Bell Witch, Monarch!, Ataraxie
O’Sullivans Backstage by the mill
27 mars 2018
J’arrive à Pigalle en début de soirée pour voir et surtout écouter 3 groupes au Backstage. C’est la salle de concert du O’Sullivans, pub voisin de la Machine du Moulin Rouge. Pour le moment, les portes du Backstage ne sont pas encore ouvertes. Deux options se présentent : rester dans le pub et écouter un mec qui joue de la gratte en acoustique, ou bien attendre dehors et garder mes oreilles relativement vierges avant le déluge sonore. Je choisis la deuxième, la virginité c’est la vie.
Et puis c’est le moment de s’immerger dans la salle du Backstage. Ataraxie prend place pour nous balancer son Doom Death de fort bon aloi. Sur la scène, les 3 guitares et la basse donnent une impression visuelle de hérissement intéressant. Jonathan Théry alterne chant en growl et récitation-incantation, tandis que le rythme passe du tumulte à un genre de ballade. Ataraxie intègre des éléments Sludge, Stoner à sa musique et ça passe très bien en live : les nuques des spectateurs commencent à se balancer. Le rythme se fait trépidant, la voix déchirante et les lights sont à la limite du strobo convulsif. La voix est malheureusement un peu recouverte par les autres instruments, problème qui sera récurrent ce soir. Je suis fan du son de la batterie, bien profond. Un des guitariste voit sa bandoulière le lâcher malencontreusement, se qui brouille un peu l’effet de transe qu’on a pu éprouver jusque là. Le set des Normands se termine avec les quatre guitaristes frottant leurs cordes les unes contre les autres, manière de se féliciter à raison de leur prestation.
En intermède, Stoned Jesus. Je retrouve ma collègue Detox qui prendra les clichés pour Art n’ Roll ce soir. Autour de nous, la vêture est noire exclusivement. Capuche, cuir et slim sont l’uniforme de rigueur. La balance s’éternise un peu, Detox et moi en profitons pour égrener les concerts de ces derniers jours, fort bien pourvus en émotions auditives.
Le combo bayonno-bordelais Monarch ! prend enfin son tour avec en mode prière à la Vierge des loups, « Of Night, With Knives ». La voix acérée d’Eurogirl est soutenue par un growl presque indistinct. J’hésite entre recueillement et ennui, le son n’étant pas optimal malgré (ou peut-être à cause) le niveau de décibels très élevé. Eurogirl demandera d’ailleurs à plusieurs reprises qu’on augmente sa voix. Et puis il y a un monde fou, et tous sont plus grands que moi, argh !! Je fais le tour de la salle, mais nul point ne me donne satisfaction visuelle ou auditive. En conclusion de leur set, Monarch ! reprend « Die, die my darling » des Misfits, que je ne reconnais qu’à grand peine, le morceau original étant d’une vivacité primesautière, tandis que la cover est aux antipodes, tout à fait digne du doom Monarchique.
Detox insiste pour me placer à l’extrême bord de la scène, proche d’un coin banquette bien confortable. Je ne pourrais pas être plus proche des deux membres du groupe Bell Witch qui est en train de s’installer. Deux membres : un batteur qui enlève sa chaussure gauche, et un bassiste dont l’instrument compte 6 cordes. Etant à moins de deux mètres de la batterie, j’ai la même sensation qu’embarquée à bord d’un petit train sur des montagnes russes de compétition. Et de la même manière, le son nous embarque tout d’abord en douceur, avec les notes de cette basse massive. Le batteur, effondré sur son instrument, se redresse petit à petit avant de nous assommer à chacun de ses coups. C’est extrêmement lourd, extrêmement lent. Le son de l’album joué ce soir, « Mirror Reaper », m’évoque un métal en début de fusion. Le corps des deux musiciens sont comme engourdis, le batteur chante les yeux mi-clos, engageant tout son corps à chaque frappe. Sa voix en grunt, comme celles des groupes précédents, n’est pas assez mise en valeur. Celle du guitariste se détache à peine plus, liturgique. Une accalmie, dans cet océan de métal liquide. Le batteur opte pour des baguettes à bout feutrés et les cymbales arrivent au premier plan avant un nouveau déluge dense. La lumière rouge sang s’assombrit, le bassiste recule petit à petit, annonçant la fin prochaine du set. Les visages autour de moi sont subjugués. Nous sommes tous pris, ravis au sens premier du terme. Pendant cette heure passée avec Bell Witch, j’ai oublié le temps, mes pieds, les gens. J’ai visité une autre planète, inhospitalière, mais belle, inhumainement. Certains ont manqué tomber, inclinés qu’ils étaient aux pieds des deux musiciens.
Les lumières se rallument, il n’y aura pas de rappel. Le set colossal de Bell Witch va hanter le reste de ma nuit.