Groupe : Jinjer
Album : Macro
Label : Napalm Records
Date de sortie : 25 Octobre 2019
Note : 16.5/20
On dira aux profanes que c’est un mélange entre Korn et Arch Enemy. Au risque d’être ensuite accusé de profanation par les fidèles. Auxquels on répondra qu’il ne s’agit que d’une vulgate sans prétention. Jinjer assemble une section basse-batterie fusionnelle avec caisse claire mixée en avant (mais sonnant parfois capitonnée), une grosse guitare contemporaine dans les graves, une jeune femme qui growle telle une morte de faim. De celles pour qui « le pain quotidien est relativement hebdomadaire » aurait écrit Prévert (que le poète tabagique pardonne cet emprunt…). La brune Tatiana Shmailiuk a, elle, plus ou moins inconsciemment emprunté à la blonde Gwen Stefani ; influence saupoudrée par-ci par-là sur « Macro », le quatrième disque du Combo de Donetsk.
Presque trahie par certaines poses sur les photos promo, la surnommée « Tati » serait sa version Metalcore. Nombre de passages chantés « clairs » entretiennent cette filiation, ainsi que ce second simple : « Judgement (& Punishment) », où Jinjer ose une interprétation presque Dub, entêtante et de grande classe, tel un No Doubt 3.0. Ce qui nous fait, une fois encore, soit dit en passant, déplorer les mauvaises fréquentations de sa chanteuse au tournant des années 2000 (Missy Elliott, Eve, Pharrell Williams, Alicia Keys, etc…). Le Groove de « Pit of Consciousness » (prochain single évident) fait penser à celui de « Tragic Kingdom », vingt-trois ans après. Un parallèle peut aussi être esquissé avec les Butcher Babies (autres rejetonnes de Gwen Stefani : il faut écouter « Headspin » sur le dernier LP des deux pétroleuses yankees afin de s’en convaincre), avec lesquelles Jinjer partage certaines tournures de style, un degré de maturité, ainsi qu’une appétence pour les Artworks verts cronopes.
Les quatre du Donbass lorgnent ouvertement sur les USA (ce qui ne manquera pas d’alerter Vladimir Poutine) des années 2010. A ceci près, que la première strophe du lancinant mais martial « Retrospection » sont fredonnées puis beuglées en Russe. Alternant brutalité et Free-Jazz (Eugene Abdiukhanov, le bassiste, est un mordu de Marcus Miller), la chanson « Home Back » évoque la nouvelle guerre de Crimée. Le vindicatif « Noah », entre autres, est mémorable. Aux intonations trahissant parfois ses origines (le refrain du tourbillonnant « On the Top », notamment), la voix de Tatiana additionne les adjectifs toutes directions confondues : menaçante, puissante, acidulée, inhumaine, convaincante, démonstrative, furibarde, chaleureuse, nostalgique, gouailleuse, apocalyptique, rassurante, authentique… Jinjer pratique le contraste à longueur de sillons.
On dégustera « Macro » comme une glace chocolat-citron, en alternant le cacaoté avec l’acide. Sans moment mort (à l’exception peut-être, de « lainnereP », l’instru convenu qui fait office d’Outro…), déroulé par une jeune formation sûre de ses recettes, soutenu par une promotion décidée ainsi que par une tournée mondiale marteau-pilon (quatre dates hexagonales en décembre en compagnie de The Agonist, la Machine du Moulin Rouge affichant complet depuis fin août…), il nous est présenté comme l’album de leur consécration. De la maturation serait plus adéquat. Et plus prudent, car le meilleur sera vraisemblablement pour après… La carrière de Jinjer frémit tel un bigot derrière son écran d’ordinateur à chaque nouvelle mise en examen de son prédicateur. Pour le reste, il y avait une voyante dans sa caravane à Denfert-Rochereau, mais elle s’est volatilisée à cause des travaux.