Interview avec Rusty, le truculent chanteur du groupe Australien Electric Mary … puis avec l’intégralité du groupe, quelques minutes avant leur concert du 30 novembre 2019 au O’Sullivans Backstage BTM à Paris 18e (et compte-rendu dudit concert).
La météo mondiale est résolument maboule : il fait tiède ce soir de fin novembre (sept degrés) sur le boulevard de Clichy, tandis qu’aux Antipodes une chaleur singulière alimente depuis trois semaines plus de quatre-vingt brasiers dans les régions du Sud-est de l’Australie. Justement, le groupe de Hard Rock qui se produit ce soir au O’Sullivans Backstage BTM dans l’Ouest de Pigalle nous vient de Melbourne, une ville « gorgée de soleil », comme aimait à le dire Guy Lux en son temps. Il s’agit du dernier concert du « Gimme Love World Wide Tour 2019 », du nom du premier morceau de « Mother », leur album publié en février dernier (chroniqué en ces colonnes par le valeureux Pish). La brasserie à burgers et bières pour touristes anglo-saxons jouxte le Moulin Rouge et sa machine ; les cars sont chez eux sur ce macadam, comme un samedi soir, comme chaque soir. Le modeste fourgon stationné devant le bistroquet, qui semble être celui du combo, fait riquiqui en comparaison des Pullman voisins. Il est les dix-huit heures quarante-cinq : nous avons rendez-vous à dix-neuf heures trente, et Electric Mary attaque à vingt heures trente ; il est donc grand temps de traverser le bar pour rentrer dans la salle tout au fond. Enceinte déjà décrite dans un papier d’il y a deux ans (Butcher Babies, fin mars 2018), de petite taille, pourvue d’un zinc façon bar de nuit, et à la configuration idéale pour toutes mirettes et statures.
Première question, en considération de ce qui vient d’être écrit : où aura lieu l’interview ? Tout le monde ici semble bien affairé… Renseignement demandé auprès du gusse debout derrière l’étal de Merch : surprise, ledit gusse n’est autre que Butcho « Bob » Vuković, ancien frontman de Watcha, et désormais celui de Yann Armellino & El Butcho, le groupe français qui assure la première partie. C’est par là ? OK ! Rusty, le bedonnant et barbu chanteur d’Electric Mary, enchaîne les entretiens sur les canapés à droite. Il s’agira d’attendre son tour, ce ne sera pas long. Seconde question, en considération de ce qui vient d’être écrit : que fait donc le sémillant Jackson, chargé d’immortaliser l’interview et le concert ? Serait-il en retard … Deux appels manqués (rien ne passe plus) à dix-neuf heures seize et dix-sept… Mauvaise langue et vilain camarade va… Nous sommes tous deux à l’heure, et au lieu indiqué. Le photographe pose son matos, et le binôme est fin prêt. C’est à nous ! Verre d’alcool fort (vodka orange a priori…) à portée de main, front hugolien sous cheveux gras et traits tirés, le mélodiste aux faux-airs de Joe Cocker, semble comme fébrile, engoncé dans sa gabardine noire…
Art’N’Roll : La première question sera conventionnelle : peux-tu s’il te plaît présenter à nos lecteurs et trices ton groupe, Electric Mary ?
Rusty (chant) : OK. C’est Rusty d’Electric Mary… nous sommes ensemble depuis seize ans désormais… Nous jouons du Rock’n’Roll classique, fondé sur le Blues… je chante, Pete Robinson et Brett Wood sont à la guitare, Alex Raunjak est à la basse, et SPYDER joue de la batterie !!!
ANR : Vous êtes de Melbourne en Australie, certains affirment que les australiens contrairement aux apparences, sont très attachés à la vie citadine, et peu ruraux…
R : L’Australie est une contrée gigantesque… peuplée de vingt-cinq millions d’habitants… et ils n’aiment pas le Rock’n’Roll… (Rires) Nous on aime bien… (NDA : la responsable qui gère les interviews, interrompt légitimement la conversation, puisque le concert de Yann Armellino & El Butcho se précise…) Vous voulez que l’on parte ? (NDA : réponse affirmative de l’organisatrice, avec proposition de se rendre dans les coulisses pour continuer…) Vous voulez qu’on aille Backstage ?
ANR : Oui, pourquoi pas, tiens !
Il s’agit donc de couper l’enregistrement pour l’un, de remballer l’appareil photo pour l’autre, et pour les deux de placer les pas dans ceux de Rusty, verre en main, trainant quelque peu la patte à travers la salle, puis dans l’exigu et sombre escalier qui mène aux coulisses, après avoir poussé une lourde porte… Les quatre autres membres du groupe y sont confinés, attendant le début du Gig, un sur le petit canapé du cagibi, postant depuis son ordinateur portable une vidéo sur la page Facebook d’Electric Mary, laquelle retraçant leurs ultimes pérégrinations sur le territoire de l’Union européenne :
Une vie de groupe en somme toutes… Poignées de mains chaleureuses aux musiciens par les deux impétrants d’ANR, et prise de possession dudit canapé en compagnie du chanteur. Lequel se cale contre son dossier, toujours l’air frileux, mais paradoxalement charismatique, mi-clodo-mi-Chaman… Sept hommes, dont cinq debout, assemblés malgré eux dans un espace d’environ dix mètres carrés, augmenté de toilettes type latrines en bas de marches : un aménagement fleurant bon le Paris caché, celui des cabarets… Logiquement, la suite de la conversation prend une dimension collective…
ANR : Il y a un mythe concernant le « sixième Rolling Stones »), le « cinquième Beatles »…
R : Right !
ANR : … qui serait le « sixième membre d’Electric Mary » ?
R : Ils ont tous été virés… (rires de l’ensemble du groupe)
Alex Raunjak (basse) : … Ils sont tous partis ! Sinon Dave Leslie…
R : Tout à fait : Dave Leslie des Baby Animals, qui a joué plusieurs fois avec nous… tu connais les Baby Animals ?!?
ANR : Non, je ne connais pas les Baby Animals… promis, je vérifierai… (NDA : en fait, si à vérification faite : un groupe de Rock Australien de la fin des années 1980, emmené par la chanteuse Suze DeMarchi ; en dépit d’une couverture par la presse Hard Rock d’ici, Baby Animals n’a jamais véritablement percé en France). Vous venez de sortir « Mother », votre quatrième album studio, quelle serait sa thématique ?
R : « Mother » possède de nombreux sens, c’est sujet à l’interprétation de chacun, cela fait pour moi référence à la force, à quelque chose qui contrôle ce que l’on fait…
ANR : Votre chanson « Gimme Love » est un morceau assez trippant…
R : Oui !
ANR : De quoi parle-t-elle ?
R : Cela parle d’une sœur qui tombe amoureuse de son frère… Ouais, je me suis inspiré d’un film, où la sœur est jalouse de la petite amie de son frère, c’est assez bizarre comme thème, j’en ai conscience…
ANR : Tu as dit tout à l’heure qu’Electric Mary est un groupe de « Classic Rock », ce qui est vrai… mais à l’écoute de « Mother », on décèle comme une inspiration Grunge, cela fait penser par instants à Soundgarden…
R : Oui. Je suis effectivement Fan de tout ce qu’a fait Chris Cornell. Nous avons été dans plusieurs directions tout au long de notre parcours. Pour « Mother », chacun a apporté ce qu’il souhaitait, dans tel sens ou tel autre, la règle instaurée étant que : la meilleure idée l’emporte (NDA : s’adressant aux autres membres du groupe) Les gars avez-vous un problème avec ça ?!?
Réponse collective : Non, non, non…
ANR : Electric Mary est donc une méritocratie ?
Réponse collective : Ouais…
AR : Nous ne sommes pas une démocratie, de toutes façons…
ANR : Le meilleur gagne ?
AR : C’est Rusty qui arbitre entre les idées ! Electric Mary est son bébé, il décide de ce qui est bon, et nous nous rangeons derrière lui ! Jusqu’à présent, il ne s’est jamais trompé… C’est le Boss…
Pete Robinson (Guitare) : Il a toujours raison.
R : Cette fois, nous nous somme posés ensemble pendant plusieurs semaines, nous n’avions jamais travaillé de manière collective auparavant…
AR : Jamais !
ANR : On ressent comme un assemblage d’influences. Parfois, votre disque sonne comme le premier Jeff Beck Group en 1968, notamment ta voix Rusty, qui rappelle celle de Rod Stewart sur cet album…
R : Ouais !
AR : Great Record ! (NDA : ostensiblement, devant le « patron ») JE SUIS D’ACCORD AVEC TOI (Rires)
ANR : … la différence étant que la production de « Mother » est bien plus puissante que celle du premier Jeff Beck Group, évolution de la technique oblige…
R : Tu parles de son groupe, où Jimmy Page aurait dû jouer de la guitare, avant de fonder Led Zeppelin ?
ANR : Oui. Ce super groupe, avec Rod Stewart au chant et Ron Wood à la basse. Super bassiste, Ron Wood…
AR : Ron Wood est un grand musicien…
ANR : … La légende étant que Rod Stewart et Ron Wood ont quitté Jeff Beck quelques jours avant le Festival de Woodstock, qui aurait dû logiquement les rendre célèbres, et que Led Zeppelin deviendra Led Zeppelin à leur place…
R : Right !
AR : J’ai entendu dire que Peter Grant, le manager de Led Zeppelin, mais aussi du Jeff Beck Band, serait pour quelque chose dans le départ de Rod Stewart…
ANR : Revenons à vous. La production de « Mother » est impeccable. Qui a produit ce disque ?
AR : (NDA : descendu parti pisser aux toilettes) RUSTY L’A PRODUIT !!! (Rires collectifs)
PR : (Rires) Réponse des toilettes…
R : Dave Grohl produira le prochain…
ANR : Vrai ?
PR : On ne sait pas…
R : Nous avons entamé des négociations, ce serait un beau marchepied pour nous…
ANR : Tu écoutais quoi pendant l’enregistrement de « Mother » ?
R : Deep Purple, nous étions en studio pendant une longue période, ce qui m’a donné le temps nécessaire à penser à ce que nous devions faire et comment…
ANR : Quel « Mark » de Deep Purple (NDA : en raison d’incessants changements de personnel, les diverses époques de Deep Purple sont distinguées en fonction de sa composition : « Mark I », « Mark II », « Mark III », jusqu’à « Mark VIII » aujourd’hui) ?
R : « Mark III »…
ANR : « Mark III », c’est la période de « Burn »…
R : « Burn », « Stormbringer », de 1973 à 1975… Et après « Come Taste the Band »…
ANR : La vie en tournée est-elle difficile ?
R : La vie en tournée ? Oui, mais il s’avère que c’est notre meilleure tournée depuis des lustres.
ANR : Un mot sur votre concert d’hier soir à Colmar ?
R : Ouais.
PR : Vraiment bon.
R : Ouais. Bel endroit.
ANR : Vous avez eu le temps de visiter l’Alsace ?
R : Non. On a eu sept heures de route pour venir ici. Et six pour rejoindre Colmar auparavant.
ANR : J’en déduis que vous n’avez pas non plus eu le temps de visiter Paris…
R : Non plus. Nous sommes venus dans cette salle assez tôt dans la journée.
ANR : Selon toi, quel concert serait votre meilleur de cette tournée ?
R : Ce soir.
AR : (Rires)
R : J’ai aimé nos dates en Espagne et en Italie.
ANR : Tu as une boule de cristal, et tu as vu dedans que ce soir sera le soir…
R : Oui.
AR : Rusty ne se trompe jamais.
R : Well, c’est la dernière de la tournée…
ANR : Vous pensez sortir votre prochain album pour quand ?
R : Peut-être pour juin 2020. Nous souhaitons revenir en Europe pour juin ou juillet, en tous cas c’est mon souhait… nos souhaits… (Rires collectifs)
ANR : Chuuuuuuuuut ! Bon, on passe aux questions plus personnelles : quel est le premier disque que tu as acheté ?
R : Le premier disque que j’ai acheté ? Heuuuuuuuuu… probablement… je ne sais plus !
AR : Twisted Sister « Stay Hungry » !!!
PR : KISS « Double Platinum » !!!
R : Je dirais que c’était probablement un disque des Beatles, je ne sais pas lequel…
ANR : Ton album préféré ?
R : Heuuuuuuuuu…
ANR : Je sais, c’est difficile à chaque fois…
R : Non, non, c’est OK… Pour moi ?
ANR : Oui.
R : Celui que je peux emmener avec moi sur une île déserte ?
ANR : Ouais.
R : Deep Purple « Stormbringer ».
ANR : Premier concert ?
R : Black Sabbath.
ANR : Quelle tournée ?
R : J’avais douze ou quatorze ans (Sic) C’était à la fin des années soixante-dix…
ANR : Meilleur concert ?
R : Cette réponse va te tuer : U2 ! (Rires)
AR : J’aurais répondu pareil (Rires)
ANR : Intéressant : quelle tournée ?
R : « Lovetown Tour » en 1989, avec BB King ! Sinon, j’ai adoré voir The Darkness dans un Club, ambiance démente !
ANR : Si « Rusty » n’était pas ton nom, tu prendrais lequel ?
R : Ce que je choisirais ?
ANR : Ouais.
R : Brad Pitt (Rires de Jackson)
ANR : Ton film préféré ?
R : « Pulp Fiction ».
ANR : Ton livre préféré ?
R : Je ne lis pas de livres, je regarde des films.
ANR : Ta boisson préférée ?
R : Ce que je bois là, ou ma boisson préférée ? Du rhum, du rhum, du rhum…
ANR : Ton endroit préféré ?
R : New-York. New York City.
ANR : Vu que tu es un bon client, je te propose pour finir un petit jeu : je te donne le nom d’une personnalité et tu me réponds par le premier adjectif ou mot qui te vient à l’esprit… OK ? Scott Morrison (NDA : le Premier ministre de l’Australie) ?
R : Dickhead.
ANR : Janis Joplin ?
R : Soul.
ANR : Paul Hogan (NDA : comique Australien) ?
R : A mangé sa fortune.
ANR : Greta Thunberg ?
R : Qui ?
ANR : Greta Thunberg ? La jeune fille qui fait la grève pour le climat…
R : AAAAHHH… YEAH YEAH !!! Je n’en sais pas assez sur elle…
ANR : Tu ne sembles pas trop intéressé par la politique ?
R : Non, réellement…
ANR : Peter Garrett (NDA : le chanteur de Midnight Oil) ?
R : Great Frontman… Politicien merdique.
ANR : Joe Perry ?
R : Great Soloman.
ANR : Paul Simonon ?
R : Qui ?
ANR : Paul Simonon, des Clash ?
R : Je n’aime pas du tout les Clash.
ANR : Jack Daniel’s ?
R : Bon pour la voix.
ANR : Rod Stewart ?
R : Great.
ANR : Marvin Gaye ?
R : Plus que Great.
ANR : Brian Jones ?
R : Sous-estimé.
ANR : Pardon ?
R : Sous-estimé. N’est-ce pas une bonne description ?
ANR : Si. Dave Grohl ?
R : Notre prochain producteur.
ANR : Je l’espère aussi.