Art N Roll a rencontré Yann Le Baraillec, Dirigeant fondateur / Programmateur du Motocultor Festival
Art’N’Roll : Bonjour, la première question est très ouverte : peux-tu s’il te plaît nous présenter le Motorcultor Festival ?
Yann Le Baraillec : C’est un festival de Metal fondé en 2007, à Saint-Nolff en Bretagne. Sans limites de styles, éclectique et plus encore j’ai envie de dire. Et nous sommes maintenant sur quatre jours d’affilée avec trois scènes différentes : la première journée est axée sur la musique Celtique traditionnelle, les trois suivantes proposent une vingtaine de groupes étiquetés « Metal » par jour. Nous sommes en plein air depuis 2010, auparavant en salle fermée.
ANR : Avec une grosse frayeur en 2017 ?
YLB : En 2016, nous avions commencé à communiquer sur une grosse incertitude quant à la tenue de l’édition 2017. Elle a eu finalement lieu. Des solutions financières et comptables ont été trouvées, notamment le réel succès de l’opération de financement participatif, avec le soutien de plus de 800 membres de la communauté Metal.
ANR : Quel est le statut juridique du Motorcultor ?
YLB : Une association Loi 1901 fondée en 2009, le « Motocultor Fest Prod ». Lors des deux premières éditions nous étions une autre association.
ANR : Elle emploie combien de salariés ?
YLB : Deux contrats de travail à durée indéterminée à temps plein (un chargé de production et une personne chargée de l’administratif), et un autre à temps partiel (qui s’occupe de tout ce qui est compta). Il faut ajouter à ces trois permanents, un peu plus de monde durant les mois qui précédent la tenue du Festival : des employés engagés par contrats à durée déterminée, ainsi que le concours d’auto-entrepreneurs en fonction des missions. Nous avons, enfin, actuellement deux volontaires embauchés en service civique : le premier aide le chargé de production, le second remplit la fonction d’assistante de direction. Nous passons effectivement des annonces de temps à autres auprès du Service civique, tout en sachant que tous les ans, nous recevons quelques candidatures spontanées. A la lecture du contenu du courriel, on voit de suite si le profil nous correspond, notamment du point de vue des études menées ; on rencontre ensuite le candidat, et si le Feeling passe entre nous, on recrute en fonction de nos besoins.
ANR : Tu es le président de l’association…
YLB : Depuis deux ans, je suis le président de l’association Motocultor Fest Prod. Tout en précisant que le Motorcultor comporte aujourd’hui deux structures juridiques : une société à responsabilité limitée, qui est à l’origine du Festival et qui est propriétaire de la marque ; et une association. L’association a été constituée en 2010, et sert également à rembourser les dettes que la SARL n’a pu honorer lors de la catastrophique édition 2010, et ce, à hauteur de 600,00 puis de 470,00 euros par mois jusqu’à avril 2022, selon le plan de redressement arrêté suite à cessation de paiement. L’association est l’organisatrice, la SARL est conservée jusqu’à remboursement de cette dette. Néanmoins, j’aurais pu faire le choix de liquider la SARL : j’attends en fait de ne plus rien devoir à nos prestataires suite à ce bouillon de 2010. Les soucis de 2016-2017 évoqués plus haut n’étaient rien d’autre que la résultante de cette édition. Le chiffre d’affaire est engrangé par l’association, et quand je peux je me prélève un salaire, mais en qualité de prestataire via cette SARL. Quant à ma fonction : je m’occupe du relationnel, notamment avec les collectivités, et tout ce qui a trait à l’aménagement du site, et je suis par ailleurs le Directeur artistique du Motorcultor. Je travaille en fonction des urgences, parfois à flux tendu, très souvent de nuit (quand je n’ai plus de coup de fil, et que j’ai répondu à tous mes courriels).
ANR : Combien de membres siègent au Conseil d’administration de l’association ?
YLB : Nous étions douze, nous avons évoqué à réduire ce nombre à la baisse lors de la dernière assemblée générale organisée au mois d’avril. Je pense que la prochaine AG l’abaissera l’an prochain. Certains administrateurs étaient présents au début de l’aventure, notamment le Trésorier qui était auparavant Secrétaire, d’autres sont des nouveaux. On s’est connus en faisant de la musique ensemble, du Rock tendance Metal.
ANR : Quel est le budget du Motocultor ?
YLB : Il est pour l’édition 2019 d’un montant oscillant entre 1,5 et 1,8 million d’euros.
ANR : Vous tablez sur un chiffre d’affaires de quel ordre ?
YLB : Je pense qu’il sera d’un million deux-cent mille euros. Les recettes proviennent principalement de la billetterie : 800 000,00 euros l’an dernier, presque 900 000,00 à vrai dire, et environ 400 000,00 euros de bar-restauration. A ceci s’ajoutent les bénéfices tirés de la vente des produits dérivés, ainsi que les sommes provenant de nos partenariats, entre 50 000,00 et 100 000,00 euros pour les secondes.
ANR : Qui sont les partenaires du Motocultor ?
YLB : La communauté d’agglomération du Golfe du Morbihan – Vannes agglomération (VANNES AGGLO), dont fait partie la commune de Saint-Nolff ; le département du Morbihan ; la région Bretagne. Les sommes accordées varient en fonction des exercices. Cette année, cela a notablement baissé, on va en avoir deux fois moins (Rires) C’est complexe, on parle de montants, mais il faut aller chercher dans les textes qui régissent les subventions des collectivités : il y a des subventions de fonctionnement, des subventions exceptionnelles… Nous voulions arriver à environ 80 000,00 euros de subventions publiques cumulées. On y était presque pour l’édition 2018… Après, il semblerait que le département du Morbihan soit sur le point de se désengager : je ne dis pas que c’est bien ou pas bien, il y a d’autres priorités que nous ! Ils sont d’ailleurs assez honnêtes avec le Motocultor : il y a des limitations budgétaires qui leur sont imposées au niveau du gouvernement. Je ne sais pas ce que le département va finalement décider, en dépit de sa bonne disposition envers nous. Pour les autres manifestations culturelles locales, toutes sont revues à la baisse sauf une : je ne pense pas que le soutien financier accordé au Festival interceltique de Lorient sera abaissé, il est tellement mythique ! La dotation provenant de VANNES AGGLO restera quant à elle stable. Et celle de la Région Bretagne est la seule à être susceptible d’augmenter, notamment sur le long terme : tout simplement, parce qu’il n’y a pas d’autre Festival Metal sur notre territoire, ils semblent conscients du fait que l’on ne verse pas dans la musique généraliste. La région nous incite à faire plus dans l’accompagnement d’artistes bretons : plus on en ferait, plus ils pourraient nous aider financièrement. Nous disposons d’un atout en ce sens avec notre tournée « Warm up » : le Motocultor Night Fever Tour, qui se produit au-delà de la Bretagne à travers les grandes villes de France.
ANR : C’est très public comme économie…
YLB : Nous ne sommes pas dans un modèle économique comparable à celui du Hellfest ou à celui des Vieilles Charrues, puisque la taille de leur budget ne leur impose plus désormais d’avoir recours à un partenariat avec les collectivités publiques. Ce qui explique, dans une certaine mesure, que Ben Barbaud ait envoyé paître le président de la Région Loire-Atlantique il y a quelques années, suite à une embrouille politique, en fait un prétexte… J’exagère un peu mais c’est de l’ordre de cela (Rires) Le Hellfest et les Vieilles Charrues sont tellement gros qu’ils peuvent facilement avoir tous les partenaires privés qu’ils désirent, je pense notamment à Kronenbourg pour le Hellfest. Les annonceurs investissent leur argent là où il y a le plus de visibilité. Nous sommes satisfaits de faire se déplacer de dix à douze mille festivaliers par jour, mais cela n’est pas encore assez pour que les grosses entreprises internationales deviennent aujourd’hui nos partenaires.
ANR : Le Motocultor ne possède pas de partenaire de droit privé ?
YLB : Il y a notre brasseur : la société locale COREFF, depuis 2013.
ANR : Combien de bénévoles aident au Motocultor ?
YLB : 1 150 bénévoles.
ANR : D’accord… c’est énorme. Ils participent à la bonne tenue du Festival : le camping, l’entretien du site, l’accueil des festivaliers… Ce n’est pas eux qui montent et démontent les trois scènes ?
YLB : Non, ce sont les employés d’un prestataire privé. L’année dernière, c’était la société STACCO, qui est spécialisée pour cela. Cette année elle sera associée à une autre entreprise. Les bénévoles aident toutefois un peu au montage. Il faut ajouter qu’ils contribuent à la restauration, au Parking… Notre Camping est d’une capacité de douze mille places, autant que de festivaliers.
ANR : Vous avez, bien entendu, un Expert-comptable ?
YLB : Oui (Rires)
ANR : Nous nous appelons « ART’N’ROLL » et pas « Challenges », nous ne sommes pas non plus le mensuel de la Communauté d’agglo… donc cessons sur cet intéressant volet, et passons à l’aspect artistique des choses… C’est le Conseil d’administration de l’association qui décide des artistes, des groupes et de la programmation ?
YLB : C’est moi.
ANR : Henri Dès au Motocultor 2019 c’est toi ?
YLB : Ouais. L’idée m’est venue en écoutant une Interview de Ben Barbaud, par le journaliste Patrick Cohen sur Europe 1. Il lui demandait avec humour : « A quand Henri Dès au Hellfest ?!? »… Je me suis dit que le concept était bon, et je l’ai mis en pratique. Certaines idées, comme le passage de Sepultura l’an passé, nous sont proposées par Garmonbozia (NDA : Garmonbozia est une association rennaise, spécialisée dans la production de concerts, l’organisation et la supervision de tournées, ainsi que le Booking), entre autres. Nous travaillons avec beaucoup de Bookeurs, parfois français, parfois européens.
ANR : Quelle est la part du budget réservée aux cachets des artistes et des groupes ?
YLB : Je n’ai pas les sommes précises en tête. Cela a augmenté cette année. Elle représente 30 / 35 % du budget total.
ANR : Sous réserve d’éventuelle clause de confidentialité, qui sont les plus gros cachets ?
YLB : En général, c’est ceux qui sont en haut de l’affiche, tout simplement (Rires) C’est simple, ce sont les deux premiers noms sur l’affiche.
ANR : Quel est l’artiste dont tu es le plus fier d’avoir invité au Motocultor ?
YLB : Devin Townsend. Parce que je suis fan de Devin Townsend. C’est un des premiers qui m’a mis dans l’univers Metal, vraiment.
ANR : Et ton regret ? L’artiste ou le groupe que tu n’as pas encore fait jouer ? Ou que tu voudrais faire venir au Motocultor ?
YLB : Je ne regrette rien du tout, parce qu’on est toujours en train d’essayer (Rires) C’est juste qu’il y a des artistes et des groupes d’une certaine taille plus difficiles à faire venir que d’autres, je pense à Gojira, à Emperor, nous essayons… Cela dépend aussi de la somme d’argent que l’on ne doit pas dépasser pour leur cachet : on ne peut tout miser sur un ou deux groupes au détriment du reste de la programmation. Et puis, il y a les clauses d’exclusivité conclues avec les autres festivals. Le truc avec Gojira étant principalement que nous, on grandit, on grossit, on grandit, pendant qu’eux deviennent tout simplement énormes !
ANR : Tout comme le Motocultor, Gojira revendique néanmoins son appartenance à la terre natale, à la Province, à l’Océan Atlantique…
YLB : Il faudrait qu’on leur demande directement. Après ce n’était pas notre priorité ces derniers temps, puisqu’on savait que Gojira n’était pas disponible, en raison tout simplement de leurs multiples tournées à travers le Globe, nous n’avons pas creusé cette piste car cela ne collait pas au niveau des dates. Je suis allé les voir lorsqu’ils sont passés à l’Échonova, la salle de spectacles de Saint-Avé, et j’avais échangé quelques mots avec le bassiste après le concert, mais je m’étais bien gardé d’évoquer une éventuelle collaboration, notamment avec les frangins Duplantier : ils venaient de finir de jouer et ce n’était pas le bon moment, ils ont des intermédiaires dont la mission est de parler de cela. Mais bon, Gojira serait la tête d’affiche rêvée pour le Motocultor : on réussira à les avoir, peut-être lors de la sortie de leur prochain album !
ANR : Pour finir : tu as une annonce particulière à faire sur cette édition 2019 ?
YLB : Oui, on a accordé un soin tout particulier à accroitre le nombre de douches et de toilettes : nous l’avons doublé (Rires)