avoir ingurgité la prestation Punchy d’Obituary. D’ailleurs, on recroise sur la barge mouillant Port de la Gare face à la BNF, de bonnes et familières têtes vu la veille. Ainsi que nombre d’étrangers, pas mal de Latinos, dont le débonnaire Luis Thrashte, monté pour l’occasion de La Corogne montrer à qui veut les voir ses tatouages de Fernanda et de Prika de Nervosa, piqués sur son avant-bras. La gouleyante dégustation est entamée dès 18 heures 20 par le groupe de Thrash-Speed Japonais Survive. Le sous-sol de la péniche est déjà rempli de connaisseurs, le tout dans une ambiance Club. Mais vraiment Club. Les quatre membres en cuir et clous remplissent leur office sous des lights rouges, multipliant les poses héroïques et faisant montre de toute leur attitude sous des litres de sueur. Vint le tour de Aeternam sur les coups de 18 heures 50, vraiment pas du tout dans la même veine : les québécois pratiquent en effet un « Ethnic Symphonic Metal » mélodique et extrêmement léché. Leur chanteur, le charismatique et chamanique Achraf Loudiy, se livre à l’assistance. Les tonalités son orientalisantes, un peu comme un Acyl ou un Orphaned Land venu du Nord de l’Atlantique Ouest. Achraf est originaire de Meknès. C’est chaleureux et très beau.
Les hostilités sont officiellement entamées avec l’entrée en scène de la teigne équatoriale Fernanda Lira qui, comme d’accoutumée, invoque dos au public les esprits du Metal sur l’épique intro à la guitare d’« Hypocrisy ». Encore ancrées dans leur période « Agony » de 2016 déjà, les trois belles de São Paulo nous délivrent un Set identique à celui de la Maroquinerie il y a deux ans. Jouant également leurs deux classiques du premier album (« Victim of Yourself de 2014) « Death » et « Into Moshpit », ainsi que leur premier EP « Masked Betrayed », repris par les Fans sous les harangues de la bassiste aux cheveux noir jais. Aucune chanson de leur disque à venir, lequel verra la parfaite intégration de la batteuse Death Metal de vingt printemps, Luana Dametto. Ne boudons pas le plaisir, Fernanda se donne sur scène comme si sa vie en dépendait, entre sourires complices et grimaces.
C’est à Suffocation de récolter ce que les trois précédents groupes ont semé, le Petit bain est désormais plein et chaud-patate. Les cinq de Centereach, Long Island, délivrent leur Death technique et/ou brutal pendant près d’une heure. Suffocation faisant penser à un vieux train US effrayant et délabré, traversant des villes industrielles désertes. Le son est lourd et la maîtrise instrumentale collective parfaite. Le guitariste Terrance Hobbs, black et dégarni, présent depuis la fondation de cette machine en 1988, étant bel et bien le point fort de Suffocation. Il assure tant le fond que la forme. Sur le côté de l’estrade, Fernanda Lira étudie en surfant nonchalamment sur son Smartphone.
Amusant, la page officielle de Venom Inc. est cataloguée « Arts du spectacle ». Loin d’être faux, tant le Barnum de Newcastle upon Tyne amuse les petits et les grands depuis quatre décennies sans discontinuer (mais jamais avec le même Line up). D’ailleurs, Tony « Demolition Man » Dolan, le chanteur de Venom de 1989 à 1992 et 1999 à 2003, puis de Venom Inc. depuis sa création en 2014 (ouf !), est réellement acteur de son métier (cinéma et télévision). Mec authentiquement gentil et professionnel. Même s’il n’a pas été chroniqué en ces colonnes, « Avé », leur premier album publié l’an dernier sous cette appellation « Venom Inc. », est un très bon cru. Un des meilleurs depuis la fin des années 1980. Il s’agit du seul et unique Gig Français de la tournée mondiale. Le petit chauve grimaçant et ses deux sbires investissent tout de cuir vêtus à la salle aux hauts plafonds. Ovation et foule en délire. Les légendaires Jeff « Mantas » Dunn (guitare) et Anthony « Abaddon » Bray (batterie) sont à Paris ! Comparaison n’étant pas raison, il n’en sera fait aucune avec la branche-canal historique de Venom. Ou du moins une, sur le fond : si Venom pratique un Black-Speed Metal des plus lugubres, Venom Inc. possède une approche fondamentalement Rock’n’Roll. Du Rock Anglais, c’est cela dont il s’agit en l’espèce. Un peu Punk et avec le sourire. Et du second degré, comme en témoigne « Avé Satanas », le lourdingue premier morceau de leur LP qui est joué en ouverture du concert. Pendant une heure et demie, le chauve, le dégarni et le Samson vont ravir l’assistance de leur dernière trouvaille… ainsi et principalement de leurs classiques. « Classiques », ou « reprises de Venom », c’est comme vous (et l’Avocat de Cronos) voulez… Le Set étant à 95 % formé par les « Welcome to Hell », « Black Metal » et autres « Sons of Satan », s’achevant par « Witching Hour » (également reprise depuis sa conception en 1981 par Slayer et Kreator). En dépit de chaudes bousculades aux abords de la scène, les spectateurs sont attentifs et n’en ratent pas une miette. Car le trapu Demolition Man et le dégingandé Mantas assurent le Show ! Ils donnent tout. La tournée des trois amis se terminera le 19 août prochain… à Las Vegas ! La foule quitte vers 23 heures le bateau et le quai parisien, hilare, le sentiment d’avoir assisté à un concert culte. A une affiche unique en fait.