Groupe : Michael Monroe
Album : One Man Gang
Label : Silver Lining Music
Date de sortie : 18 Octobre 2019
Note : 16/20
Michael Monroe pratique un Rock’n’Roll intemporel car immuable. Celui qui tenait le haut du pavé et la dragée haute au reste du monde libre, à l’époque où Guy Lux animait les variétés du service public, celle également où Chuck Leavell ne diffusait pas encore ses ambiances pastel dans les concerts des Rolling Stones. A première vue daté. Mais indémodable. Pour preuve, cette pochette, laquelle résume tout. Cinq (le chiffre parfait pour un groupe de Rock) chevelus vêtus de noir et de moulant déambulent dans un couloir souterrain d’une gare ; certains les mains dans les poches, un peroxydé dégingandé au centre, sa santiag argentée droite en avant ; tous en ordre de marche. Le nom de Michael Monroe est surligné d’un éclair rouge, à l’ancienne. Cette simplicité ne trahit aucunement une économie de bouts de chandelles, mais revendique une inscription dans une longue tradition graphique : celle des Stones de December’s Children (and Everybody’s), des trois premiers disques des Ramones, des Heartbreakers, des Dead Boys, des photos promo de Guns’n’Roses circa 1986 ou encore de Ricky Banlieue et ses riverains… Bref, du Rock de bande urbain, un certain style de vie et un style de vie certain. Inscrit en rouge en bas à gauche, l’intitulé façon écorchure atténue un hiatus évident : « One Man Gang » ; sous l’apparence d’un groupe de potes, il s’agit d’un album solo. Mais où l’artiste veut faire corps avec ses accompagnateurs. Ce dernier mot (« accompagnateurs ») est relatif. Car le fidèle et antédiluvien Sami Yaffa est de l’aventure. Finlandais, tout comme Michael Monroe (né Matti Fagerholm le 17 juin 1962 à Helsinki), Sami Yaffa (né Sami Lauri Takamäki le 4 septembre 1963 à Espoo), fut entre autres le bassiste des cultissimes Hanoi Rocks (dont le chanteur est qui vous savez…) ; du projet Jerusalem Slim (toujours avec Monroe, et le guitariste Steve Stevens) ; ainsi que de Demolition 23 (le déjà « faux-vrai groupe » de Michael Monroe en 1994). Yaffa a également eu l’honneur d’être le bassiste de Johnny Thunders (peu de temps avant sa mort) ; des malchanceux Jetboy (compagnons de route du Guns’n’Roses des origines, partis dans les choux suite au décès par overdose d’héroïne de leur bassiste original, Todd Crew en 1988… dans les bras de Slash) ; ainsi que de l’influence majeure de Monroe : les New York Dolls (lors de leur reformation déplumée mais payante de 2006). Reformation à laquelle a aussi participé Steve Conte, ici présent, qui fut ravi de succéder au défunt Johnny Thunders au sein des Dolls. L’autre préposé à la guitare, l’anglais Rich Jones, ainsi que le batteur, le suédois Karl Rosqvist, affichent eux-aussi (sans surprise) des CV longs comme une déprime Post-Hellfest. Une visite rapide sur l’onglet merchandising du site Internet de Michael Monroe confirme cette volonté de « faire groupe » : les quatre autres musiciens figurent autour de la vedette sur un des deux t-shirts commercialisés.
Le contenu est à l’avenant. Nous avons affaire à un savant assemblage de déjà-entendu. « One Man Gang », la première des douze ritournelles, est un Rock endiablé où Monroe déblatère façon Jagger dans « Rip this Join ». Captain Sensible, le bassiste des Damned, joue de la guitare dessus. « Last Train to Tokyo » revêt une tonalité autobiographique, tant notre chanteur s’est rendu maintes et maintes fois au Japon, en ses trente-cinq ans de carrière (trente fois) : il s’agit-là d’un simple plus FM, pourvu d’un refrain accrocheur, qui évoque un peu « Poison Heart » des Ramones. Le plan basse-batterie qui introduit « Junk Planet » aurait très bien pu figurer sur le premier Damned (ou le premier Oasis)… A ceci près que ces deux groupes n’ont jamais placé de nappes d’harmonica, contrairement à Monroe expert en la matière. Assez complexe, il n’aurait pas dépareillé sur Use your Illusion, double album (ayant lui-aussi bien vieilli)… au sein duquel Monroe figurait (l’harmonica et le saxophone sur « Bad Obsession », c’était lui). Le plaintif et beau « Midsummer » fait penser au Tom Petty de « Into the Great Wide Open ». Le vieux compère des années Hanoi Rocks, Nasty Suicide, vient berzinguer de sa guitare sur « Wasted Years » (rien à voir avec celui de Maiden). La cavalcade « Black Ties And Red Tape » est Sexy en diable et transpire l’urgence ; elle est ornée d’un solo de gammes pentatoniques aussi tonitruant qu’un passage de Coluche sur Antenne 2. Les paroles d’« Hollywood Paranoia », morceau aux faux-airs de « Chinese Rocks », rappellent opportunément que Michael Monroe fut un des principaux acteurs du Sunset Strip au cours des mid-80’s… Solidarité nationale oblige, le trompettiste de Jazz Tero Saarti vient épauler son compatriote façon Mariachi sur « Heaven Is A Free State », une ballade de perdant magnifique, qui sonne comme un hommage à Mink DeVille… Ce que Monroe a pris comme un compliment lorsque nous lui avons fait part de cette comparaison. Le rappel aux origines finlandaises est confirmé par le thème de la pénultième piste, « Helsinki Shakedown » (très joli chorus de gratte final) ; puis, par « Low Life In High Places » le sombre titre de clôture, où (Ô stupeur et émerveillement !) Eicca Toppinen d’Apocalyptica pose son violoncelle ! Structuré, chiadé et trippant : probablement le meilleur morceau de ce disque. Ici, tous les refrains sont tous garantis 100 % Catchy tel le sparadrap du capitaine Haddock. En définitive, il serait déplacé de paresseusement qualifier « One Man Gang » de « Glam Metal » (et encore moins de « Hair Metal », néologisme qui comme la plupart des néologismes ne veut pas dire grand-chose…). Le tout est plus parent des albums solo d’Izzy Stradlin que des blockbusters décomplexés de Steel Panther. Nous tenons-là un album de Rock’n’Roll de bonne facture, à l’haleine yankee, servi par une production convenable (Michael Monroe, Rich Jones et Steve Conte aux E-Studio à Sipoo, Finlande) ; et qui respire l’authenticité à pleins poumons (en tous cas plus que le dernier Duff McKagan…).