HOT on the rocks!

Interview avec Joel Madden chanteur du groupe Good Charlotte

mardi/07/08/2018
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Les jumeaux Madden étaient de passage à Paris pour parler de leur nouvel album « Generation Rx ». Ils seront de retour en France pour un concert le 9 février 2019 au Zenith de Paris.

 

Art N Roll : Vous allez sorti un nouvel album intitulé « Generation Rx », je dois dire que je n’avais jamais entendu parler de ce terme. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Joel Madden : Dans nos albums nous avons toujours présenté notre manière de voir le monde à travers nos commentaires sociaux. Je pense que l’on a atteint un âge auquel cette façon de s’exprimer doit changer. « Generation Rx » résume des questions plus importantes que nous affrontons aujourd’hui et qui nous affectent. Notre génération est face à ce problème d’addiction aux médicaments sur ordonnance comme le Xanax. Notre album parle de douleurs et de comment les dépasser.

 

ANR : La douleur est clairement un thème très présent, notamment à travers le dernier single « Shadowboxer ». Peux-tu nous raconter l’histoire derrière ce titre ?

Joel : Ce morceau, est pour moi une des principales questions que nous posons dans cet album. Que dois-je me dire quand je me regarde dans le miroir ? Suis-je en train de m’encourager ? de m’aimer ? ou suis-je en train de me faire du mal ? de me détester ? Je demande aux personnes qui m’écoutent de réfléchir à ce qu’ils se disent quand ils se regardent dans le miroir. J’espère les pousser à s’interroger sur eux-mêmes, et ce qu’ils s’infligent. Je me demande ce que les gens peuvent répondre à cette question, c’est dérangeant pour moi. Imagine que tu arrêtes quelqu’un dans la rue et que tu lui demandes : « Hey, ce matin tu pensais à quoi quand tu t’es regardé dans le miroir ? » La plupart des gens ne voudrait pas répondre, pourtant c’est la première étape pour pouvoir s’aimer et se respecter. Le morceau dit que si tu laisses la haine que tu as pour toi, ce regard trop critique envers toi-même grandir, tout sera projeté vers l’extérieur et ça va détruire ta vie.

 

ANR : Dans vos premiers albums vous avez donné beaucoup d’espoir à des adolescents en proie au mal-être, à travers une critique et une vision pertinente de ce que sont les enjeux de cette période de la vie. Vous nous avez donné de l’espoir et de l’énergie pour affronter ces problèmes.

Joel : C’est vraiment gentil de dire ça. Je suis touché.

 

ANR : C’est sincère. Sur cet album on te sent plus pessimiste sur la direction que prend le monde, et les paroles sont plus sombres. Peut-être que le fait d’avoir des enfants a aussi changé ta façon d’aborder l’avenir.

Joel : C’est intéressant, parce que je ne me sens pas pessimiste. Je sens juste que cet album pose des questions difficiles. Je vois beaucoup de personnes souffrir autour de moi, et je ne peux m’empêcher de me demander à chaque fois si ces personnes affrontent leurs problèmes ou se médicamentent.

Dans cet album je me demande d’où vient cette peine, et si on se pose les bonnes questions pour la dépasser. Je vois un monde plein de colère. Je peux à peine regarder la télé qui nous jette tout ça au visage. Mais derrière tout ça se cache des souffrances que l’on n’a pas guéries.  Je veux pousser les personnes à creuser en eux pour faire sortir ces douleurs, les affronter et les dépasser, car même si le processus est difficile, au bout du tunnel il y a une forme d’illumination.

 

ANR : Comment penses-tu pouvoir y parvenir ?

Joel : Je me rends bien compte que mes ressources ne sont pas les mêmes que tout le monde. Dès que ces ressources me permettent d’apprendre quelque chose d’utile j’ai envie de le partager. J’ai envie que les autres avancent plus vite que moi. Le processus de l’évolution humaine passe par un travail collectif. Je constate chez les gens un vrai manque d’empathie, nous sommes entourés de tragédies qui deviennent la norme pour nous. Je me demande toujours quel effet ça ferait d’être telle ou telle personne et si plus d’empathie permettrait de mieux nous en sortir.

 

ANR : En parlant de tragédie, vous allez bientôt donner un concert de charité suite à une fusillade au Capital Gazette, qui a fait 5 morts ?

Joel : Oui, on vit des tragédies tous les jours et on a appris à se désensibiliser, se déshumaniser face à ces actions. C’est ce dont parle le morceau « Prayers », dans lequel on retrouve cette expression « je vous envoie mon amour et mes prières ». Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, mais qu’il faut associer à ces mots une vraie empathie pour la personne meurtrie, discriminée, etc. Si nous pouvons remettre de l’humain au centre de nos interactions je pense que nous pourrions tous mieux nous comprendre et arrêter de nous diviser comme nous le faisons maintenant. C’est comme si tout le monde cherchait une uniformité partout. Cet album peut paraître un peu sombre au premier abord, il faut regarder toutes les couches pour y trouver de la nuance et quelques pistes d’amélioration de soi.

 

ANR : Musicalement c’est la même chose. Vous nous avez habitués à des morceaux à la mélodie facile et au refrain très catchy que l’on retient tout de suite. Dans cet album, on sent qu’il faut plus d’écoutes pour comprendre les morceaux, il y a plus de couches à appréhender. C’est aussi un tournant résolument électronique.

Joel : Benji a produit l’album avec Zach, qui a une approche plus moderne sur la production, je pense qu’ils ont formé une bonne équipe. C’est la première fois que nous produisons nous-même un album. Nous avions envie de faire quelque chose de différent, ce qui a changé notre manière d’aborder la musique. J’ai adoré venir au studio tous les jours et entendre une nouvelle partie instrumentale que je trouvais originale et fraîche pour nous.

 

ARN : Avez-vous utilisé votre propre studio ?

Joel : Oui. Pour nous c’est un environnement très sécurisant. C’est ce qui nous a permis de nous livrer beaucoup plus que par le passé.

 

ANR : Avez-vous bénéficié de votre expérience de producteurs avec de jeunes groupes comme 5 Seconds of Summer ou Sleeping with sirens ?

Joel : Oui, se retrouver auprès de ces jeunes groupes nous a permis de puiser dans leur énergie, dans la joie qu’ils éprouvent à faire de la musique. Tout ça a été très bénéfique pour nous.

 

ANR : Quels conseils leurs avez-vous donné ?

Joel : Mon seul conseil est d’être toujours soi-même. D’investir en soi, de croire en soi. Tu ne peux qu’être toi. On regarde trop souvent ailleurs pour des réponses qui se trouvent pourtant en nous. J’essaie de les encourager de regarder au fond d’eux-mêmes. De se poser la question de ce qu’ils ressentent et de comment ils vont. Etre à l’écoute de son ressenti c’est ce qui permet de vivre une vie réelle et sincère. Si nous nous déconnectons de nous-même nous nous retrouvons à prendre des décisions qui ne sont pas les bonnes, et j’en ai prises de mauvaises.

ANR : Le break que vous avez pris vous a permis de mieux vous reconnecter ? Qu’avez-vous fait de ce temps ?

Joel : Nous avons monté notre propre entreprise, et avons commencé à bossé dans l’industrie musicale à temps plein. C’était bien de se retrouver de l’autre côté. J’avais décidé de ne plus faire de musique. J’étais à l’aise avec cette décision, je me sentais libre de toute responsabilité. Je n’avais plus à faire un nouvel album et à le promouvoir. Dans tous nos anciens albums j’ai voulu faire passer des messages, mais un jour je me suis réveillé et il n’y avait plus de message à faire passer. Je n’avais plus rien à dire et tout le monde autour de moi me poussait à faire un album que je ne voulais pas faire. J’ai tout refusé en pensant que je ne reviendrai jamais à la musique. Les années sont passées, nous sommes restés très proches avec les autres membres du groupe et un jour Benji a dit « qu’est-ce que vous diriez de faire un nouvel album ? ». Nous n’avions plus de deal avec un label, nous étions libres et nous n’avions pas besoin de signer un autre deal pour sortir l’album alors j’ai dit ok pour le faire.  Ensuite il m’a demandé si je voulais sortir l’album, j’ai dit oui à la condition de le sortir sans grande pompe, puis petit à petit on a fait quelques concerts et on s’est retrouvé à faire une tournée de 60 concerts.

ANR : L’album dont tu parles « Youth Authority » a été produit avec l’aide d’un producteur externe, là vous êtes allés encore plus loin dans le « home made »

Joel : Oui, c’était bien de travailler avec quelqu’un. Mais ça m’a remis dans un processus avec une personne qui remettait en cause tout ce que je faisais. Je ne veux plus de ça. Je me sentais oppressé, restreint. Là Benji m’a dit qu’il voulait produire un album avec Zach, que j’adore et cette idée m’a plu.  Je leur ai dit que je ne voulais plus de règles, je voulais être complètement libre. On a commencé en janvier, en avril on avait tout fini. Cette fois, quand ils m’ont demandé si je voulais sortir l’album je leur ai dit que je voulais le faire, et je voulais le faire bien.

ANR : Il y a une question qui me reste en tête sur votre public. Les personnes qui viennent vous voir en concert sont-elles les mêmes que celles qui vous écoutaient au début des années 2000 ? A quoi ressemble votre public ?

Joel : Nous avons vu que la plupart des gens qui viennent nous voir ne nous avaient jamais vus avant. La population est assez jeune, 16 à 24ans. C’est intéressant car nous découvrons un nouveau public avec lequel nous voyons pas mal de similitudes avec les fans des premières heures, même si les jeunes d’aujourd’hui sont différents. D’un côté ça nous rajeunit et de l’autre ça nous fait sentir plus vieux (rires).

 

ANR : Donc si je viens vous voir en concert le 9 février au Zénith je vais me sentir très vieille ?

Joel : Non il y a quand mêmes quelques personnes plus âgées qui sont derrière le mosh pit. On a aussi quelques parents qui amènent leurs ados nous voir. Tu seras bien, tu verras (rires)

 

ANR : Le Pop Punk a mauvaise réputation auprès des critiques musicaux. C’est un genre qui est souvent considéré comme un sous-genre de musique, trop facile, trop creux, pas assez technique, etc. Pourtant c’est une musique qui aide chaque jour des milliers d’ados à surmonter leurs difficultés, et que l’on garde en grandissant comme une source d’énergie et de motivation. Qu’en penses-tu ?

Joel : Je suis tout à fait d’accord avec toi sur la mauvaise presse de ce genre musical. Je pense que l’on découvrira dans quelques années à quel point ce style de musique est important et a marqué des vies. Je fais de la musique depuis le début pour tenter d’apporter cette énergie et cette motivation pour affronter les coups durs de la vie. Pour moi le pari est gagné si j’arrive à toucher ne serait-ce qu’une personne. C’est vraiment tout ce que je souhaite, toucher une personne.

 

 

 

 

 

 

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