HOT on the rocks!
Tool band

Chronique de Fear Inoculum – Tool

dimanche/22/09/2019
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Fear InoculumGroupe : Tool
Album : Fear Inoculum
Label : Volcano Entertainment, RCA Records
Date de sortie : 30 août 2019
Note : 19/20

Après 13 ans de longue et dure attente, Tool livre la suite logique de 10,000 Days. La période de sécheresse fait place à une mise en ligne de l’ensemble de leur discographie, une stratégie commerciale controversée et une prise d’assaut des charts internationaux. L’attente valait-elle la peine ?

 

Epanouissement et sérénité

Dès la première écoute, Fear Inoculum apparaît comme une œuvre composée par des musiciens, qui connaissent un épanouissement personnel, une sérénité profonde. L’urgence viscérale qui émane des précédents opus n’a plus sa place. Ici chaque morceau respire la maîtrise, le recul, mais également le plaisir de créer ensemble. Même impression concernant le travail de Maynard, sa voix est encore plus nuancée et plus posée que dans les précédents albums. Il arrive à projeter une mise en retrait à travers son travail vocal comme dans ses paroles tout en étant présent et précis sur chaque note.

 

La maîtrise au détriment de l’émotion ?

Deux morceaux se distinguent clairement au sein de Fear Inoculum : « 7empest » et « Descending ». Le groupe nous avait plutôt habitué à adopter une approche musicale presque monolithe, dans laquelle ni la voix ni aucun des instruments ne prenait le pas sur les autres. « 7empest » sert de vitrine pour le talent d’Adam Jones, le morceau lui laisse le temps et la place nécessaire pour s’exprimer. Une intro calme et poétique fait place à une agressivité, tant dans la voix que dans le riff, qui s’apparente plus au bellicisme présent dans AEnima et Lateralus. C’est le retour du gros riff puissant, absent dans le reste de l’album. Le travail de Jones est remarquable, les aspects légèrement blues et les envolées qui rappelleraient presque Hendrix sur certains passages. Les variations nous font brillamment voyager à travers les méandres et les instants calmes d’un tourbillon infini. Le groove est imparable, que ce soit du côté de la section rythmique, dans les lignes de guitare ou dans la voix de Maynard.  Au bout de quelques minutes, le morceau laisse un peu de place à Danny Carey et Justin Chancellor pour briller avant que la guitare de Jones ne reprenne le dessus. Une guitare lancinante, qui fait son effet. Dérangeante et envoûtante, toujours sur le fil de l’émotion. Un travail d’orfèvre.

Dans « 7empest » Maynard nous parle du contrôle des masses, de l’illusion du « tout ira bien » qu’une certaine oligarchie essaie d’imposer à la société. Il exprime le caractère essentiel de lever le voile de la tromperie, de devenir acteur pour nous sortir de notre léthargie. La symbiose du texte et de la musique subliment ce titre, qui vaut à lui seul, ces treize années d’attente.

 

« Descending » peut se vivre comme une expérience religieuse. Une intro aquatique, qui appelle à la méditation. Une mélodie envoûtante accompagne l’installation d’une atmosphère quasi sacrale. Une ligne de chant proche de Deftones. Une ambiance mélancolique, spirituelle et empreinte d’optimisme pour traiter de la thématique de notre fin imminente.  S’en suit une montée en puissance progressive, tant musicalement que vocalement. Elle semble refléter une incertitude de plus en plus prédominante. Le doute et l’inquiétude surgissent avec une atmosphère plus grave. Le thème principal éclate, soutenu par deux guitares harmonisées.

La batterie, puis le riff de guitare créent une tension très maîtrisée. Le ton monte, tel un débat interne qui commence à faire rage. Une bataille dont l’issue est tout sauf certaine. La guitare de Jones nous ramène alors vers des horizons plus insouciants et nous plonge dans une fausse accalmie. Mais de nouveau le trouble éclate et la discordance prend place. Un questionnement qui semble ne pas trouver de résolution avant de tendre vers un horizon prospère. L’outro marine semble emporter avec elle les restes de la tempête.

 

Des titres plus attendus mais jouissifs

« Pneuma » reprend des thèmes bien connus du groupe et rappelle fortement « Schism ». La progression est plus subtile que sur Lateralus. Le morceau débute avec un motif envoûtant. Le côté tribal du morceau apporte une sensation de mouvement perpétuel, un rituel chamanique qui nous exhorte à chercher notre âme au-delà des limites de notre chaire. L’utilisation des chœurs et des passages presque soufflés offrent une palette d’émotions intéressante. Le passage brumeux plonge l’auditeur dans la confusion et le renvoie à des tourments avant de le ramener vers une conclusion apaisée.

L’intro de « Culling Voices » saisit l’auditeur avec une mélodie dérangeante servie par les dissonances. Une ambiance presque malaisante sur laquelle une voix aérienne, presque angélique, pose la question de la perniciosité d’un ego mal placé.  Le morceau prend ensuite un tournant lumineux et utilise un riff un peu trop attendu, qui révèle une certaine redondance chez les musiciens.

Les interludes qui ponctuent Fear Inoculum apportent leur lot de respirations et d’interrogation. Le délire expérimental « Chocolate Chip Trip » prouve que le groupe sait encore sortir des sentiers battus sans pour autant amener un réel intérêt pour l’auditeur.

Les autres titres revisitent des variations et thèmes déjà connus pour un public averti. Des morceaux maîtrisés, sans prise de risque réelle. Des titres qui auraient presque pu figurer sur le tracklisting de 10,000 Days tant ils semblent découler de la même veine artistique.

 

Accepter et dépasser ses peurs

Maynard semble moins impliqué dans ce nouvel album. Ses paroles suivent le virage amorcé avec le dernier opus d’A Perfect Circle. Après s’être épanché sur des sujets très personnels, notamment sa relation avec sa mère, il nous fait comprendre que le chapitre est clos. Comme si 10,000 Days lui avait permis d’expier ses dernières rancœurs pour ensuite faire le deuil d’une partie de ses souffrances.  Fear Inoculum parle d’acceptation, de dépasser ses peurs et surtout de ne pas se laisser prendre au piège des illusions que notre société nourrit. Les thèmes ne sont pas nouveaux, les références à Ponce de Leon ou Frank Herbert s’inscrivent naturellement dans le récit. Maynard semble être en paix avec qui il est, semble avoir digéré ses succès comme ses échecs. Il nous livre un regard avec plus de recul tout en manifestant une extrême sensibilité dans chacune des notes de sa voix.

 

Sans nous surprendre véritablement, Tool réalise un album, épique cohérent et maîtrisé de bout en bout. Fear Inoculum manie avec élégance et subtilité un tourbillon d’émotions pour nous emmener dans un voyage introspectif.

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