Réalisateur : Bryan Singer
Titre : Bohemian Rhapsody
Sortie le : 31 octobre 2018
Note : 17/20
Les inrocks et Libé ont détesté. Ni étonnant, ni par suite important. Marianne et Valeurs actuelles ont respectivement déploré « un film prévisible » ainsi qu’« un schéma rebattu ». Ben voyons. S’attendaient-ils probablement qu’à la cent-trente-deuxième minute, Freddie Mercury dépose les statuts d’une agence de mercenaires péronistes en Afrique du Sud avec Bob Denard, avant de fusionner humain augmenté à la cent-trente-cinquième avec un cégétiste islamisé des Bouches-du-Rhône en partance pour Shibuya ? Votre serviteur n’étant pas critique mais chroniqueur, il souhaiterait coucher ici deux-trois mots sur « Bohemian Rhapsody » visionné hier à la séance de 10 heures 50 du Gaumont Alesia… Le « Biopic de rock stars » (dixit le mec de VA) est indiscutablement, outre un genre cinématographique honni par les scribouillards de tous bords, un exercice plus que difficile. On se souvient encore de « The Doors » d’Oliver Stone, peut-être le film le plus convaincant à ce jour de la catégorie, se prenant à sa sortie en 1991 une volée de bois vert, de celles qui contribuent fatidiquement à la déforestation de l’Amazonie. Effectivement, nul besoin d’être le nouveau Sainte-Beuve du Cinéma pour pouvoir dézinguer sans grand effort ces autobiographies sur pellicules, souvent convenues artistiquement et approximatives du point de vue des faits.
Or, ce sont justement ces deux signes indiens que Bryan Singer a su pulvériser en 2018 avec le somptueux « Bohemian Rhapsody ». D’une part, la réalisation est à la hauteur de ce groupe historique, en son temps décrié par les meilleurs journaux du Monde : grandiloquente. Il s’agit, en effet, d’un Péplum contemporain sans aucun temps mort (un record au vu de sa durée) retraçant la vie ainsi que l’œuvre de Freddie Mercury, né Farrokh Bulsara. Le jeu débridé et félin de Rami Malek y est pour énormément. Ainsi qu’une convaincante armée de seconds couteaux, tous plus vrais que nature (hormis peut-être Ben Hardy, qui ressemble plus à Owen Wilson qu’à Roger Taylor) ; mentions spéciales aux acteurs incarnant : John Deacon, Bob Geldof et Jim Hutton. La technologie (autre gros mot dans les bouches des schmolls) est intégralement mise au service de l’Entertainment, comme en attestent l’ensemble des parties jouées en public, qui émaillent ce bijou ; ainsi que du moindre détail, telles l’apparition quasi-subliminale de ces deux figures rigolotes et populaires du Hard Rock des années 1990 (non, ce ne sont pas Beavis et Butthead…).
D’autre part, le propos historique est tenu à la perfection. Le projet était maturé depuis 2010, avec Brian May et Roger Taylor comme Consultants créatifs et musicaux. Dès lors, nul risque possible d’anachronisme (ce que confirment les soins apportés tant aux costumes qu’aux accessoires) ou d’approximations, tares coutumières du genre surtout si le réalisateur provient du pays du « Péril jeune ». Les changeantes coiffures des quatre artistes évoluent à la minute près, aux rythmes des albums (et Queen en sortait un par an naguère). Tout comme celles de la craquante Lucy Boynton (déjà New-Waveuse pour « Sing Street » en 2016) dans le rôle de Mary Austin, la première compagne du chanteur. Cette stèle à la mémoire de la Reine ne sombre pas non plus dans l’onirique : les douloureuses séances d’enregistrement de « The Game » à Munich sont ici fidèlement restituées, tout comme le comportement odieux de Mercury vis-à-vis des trois autres au début des années 1980. « Bohemian Rhapsody » s’achève en 1985 après l’historique Live Aid, où la reformation à la va-vite de Queen a éclipsé celles de Led Zeppelin et Black Sabbath. A ce propos, il ne s’agit pas de son « ultime » concert comme l’écrit le critique de Valeurs actuelles (aïe) puisque une tournée, vingt-sept concerts, ainsi que trois albums studio s’ensuivront avant la mort de son altesse en 1991. Bref, ne plus s’attarder sur ce que ces gens-là écrivent, et aller voir « Bohemian Rhapsody », tel serait le résumé de ce papier.