Powerflo, c’est du lourd. Senen Reyes (Sen Dog) de Cypress Hill, Roy Lozano de Downset, Billy Graziadei de Biohazard, Christian Olde Wolbers de Fear Factory… tout ce petit monde forme un groupe aux influences innombrables et à l’ADN plein de promesses.
Art N Roll : Comment se passe votre première tournée européenne ?
Sen Dog : Super bien. Bons concerts, bons festivals, on a rencontré plein de fans, on s’est organisé pour proposer du merch’. Tout ce que j’imaginais s’est bien déroulé. On est contents de pouvoir tourner, de représenter Los Angeles et la Californie, jusqu’ici au Hellfest.
Billy : Jusqu’à présent, c’est génial. On a déjà fait une tournée aux US, ça nous a permis de bien nous faire la main. On était impatients de venir ici… En fait, on espérait venir jouer en Europe l’année dernière. On a reçu un mail il y a environ 6 mois, pour nous prévenir que le Hellfest voulait qu’on vienne. On a sauté sur le téléphone, on était très excités ! Donc en fait, c’est le Hellfest qui nous a amené ici. C’est un honneur de jouer dans ce festival !
Art N Roll : Comment avez-vous prévu de profiter du festival ?
Sen Dog : On aimerait aller écouter Bodycount !
Billy : Je pense qu’aujourd’hui, ce sera le plus gros concert de Powerflo. On va jouer devant la plus grosse foule qu’on ait jamais eue ! J’ai l’impression que c’est notre tournée européenne qui paye. Aujourd’hui le Hellfest, et demain, le Graspop, seront les sommets de cette tournée européenne.
Mais bon pour aujourd’hui, oui ! On a Limp Bizkit, Deftones, Bodycount… tellement de groupes ! Et il y a le foot, avec la Belgique qui joue aujourd’hui ! On part pour la Belgique ce soir, puis on retourne à Los Angeles. On reviendra en Europe pour le Resurrection Fest, en Espagne, et on enchaînera sur Londres.
Art N Roll : Vous avez déjà tous les quatre une bonne carrière derrière vous, est-ce que vous aviez envie de prendre un nouveau risque avec Powerflo ?
Sen Dog : Tous ce qui est nouveau comporte un risque. Musicalement, on peut faire le meilleur des disques avec ce qu’on a, mais ça peut toujours être un échec ! Alors tout est un risque. Tu dois prendre ce risque si tu veux obtenir les récompenses que la musique peut t’offrir. Si tu ne prends pas de risque, tu ne sauras jamais ce qui peut se passer !
Alors oui, tous nos groupes ont chacun une histoire, mais on est tous des musiciens vivants, on a des choses à donner et on peut encore contribuer à la musique avec quelque chose de bon.
Je ne veux pas me reposer sur mes lauriers en continuant uniquement avec Cypress Hill, j’ai bien plus de musique en moi, que je veux exprimer. Même si tu vieillis, même à 80 ans, si tu es musiciens tu continues à écrire ! Alors prends ce risque, pour savoir ce que tu vaux, et si tu as encore ta place !
Billy : C’est une philosophie que je suis. ça s’appelle “Cours après l’incertitude”. Si tu fais un pari et que le résultat est ultra sécurisé, alors ton gain sera nul. Il faut risquer et tout miser ! Le gain sera bien meilleur !
Donc en fait, c’est un pari un peu facile de rester avec nos groupes, de rester avec Biohazard, Fear Factory, Downset, Cypress Hill… Mais créer un truc nouveau, et qui reste, ça vient s’empiler au dessus de tout ce qu’on a fait dans le passé. Pour nous c’est déjà un succès car on a pu créer le groupe et sortir un album. Et on est impatients d’en faire plus ! ça nous fait grandir, en tant qu’individus.
Musicalement, tu es aussi bon que le dernier morceau que tu as joué. On ne vit pas dans le passé, et ça même si tu as fait un truc il y a quinze ans qui était incroyable. C’est comme pour les sportifs ! Quand un match est terminé, ils commencent à penser au suivant !
Art N Roll : Quand on a un historique aussi riche que vous quatre réunis, comment on réussit à créer un nouveau son, qui soit à la fois unique et cohérent, pour un nouveau groupe ?
Sen Dog : Ces mecs sont tous des génies dans leurs spécialités ! Tu vois, on savait quel style on voulait pour le groupe, et on savait qu’il fallait qu’on y ajoute notre propre saveur. Quand on a composé ce groupe, cet album, d’un côté on voulait rester fidèles à qui on est, et d’un autre il fallait qu’on amène un truc nouveau, qui diffère de nos autres groupes. ça a toujours été notre objectif principal, mélanger les sons et proposer du jamais entendu. Je pense qu’on a réussi !
Art N Roll : Le groupe a un son qui lui est propre, très énergique, mais j’ai également l’impression que les styles des morceaux peuvent être très différents notamment dans les thèmes abordés. Est-ce que l’identité du groupe est scellée ?
Sen Dog : Je vois de quoi tu parles. C’est comme ça, car chacun jour est un jour différent. Aujourd’hui ne ressemble pas à hier, et tout sera différent demain. Aujourd’hui, je peux penser d’une certaine manière, éprouver certaines émotions, et demain, je ressentirai quelque chose d’autre, qui peut venir en contradiction avec ce que je pensais la veille. Je ne vais pas rester fixé sur une manière de penser, sur un seul sujet, il y a tout simplement trop de facettes dans la vie pour se concentrer sur une seule chose !
Par exemple, il y a plein de gens qui n’aiment pas le président Trump, et ils sont là : “Fuck Trump, fuck Trump, fuck Trump”. S’ils faisaient un album entier consacré à ce “Fuck Trump”, ce serait tellement ennuyeux ! Moi je mets mes problèmes de tous les jours dans mes morceaux, et les choses changent ! Un jour je suis heureux, un autre jour je suis triste, un jour prochain je serai en colère. Et c’est à toi de capturer toutes ces émotions, et de les intégrer dans une oeuvre, de les lier ensemble pour que ça ait un sens.
Tant que la vie sur Terre sera différente chaque jour, alors moi aussi je serai comme ça, et tous mes morceaux ne parleront pas de la même chose.
Art N Roll : J’ai l’impression que les gros groupes ou les artistes reconnus, qui ont déjà du succès, ont le droit de mélanger des influences comme le rock et le rap. Mais je ne suis pas sûre que ce soit simple pour des groupes qui débutent.
Sen Dog : Oui, ma vision c’est que le jeune artiste doit d’abord trouver qui il est, mentalement, et comprendre quelle est sa vocation. Quel genre de chanteur es-tu ? Quel genre de rappeur ? Les plus jeunes ne le savent pas encore.
Si tu m’avais dit, quand j’avais 25 ans, qu’un jour je serai dans un groupe de métal et qu’on tournerait dans les festivals de métal européens, je t’aurais prise pour une folle ! D’abord, j’ai dû trouver ma voie, puis j’ai pu rencontrer des gens, m’ouvrir à d’autres écoutes et me laisser influencer.
Art N Roll : Vous avez vu le monde de la musique changer depuis le début de votre carrière, ainsi que la manière dont le public écoute, ou “consomme” la musique. Est-ce que cela a un impact sur la manière dont vous envisagez votre musique aujourd’hui ? Par exemple, est-ce que vous écrivez des morceaux indépendants, ou des albums ?
Billy : On fait toujours des albums ! Un album, c’est une composition d’explosions créatives, d’idées, et c’est énorme. L’objectif, c’est d’avoir quelque chose de cohérent, qui a un sens. ça, c’est un album. Mais c’est composé de morceaux individuels, sauf si tu fais un concept album comme Pink Floyd ou Tool ! On écrit des morceaux, qui prennent un sens ensemble et sont rattachés à un album. En tant qu’artiste, on vient d’une époque où les albums comptaient, et on voit toujours les choses comme ça. Je pense qu’on les verra toujours de la même manière. On n’essaie pas d’écrire des singles ! Mettre l’accent là-dessus, c’est du marketing. Nous, on est plutôt un groupe de rock old school.
Christian : Je crois que c’est l’ère du digital qui a amené ce changement. Mais les albums, c’est important pour nous ! Quand je regarde de vieux disques, c’est comme une empreinte du passé, comme un vieil album photo. C’est une partie de notre histoire.
Sen Dog : Mon avis, c’est que l’industrie musicale, c’est de la m*rde. Mes enfants n’ont pas le droit d’acheter juste un morceau pour un dollar, ils achètent les albums ! Si tu aimes un morceau, alors soutiens l’artiste, et achète son disque, pour qu’il puisse travailler et produire encore plus de musique ! Ce que je leur dis, c’est qu’ils ratent une des expériences les plus sympa du consommateur de musique s’ils n’achètent qu’un morceau. Et si c’est mon argent qu’ils dépensent, alors c’est pour tout un album !
Christian : C’est une super expérience, d’avoir l’enchaînement des morceaux, le flow de l’album, choisi par l’artiste. Les plus jeunes générations ratent ce truc ! Il est important que des personnes encouragent cela aujourd’hui
Sen Dog : Imagine, tu achètes un album de Black Sabbath ou de Van Halen, et tu n’écouterais que les singles ? Le temps, les efforts, les émotions données par l’artiste, c’est pour l’album en entier. C’est notamment pour ça que je ne suis pas fan de l’industrie musicale. Soutenez vos groupes préférés, achetez leurs disques !
Christian : A une époque, les labels écoutaient tes morceaux et te disaient : “Voilà LA chanson ! Tu as la chanson, alors OK, tu as ton album”. C’est la chanson qui va rapporter, alors tu as le droit de sortir ton album.
Art N Roll : A quoi rêvez-vous pour la suite ?
Billy : On voudrait terminer notre prochain album, en août.
Sen Dog : J’aimerais voir Powerflo grandir, et devenir l’un des plus grands groupes du monde ! Qu’on fasse des tournées avec Metallica et Megadeth ! Il n’y a pas de limite au futur. Je pense qu’on va botter des fesses pendant un certain nombre d’années !