HOT on the rocks!

Interview avec Dave Hunt du groupe Anaal Nathrakh

lundi/09/09/2019
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Le groupe de metal extrême britannique Anaal Nathrakh était de passage au Motocultor pour défendre son dernier album « A New Kind Of Horror ». L’occasion pour Art N Roll d’échanger avec le leader du groupe Dave Hunt.

 

Art N Roll : Je voulais commencer par te dire que mes amis lisent « anal » sur mes t-shirts du groupe. Merci pour ça !
Dave Hunt: Pas de problème ! C’est le cadeau inépuisable. En néerlandais il me semble, ils l’écrivent exactement comme ça, c’est encore mieux. En Russe ça n’est pas tout à fait ça, mais ça sonne comme quelque chose de désagréable avec un cheval. Je sais pas ce que ça veut dire. Même ma mère appelle ça « Anal Anthrax ».


ANR : Je vous ai vu à Paris en novembre dernier.
Dave : Ah ouais, juste à côté du Moulin rouge non ?

ANR : Tout à fait !
Dave : Je me rappelle de ce concert, j’avais vraiment apprécié.

ANR : Tu étais plutôt communiquant pendant le concert, tu invitais le public à se jeter de la scène. Comment tu fais pendant un festival ?
Dave : Tu dois faire concert par concert. Je ne sais pas comment ça va se passer. Je suis déjà venu à ce festival avant, mais je ne sais pas comment ça va se passer sur scène aujourd’hui. Y’a des choses qui sont adaptées pour une salle comme celle où on a joué à Paris, « foutons le bordel dans tous les sens ». Mais tu sais, c’est pas un problème. Tu t’adaptes, tu fais de ton mieux.

ANR : Est-ce que vous adaptez votre set par exemple ?
Dave : Hum, pas généralement non. Bien entendu, pour un set comme celui-ci c’est un peu plus court. Tu dois retirer des sons que tu jouerais un autre soir. Garder les sons qui sont un peu plus évidents, un peu plus simples peut-être. Mais la plupart du temps, non. On ne fait pas de compromis. Tu dois te souvenir que dans le public, qu’importe le nombre de concerts, le nombre de festivals auxquels tu as joué, quelque chose comme ça, il se pourrait que la moitié des gens ne t’a jamais vu avant. Et il se pourrait qu’ils espéraient vraiment que tu joues X son, et OK, tu peux jamais faire le set parfait pour toutes les personnes dans le public, mais je pense que tu dois essayer d’être une version authentique de ce que tu fais, et ne pas changer ce que tu fais. Ça pourrait vouloir dire beaucoup pour quelqu’un, et tu dois respecter ça. Certains groupes, tous ceux qui viennent veulent que tu joues le premier album. Mais généralement, les gens sont au courant qu’on a sorti un nouvel album.

ANR : Votre dernier album est peut-être un peu plus mélodique.
Dave : Les gens ont dit ça pour chaque album. Et à mon avis, ce n’est jamais vrai. Ça ne sonne pas plus mélodique pour moi.

ANR : Certains éléments pourraient être considérés comme plus mélodiques, mais au final c’est toujours un putain de viol auditif.
Dave : Review parfaite !

ANR : Tu as dit que les journalistes étaient mieux placés pour juger ta musique que tu ne l’es.
Dave : Oui, généralement.

ANR : Tu dis que tu es trop proche de ta musique pour ne pas être analytique. Maintenant que l’album est sorti depuis un an, est-ce que tu arrives à l’écouter comme de la musique plutôt que comme quelque chose que tu as fait et que tu te dois d’analyser ?
Dave : Ok, il y a une chose en philosophie appelée « sophisme de la barbe ». Tu prends un seul grain de sable. Tu as un grain de sable. Tu en ajoutes quelques uns, et tu as quelques grains de sable. Tu continues à faire ça, et au bout d’un moment tu obtiens un tas de sable. À quel moment on passe de quelques centaines de milliers de grains de sable à un amas ? Le fait est qu’il n’y a pas de tel moment spécifique auquel cela se produirait. C’est juste qu’avant, c’est un peu de sable, et après, oh, y’a un tas de sable là. C’est pareil avec les albums. Quand tu viens de les finir, tu peux pas les écouter. Tu n’entends que des choses que tu auraient pu changer, que tu te rappelles faire. Au bout d’un moment dans le futur, tu peux enfin l’écouter comme de la musique mais je ne sais pas quand ça arrive.

ANR : Et avec le dernier album, c’est arrivé ?
Dave : C’est bien plus simple avec les anciens albums. Donc par exemple « In the Constellation of the Black Widow », qui a dix ans maintenant, je peux l’écouter sans passif.

ANR : Et l’apprécier en tant que tel ?
Dave : Oui, et pour « A New Kind of Horror », on y est peut-être pas encore, mais je peux déjà prendre un peu de recul et l’apprécier. C’est compliqué de ne pas être analytique avec ce que tu fais. Parce que quand on le fait tu vois, on y va à fond. Mais peut-être dans quelques années.

ANR : Tu as dit dans une interview récente que vous n’étiez pas signé à ce moment. C’est toujours le cas ?
Dave : Euh, ouais. Techniquement, c’est toujours le cas. On a trouvé un accord avec Metal Blade à nouveau. On a accepté les termes et tout mais on a pas encore le contrat papier. Donc on est techniquement pas signés, mais en gros.

ANR : Donc, en gros, il va y avoir de nouveaux albums d’Anaal Nathrakh dans le futur ?
Dave : Carrément ouais. On a déjà planifié l’enregistrement du prochain album. Là c’est le dernier concert qu’on fait avant longtemps. On a quelque chose en juillet prochain ou quelque chose comme ça. J’ai des choses à faire qui n’ont rien à voir avec la musique. Ensuite on va faire l’album et enfin après on va booker de nouveaux concerts.

ANR : Tu veux nous parler de ce que tu fais quand tu bosses pas pour Anaal Nathrakh ?
Dave : Je fais une thèse sur un aspect de la philosophie appelé meta-éthique. C’est blindé de longs mots à la con. En gros, tu as l’éthique. Donc en rapport avec la morale. Ce qu’il est bien de faire, ce qui est mal. Donc, si tu as la morale, « qu’est-ce qui est bien, mal, que dois-je faire ? ». La meta-éthique est un cran en recul par rapport à ça. Si je dis que quelque chose est mal, qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Et si je dis que quelque chose est bien, qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Qu’est-ce qui fait que c’est bien ou mal ?

ANR : Tu comptes publier ?
Dave : (rires) Si je peux !

ANR : Ce qui m’amène aux paroles. Habituellement, vous ne les publiez pas, à part pour Tod Huetet Uebel qui n’étaient pas entièrement les tiennes. En revanche, vous avez publié les paroles de « Forward! » issue du dernier album. Quelle était la raison derrière ça ?
Dave : Originellement nous avions décidé que nous publierions pas les paroles parce qu’on trouve ça agaçant que les gens les lisent sans y réfléchir.
Y’a pas de mal à ça, les gens font bien ce qu’ils veulent. Mais, de mon point de vue, je préfère donner assez d’information aux gens pour que s’ils réfléchissent ils saisissent l’idée, le sens. Tu peux comprendre des bouts de ce qui est dit, il y a des liner notes, ce genre de trucs. Donc penses-y par toi-même puis viens m’en parler plutôt que dire « qu’est-ce que tu as dit à telle ligne ? ». Si tu fais ça, tu penses pas par toi-même.
Mais donc, pour Tod Huetet Uebel, je travaillais avec Rainer Landermann, un mec super intéressant, un personnage. Il a fait des chants incroyables pour un groupe appelé Bethlehem il y a plusieurs années. Il n’était que sur le premier album, Dictius Te Nectare, c’est incroyable son chant là-dessus. Pour arriver à le faire bosser avec nous, il n’a pas accepté tout de suite… Il ne voulait pas. Généralement les gens disent « ouais, ok » ou « non, je peux pas », qu’importe. Lui disait « convainc moi ». Donc j’ai du lui expliquer l’idée que j’avais et lui envoyer… Quand on travaille avec quelqu’un on ne veut pas leur dire quoi faire normalement. On veut qu’ils soient eux-même et voir ce que ça donne. Donc je voulais qu’il fasse ce qu’il pensait être bien. Mais je lui ai envoyé un extrait des paroles auxquelles je pensais et il les a apprécié et a traduit une partie en Allemand et on a travaillé ensemble. Du coup ça semblait approprié de reconnaître le travail qu’il avait fait en publiant les paroles. Il a récemment fait un album qui est formidable, je conseille d’aller le checker ! Ça s’appelle « Mein Wort in Deiner Dunkelheit », c’est incroyable, vraiment psycho taré.
Et pour « Forward! », en gros je voulais que ce soit dispo parce que je pense que les paroles valent le coup d’être lues. Non pas que ça veuille dire qu’habituellement ce n’est pas le cas (rires). D’habitude je veux que les gens pensent pour eux-même, mais je pensais que dans ce cas ça ne demandait pas tellement de réflexion et que ça porte quelque chose d’important. Et je ne veux pas faire la leçon aux gens, mais va les lire, vois ce que tu en penses. C’est pas ce qu’on fait normalement, mais essaye.

ANR : Quid de la septième chanson de l’album ? Elle s’appelle « Vi Coactus », tu peux nous en dire plus sur le thème ?
Dave : C’est un terme légal.

ANR : ça veut dire contraindre, forcer.
Dave : Oui, exactement. J’ai trouvé la phrase dans… Tu sais qu’en Angleterre ça a été un peu compliqué politiquement. L’un des parti les plus difficiles était UKIP. Ils avaient un chef de parti qui, je crois que c’est un document qu’elle signait, par lequel elle acceptait de devenir chef de parti. Mais elle a signé « VC » à côté, ce qui est une façon légale de dire « j’ai bien signé ça, mais j’ai été forcée ». Et ça m’a paru étrange. C’est pas une bonne chose à avoir. Même si je déteste ces idiots, ce qu’ils forcent les gens à faire c’est vraiment étrange. Cette idée de permission, de consentement, ça m’a fait penser plus globalement. Et il m’a semblé que la société dans laquelle nous vivons n’a pas forcément à être comme elle est. Depuis la fin des années 70 environ, en Europe de l’ouest et en Amérique on est dans une sorte d’expérience. Pas techniquement ou officiellement, mais on pousse le monde entier tout le temps vers plus de néo-libéralisme et une sorte de capitalisme. Et il semblerait que maintenant les effets nocifs de cette expérience commencent à se faire ressentir.
Donc l’idée de consentement à un niveau macro-politique, pas les petites choses locales, mais en termes macro-politiques, géopolitiques, il y a l’idée d’un manque de consentement. J’ai alors pensé à la notion de consentement éclairé qui est souvent tracé à Nuremberg, au Code de Nuremberg. C’est pourquoi il y a dans cette chanson des extraits du Code de Nuremberg.

ANR : C’est donc ça les samples qu’on peut entendre au début ?
Dave : Alors en fait c’est moi. Il n’y a pas de samples de ça donc on a du les faire nous-même, les faire sonner comme un enregistrement de l’époque.

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