Gowy est un groupe français fondé par le guitariste Grégory François. Lequel a publié son troisième album « Music Whitout Money » en 2019. A dominante instrumentale, et sous forte influence Vai-Zappa, mais pas que. Entretien avec un musicien chevronné…
Art’N’Roll : Vous existez depuis 2005 : peux-tu s’il te plait présenter Gowy à nos lecteurs ?
Grégory François (guitare) : Gowy est un groupe que j’ai effectivement fondé en 2005, qui est devenu instrumental au fil du temps, et au sein duquel je souhaite incorporer le plus d’influences possibles, sans contrainte et en toute liberté musicale.
ANR : Gowy a publié en 2019 l’album « Music Whitout Money », composé de onze pistes. L’influence de Franck Zappa, que vous revendiquez, est effectivement palpable, tant dans la guitare que dans la structure des compos, ainsi qu’entre autres par l’emploi de marimba… Quels sont les instruments utilisés ?
GF : Nous sommes cinq dans le groupe : Christophe Gratien à la batterie, Amédée Flament aux claviers analogiques, David Dufosse à la basse, Victor Calon au marimba et aux percussions, et moi aux guitares. C’est la base du groupe. Mais nous utilisons d’autres instruments en fonction des morceaux : sur notre précèdent album (NDA : « Atoms », paru en 2017) nous avions employé des cloches tubulaires. Nous suivons un mode d’enregistrement particulier : je compose sur un logiciel d’écriture musicale, j’enregistre mes guitares, notamment mes rythmiques et thèmes, en tant que « témoins ». Une fois ceci effectué, nous allons en studio, afin d’ajouter la basse et la batterie sur ces témoins. J’y réalise également mes solos, le plus souvent improvisés.
ANR : Le titre de ce disque, « Music Whitout Money », est à prendre tel un constat, non ?
GF : C’est un peu ça, beaucoup interprètent ce titre en ce sens : aller en studio concevoir un album sans avoir d’argent… C’est aussi, et surtout à mon idée, le fait de nos jours que leur musique ne rapporte plus d’argent aux musiciens…
ANR : J’avais également vu cela sous l’angle de l’auditeur : pouvoir écouter toute la musique possible sans rien débourser…
GF : Je ne crache pas sur Spotify, dans la mesure où cela nous permet d’approcher un nouveau public, celui que l’on n’aurait pas forcément été en mesure de toucher… Et puis, je ne perds pas un million d’euros dans cette affaire… Le but étant d’être écouté par un maximum de gens. Certes, ce que je perçois en retour de la part de Spotify est dérisoire, mais la donne a changé… Avant, et quoi qu’il en soit, un paquet d’intermédiaires se faisait déjà de l’argent sur le dos de l’artiste, et il y aura toujours des intermédiaires. L’essentiel est que la musique appartienne à l’artiste.
ANR : Vous disposez néanmoins d’appuis, à l’image des guitares Vigier avec lesquelles tu es sous contrat d’« endorsement » depuis 2012… A titre rétrospectif, quels sont les points positifs à retenir dans l’existence de Gowy ?
GF : De jouer une musique originale. Surtout cela. Ensuite de nouer des contacts, je pense à toutes les personnes que nous avons pu rencontrer, celles que n’aurions pas connu sans Gowy. Des gens comme Mike Keneally (NDA : guitariste US et « bras droit » de Zappa, puis de Steve Vai) ou comme Christophe Godin (NDA : guitariste français) qui constituent des rencontres marquantes. Avec Mike Keneally ce fut cordial, sans plus. Avec Godin ce fut en 2005, lors d’un concert-hommage à Franck Zappa, alors qu’il jouait en compagnie de son projet « Metal Kartoon » : nous avons organisé ensuite une tournée commune, en 2008.
ANR : Revenons à votre musique : Gowy sonnerait sur certaines pistes (« Purple Onion ») comme un mélange entre Zappa et les Red Hot… Tu as, je suppose, d’autres influences à ajouter ?
GF : En tant que guitariste : Steve Vai, Franck Zappa, Mike Keneally et Jeff Beck.
ANR : As-tu une période préférée de Jeff Beck ? Un album ?
GF : J’hésite entre « Blow by Blow » et « Flash » (Rires)
ANR : Il n’y a pas de chanteuse ou de chanteur, pas de chant ou si peu (« Joe »)… Choix délibéré ?
GF : Je ne suis pas bilingue. Et chanter en Français dans Gowy ne conviendrait pas. Je l’ai fait sur « Joe » en raison de son texte, assez rigolo. Mais chanter en Français apporte tout de suite une connotation « Variété française », ce dont je ne veux pas.
ANR : En compensation de cette absence de chant, vous portez un soin assez particulier au choix des intitulés des pistes… Que signifie par exemple « L’apologie du pendrillon » ?
GF : (Rires) Cela parle d’une interdiction qui nous avait été faite par le conservatoire de notre ville, d’utiliser des photos que nous avions prises à l’intérieur (NDA : un pendrillon est un petit rideau de théâtre servant à cacher les coulisses), en nous opposant de façon juridico-sérieuse « le droit à l’image du pendrillon » (Rires)
ANR : « Joe’s Morning », voire « Joe » évoqué à l’instant, seraient-elles les suites de « Joe’s Garage » (NDA : album de Zappa, paru en 1979) ?
GF : Pas du tout non (Rires) Je n’ai pas cette prétention-là ! Joe est un personnage qui a réellement existé, que j’ai connu tout jeune quand je faisais de la musique dans ce qu’on appelait alors des « baloches » : c’était le beau-frère du Chef d’orchestre, un extraverti local qui dansait toute la soirée sans s’arrêter ! Je me suis dit que ce serait rigolo de lui consacrer une chanson !
ANR : Tu as employé à deux reprises le mot « rigolo »… Et justement, certains intitulés, tels « La reblochonnade » ou « Fuck Norris », sont assez amusants. Il y a aussi un interlude avec une mouche (NDA : « Chut !!! »)… Zappa toujours, et en le paraphrasant cette fois, j’ai envie de te poser la question : « L’humour fait-il partie de la musique de Gowy ? » (NDA : « Does Humor Belong in Music ? », vidéo de Zappa en 1985) ?
GF : C’est quelque chose que j’essaie d’amener, en effet, mais qui est très compliqué. Les humoristes disent toujours que faire rire est un exercice difficile, et faire rire en musique me semble encore plus dur ! J’essaie. Parfois cela fonctionne, parfois pas… Et sur scène, le musicien ne veut pas forcément avoir l’air idiot.
ANR : « La reblochonnade » justement, comme « The Favorite Song of Mister Ronald » sur l’album précédent, sonnent plus « heavy » : qu’avais-tu à l’esprit lors de leur conception ?
GF : L’utilisation de la sept cordes ! Je possède pas mal de guitares, que j’utilise en fonction de thèmes précis, et jamais la même deux semaines d’affilée… J’ai écrit ce morceau une semaine durant laquelle je jouais sur ma sept cordes (Rires) J’ai aussi une fretless, accordée un ton en-dessous, ce qui confère cet aspect « heavy » à certains morceaux. J’enregistre aussi sur une vieille Gibson SG, qui me vient de mon père, ainsi qu’avec une guitare acoustique sept cordes confectionnée par le luthier Benoit de Bretagne.
ANR : Tu écoutes quoi comme musique « metal » ?
GF : Du Pantera.
ANR : Cela s’entend, sur le riff de « La reblochonnade », justement…
GF : D’accord…
ANR : Quatre pistes s’intitulent « Welcome to Groningue » (Pt. 1 à 4), pourquoi ce lieu ?
GF : Parce que je suis allé assister à un concert de Steve Vai, puis passé le reste du week-end là-bas ! Mais ces quatre pistes, qui sonnent assez prog’ années 1970, Pink Floyd ou Genesis, n’ont strictement rien à voir musicalement avec Steve Vai…
ANR : Vous avez joué l’automne dernier au Touquet. Quelles seraient dans un futur pas immédiat (NDA : entretien réalisé par téléphone le 5 avril 2020) les échéances scéniques de Gowy ?
GF : Rien. Nous avons fait des présentations et des masterclass en école, c’est tout.
ANR : Pour finir, une question toujours pénible pour le musicien : si tu avais trois albums favoris à choisir, tu prendrais lesquels ?
GF : « Passion and Warfare » de Steve Vai, « Revolver » des Beatles, et « Hot Rats » de Zappa.
ANR : Super. Merci Gowy !