Art N Roll a pu rencontrer Robin Staps, guitariste fondateur du groupe de post-metal allemand the Ocean. Le groupe est actuellement en tournée pour défendre son dernier album « Phanerozoic I: Palaeozoic » .
Art N Roll : On se rencontre quelques heures avant ton concert sous la tente de la Valley. Peux-tu nous dire si tu penses à la transposition live de tes morceaux lors de la composition et comment tu conçois tes concerts ?
Robin Staps : Oui, d’une certaine manière, mais quand j’écris je sais généralement comment ça va fonctionner en live. Il y a pourtant toujours un moment où un morceau fonctionne très bien studio et on se rend compte lors de la répète que ça ne va pas marcher en live. C’est une drôle de sensation.
Pour moi le live est quelque chose de très important. Je mets beaucoup de moyens sur le visuel, les éclairages et la performance.
Je pense qu’aujourd’hui, concevoir un bon concert c’est avant tout sélectionner les bons morceaux et créer des transitions pour avoir un flow de musique continu. C’est comme un film qui commence puis se termine sans qu’il y ait eu de pauses au milieu. Créer ce lien pour avoir de la fluidité c’est vraiment ce que je recherche.
ANR : Tu composes donc des transitions spécialement pour le live ?
Robin : oui, nous avons pris une nouvelle personne pour jouer du clavier. Il arrive à faire que tout colle, que tout soit cohérent. Il ajoute aussi pas mal d’effet et d’ambiance à notre musique. C’est la véritable nouveauté pour cet album. Je pense que ça rend tout plus compact avec un sens d’unité.
ANR : Ton dernier album « Phanerozoic I: Palaeozoic » est la première partie d’un double album. Tu as dit que la deuxième partie serait plus expérimentale, tu peux nous en dire un peu plus ?
Robin : Le premier disque a une ligne directrice qu’il suit de manière continue jusqu’à la fin. Il est mid-tempo et l’accordage est sensiblement le même sur tous les morceaux. Je voulais quelque chose qui t’interpelle au début et ne te lâche plus jusqu’à la fin. Le deuxième disque joue sur les tempos, il y a des influences plus extrêmes qui vont de l’électro au Death metal (rires). C’est plus éclectique. On travaille encore dessus. On a fini la partie instrumentale mais on n’a pas commencé à enregistrer la partie voix. La voix c’est ce qui change le plus le ressenti de l’album. Je ne vois pas encore le résultat final dans ma tête. C’est un projet qui prend encore forme.
ANR : Peux-tu nous en dire un peu plus sur l’approche de ce double disque, la complémentarité des deux disques et ce que ça décrit ?
Robin : Le précédent album est sorti 5 avant « Phanerozoic I: Palaeozoic ». J’avais beaucoup écrit pendant ces 5 années et ça ne tenait pas sur un seul album. Ensuite quand j’ai pris le concept de l’ère Phanérozoïque ça avait du sens de la séparer en 2, enfin en 3 pour être précis. Les parties 2 et 3 sortiront en même temps. Le Paléozoïque a donc 6 morceaux, le Mésozoïque en aura 3 et le Cénozoïque 3 également. Musicalement, les premiers titres sortis ont été composés en même temps et ils avaient besoin de sortir ensemble. Tout ce qui vient après est vraiment différent même si ça se rapproche un peu plus de « Pelagial ». Je pense que ça va surprendre.
ANR : Tu sélectionnes le thème avant de commencer l’écriture des morceaux ou le thème vient après ?
Robin : Les morceaux arrivent en premier, puis je réfléchis à la partie conceptuelle. Une fois que j’ai déterminé le concept je modifie les morceaux. C’est un processus difficile. Il n’y a que pour « Pelagial » que le concept était défini avant de passer à la musique. Je voulais que l’accordage des morceaux soit de plus en plus sombre pour suivre la progression de la surface au fin fond des océans.
ANR : L’ère Phanéroizoïque est aussi appelée l’ère des poissons, c’est une période qui vous convient bien !
Robin : Oui tout à fait (rires).
ANR : D’où vient cette attirance pour le monde marin ?
Robin : La mer est partout sur mon corps (il montre ses tatouages). Je suis un plongeur et j’ai toujours eu une fascination pour la mer. J’aime le côté magnifique et le côté sombre également. J’ai failli me noyer quand j’étais jeune à deux reprises.
ANR : Deux fois ?
Robin : Oui… j’ai beaucoup de respect pour l’eau également. J’ai une relation très intense avec la vie marine, ça me paraît logique de l’incorporer dans ma vie artistique.
ANR : Et pourtant tu vis à Berlin !
Robin : Je sais, ça n’a pas de sens (rires)
ANR : Tu as enregistré une partie de l’album en Islande, as-tu ressenti une connexion spéciale avec la nature sur cette île ?
Robin : C’était incroyable. Être entouré de la
nature, loin de la ville… Le studio n’était pas à côté de l’océan mais il y
avait une cascade gelée juste à côté, c’était magique. Être là-bas a
complètement changé notre état d’esprit. Je commence toujours par enregistrer la
batterie ; Là c’était le premier enregistrement avec Paul, qui a rejoint
le groupe en 2013. Il n’est pas un nouveau membre, mais on n’avait jamais
enregistré ensemble. C’était un peu stressant car j’ai des idées très
spécifiques et lui aussi. Il fallait faire en sorte que nos idées se rejoignent
et continuer à s’apprécier à la fin de la journée ! L’environnement a
vraiment aidé. On pouvait travailler 16h en studios et rester motivés. Le côté accablant de la nature aussi, les
icebergs, les tempêtes de glace et de neige, tout ça a contribué à en faire un
album sombre et froid.
On a aussi pu prendre une voiture pour faire un tour et voir l’océan.
ANR : Combien de temps êtes-vous restés là-bas ?
Robin : Une semaine. C’est ce qu’il nous fallait pour enregistrer la batterie.
ANR : Et le studio est détenu par Sigur Ros ?
Robin : Oui, c’est eux qui l’ont construit, c’est une ancienne piscine. C’est parfait pour la batterie. On l’a installée au fond de la piscine, il y avait deux niveaux de plafond, le niveau de ce qui correspondait à l’eau par le passé et le niveau du plafond actuel. On pouvait éloigner les micros pour avoir un son très enveloppant et tirer vraiment parti de l’endroit. Le son était très direct, mais on a pu utiliser des rideaux pour le rendre un peu moins direct.
ANR : Le reste de l’album se fait à Berlin ?
Robin : Je fais une partie des guitares tout seul à la maison. Je passe aussi un peu de temps dans une maison en Espagne, près de la mer. C’est là que j’ai composé une grande partie des quatre derniers albums. C’est aussi là-bas que nous allons enregistrer la voix. On aime bouger un peu pour enregistrer et se laisser inspirer par d’autres lieux. J’adore Berlin, c’est l’endroit que j’ai choisi pour vivre, mais je n’ai pas besoin d’y faire un album. Il y a trop de distractions entre les amis, les sorties, etc.
ANR : Quand est-ce que l’on peut espérer la sortie de cette deuxième partie de disque ?
Robin : Pas avant début 2020. Nous devons finir l’enregistrement puis nous allons tourner en Russie et aux US. Nous allons aussi dans des pays dans lesquels nous n’avons jamais joué comme l’Arménie ou le Kazakhstan. Ca ne nous laisse pas beaucoup de temps pour travailler sur l’album. On vise Avril 2020.