J’ai remarqué que tu étais très fort pour embrouiller les journalistes en leur donnant de fausses informations. Tu aimes contribuer à ta propre légende ?
Tin-tin : Oui c’est marrant de jouer avec ça. Ça m’amuse beaucoup parce que je lance des trucs qui sont vraiment du n’importe quoi et j’en réentends parler des années après. Ce n’est jamais perdu. J’avais dit que j’étais né à Concarneau au Chili. Parce que ça faisait « Chili Concarneau »
Et maintenant tu es né à Nantes…
Tin-tin : Oui, je ne sais pas d’où ils le sortent. C’est pourtant loin de Concarneau… Je suis passé à La Gaulle d’Antoine sur Canal +, ils ont passé un reportage sur la ville de Nantes puis ont annoncé que c’était la ville du tatoueur Tin-tin. Je ne suis pas du tout né à Nantes.
Est-ce que tu pourrais nous parler de tes premiers émois musicaux ?
Tin-tin : Je crois que mes premiers émois musicaux c’était en écoutant la bonne du curé d’Annie Cordy. « Tonton Cristobal », « Le Tord-boyaux », « Allo Olga », tout ça ce sont des chansons de Pierre Perret qui sont moins connues que celle d’Annie Cordy. C’est ce que j’écoutais quand j’étais tout petit.
Sur le coup de 6/7 ans j’ai rapidement écouté Berthe Sylva et Fréhel pour être un peu avance sur mon temps.
Après, à l’adolescence, AC/DC, Madness et principalement les Beatles, qui est quand même le meilleur groupe de tous les temps.
Tu as commencé à jouer d’un instrument à ce moment-là ?
Tin-tin : On ne peut pas dire que je joue vraiment d’un instrument. J’ai chanté un peu avec quelques groupes. Je joue un petit peu de batterie aussi, mais je ne vais pas dire que je suis batteur, parce que je m’y suis mis sur le tard et je n’ai qu’un niveau de débutant.
Tu as tout de même fait un peu de musique avec des groupes, tu peux nous en parler ?
Tin-tin : J’ai fréquenté quelques groupes avec qui j’ai parfois chanté sur des morceaux bonus. J’ai aussi eu un ou deux petits groupes avec des potes. On a fait quelques premières parties. Notamment celle des Ramones à l’Elysée Montmartre. Mais on n’était vraiment pas bons, on a bien fait d’arrêter (rires). J’ai eu des bons musiciens avec moi par contre !
Ce n’est pas rien de faire la première partie des Ramones !
Tin-tin : Oui mais la première partie parfois c’est nul.
On va revenir un peu sur le tatouage. Tu dis que tu as commencé le tatouage pendant ton service militaire à Berlin. Tu peux nous dire quelles étaient tes missions pendant ce service ?
Tin-tin : Je faisais des tatouages principalement, J’avais trouvé une bonne planque. Le service militaire fut tranquille pour moi. Les gens qui partaient à Berlin pensaient aller au goulag, mais je me suis bien amusé pendant un an et je n’ai pas foutu grand-chose, c’était vraiment une colonie de vacances, ce n’était pas vraiment l’armée. Tu vois les champs de batailles, le parcours du combattant ? Bah c’était pas du tout ça. J’avais beaucoup de temps libre, je pouvais tatouer toute la nuit et pas trop en faire voire pioncer la journée.
Tu te tatouais toi-même et d’autres personnes ?
Tin-tin : C’était facile d’avoir des clients. Quand tu commences les tatouages dans les locaux de l’armée, fatalement tu trouves plusieurs personnes par jour. A l’époque, il y avait toujours des gens qui voulaient se faire tatouer et très peu de tatoueurs. Il y avait donc beaucoup plus de demandes que d’offre.
De quel matériel tu disposais à cette époque ?
Tin-tin : J’ai commencé comme tout le monde avec trois aiguilles, des fils autour et de l’encre de Chine. Comme je me faisais tatouer et que j’avais réussi à dégoter une adresse pour acheter du matos en Angleterre, j’ai eu des machines. Quand tu avais des machines, aussi pourries soient-elles, tu avais fait le principal… Mais au début, tout restait à inventer, je devais souder mes aiguilles au briquet, c’est te dire si j’étais vraiment néophyte dans un milieu où tout était à faire.
Tu avais déjà un sens du business et de la débrouille.
Tin-tin : Pour être tatoueur à l’époque il fallait en avoir drôlement envie et il fallait avoir les épaules pour faire ce métier. Tu ne le disais pas aux tatoueurs qui étaient en place que tu voulais être tatoueur, sinon tu risquais fort de te faire virer avec un coup de pied au cul. Il fallait donc être aussi un peu un voyou pour tatouer. Si tu ne l’étais pas tu te prenais vite un coup de pression par ceux qui l’étaient, et tu étais fatalement obligé d’en fréquenter beaucoup. Fort heureusement, ça a beaucoup changé.
Tu as souvent dit que tu as commencé à étudier les œuvres d’art de Raphaël, de Michel-Ange. Mais quelle est l’œuvre qui t’a vraiment marqué ? Ou quelles sont tes réelles inspirations premières ?
Tin-tin : Mes inspirations premières… j’aurais plutôt dit Frank Frazetta. C’est un illustrateur américain dont je me suis beaucoup inspiré au début de ma carrière. C’était une personne dont s’inspirait beaucoup le tatoueur Marcel, qui n’était pas mon maître tatoueur, mais qui m’a donné quelques coups de main. C’est lui qui me tatouait quand je voulais devenir tatoueur. Il m’a ouvert quelques portes.
Tu es parti t’installer à Toulouse et fait pas mal de voyages aux Etats-Unis, quels souvenirs en gardes-tu ?
Tin-tin : J’ai repris une boutique à Toulouse qui avait été ouverte par un mec que j’ai connu chez Marcel. C’est une boutique en plein centre-ville, qui existe encore aujourd’hui. Elle est tenue par un ancien de mes apprentis : Eskimo. Cette boutique est une boutique de tatouage depuis plus de 40 ans maintenant. C’est peut-être bien la plus vieille boutique de France restée en exercice. Je suis resté à Toulouse 6 ans et c’est depuis là-bas que j’ai commencé à voyager pas mal aux Etats-Unis. Quand tu veux bien travailler, il vaut mieux rencontrer les meilleurs. Je suis tout de suite allé voir là bas. Rencontrer Ed Hardy, Kari Barba, Mark Mahoney, Jack Rudy… et tellement d’autres.
Quel a été l’impact de ces premières rencontres sur toi ?
Tin-tin : Le tatouage c’est toute ma vie. Ces rencontres ce sont toute ma vie. Quand j’ai voyagé ça a toujours été pour aller voir des tatoueurs car je ne suis pas trop du genre à bronzer sur la plage. Quand je vais quelque part c’est souvent parce qu’il y a des tatoueurs autour, ça a toujours été mon but premier, ma raison de me déplacer. Dans les années 90, J’ai beaucoup travaillé aux Etats-Unis, j’allais beaucoup à New-York, notamment où je passais 3 à 4 mois par an. Je pense que j’y ai développé une forme de culture du tatouage et des tatoueurs américains. J’ai fait beaucoup de conventions et fréquenté beaucoup de microcosmes différents.
Tu as remarqué une différence de culture, de rapport au tatouage entre la France et les Etats-Unis ?
Tin-tin : C’est pareil partout. Il y a des bons tatoueurs et des mauvais aux Etats-Unis comme il peut y en avoir en France ou à Bali. Il y a des grands artistes partout et des escrocs partout.
Tu as un long parcours, tu as accompli beaucoup de choses, on peut se poser la question de la transmission de ton savoir-faire ? Tes apprentissages qui sont réputés particulièrement difficiles et complets, est-ce que former c’est quelque chose qui te motive ?
Tin-tin : C’est bien de le faire, donc je l’ai fait mais il faut savoir ne pas trop former de gens non plus. Transmettre, c’est bien mais aujourd’hui, il y a tellement de tatoueurs qu’il en a trop, alors les formations ne sont réservées qu’à des mecs super talentueux comme Abdel Pedro mon dernier apprenti… il est là depuis 4 ans…
Tu es devenu l’incarnation du tatouage en France, tu es souvent invité pour parler de ce milieu pour ton expertise mais aussi pour ton côté grande gueule. Comment tu vis ça ?
Tin-tin : Je me suis fait avoir parfois, maintenant j’évite de trop donner mon avis sur les tatouages des gens… c’est une connerie ! Quand on m’a posé une question sur les tatouages de Matt Pokora, derrière j’ai eu 300 mecs qui m’ont insulté sur les réseaux parce qu’ils sont fans de… alors que je n’ai absolument rien contre lui. En fait, il avait averti ses jeunes fans sur le danger de faire tatouer n’importe quoi au moment où il se faisait retirer ses tatouages dans le cou au laser… Un journaliste m’a demandé mon avis, et j’ai juste dit que j’étais qu’il avait bien fait de retirer ses tatouages dans le cou car ils n’étaient vraiment pas terribles. Mais certains journaux aiment bien faire monter la sauce avec des titres accrocheurs…
Le Mondial du Tatouage est devenu un évènement très attendu pour les fans de tatouage et de musique. Tu as réussi à allier les deux avec des programmations éclectiques et de haut niveau. L’année dernière, avec le partenariat avec Philippe Découflé tu as amené l’art de la danse dans de Le Mondial. Tu peux nous dire un mot sur ton approche ?
Tin-tin : « Je m’étais dit que la musique serait la clé de l’amour, de l’amitié ». La musique ça fait partie de tout, pour moi c’était une évidence que la musique avait sa place au Mondial. Et tant qu’à mettre de la musique autant faire les choses bien alors on a choisi de miser sur des gros groupes de scène, qui vont faire venir du monde. Pour moi, c’est ce qui contribue au prestige de l’évènement. C’est aussi ce qui fait que l’on réinvestit tout ce que l’on gagne. La prestation avec Philippe Découflé ou faire venir des gros groupes c’est être prêt réinvestir pour offrir ce genre de prestations au public.
Ta femme Esther c’est aussi la personne qui t’emmène au Hellfest ? Qu’est-ce que tu penses de l’évènement ? Tu peux nous raconter des concerts ou des découvertes que tu as fait là-bas ?
Tin-tin : C’est la personne qui m’emmenait au Hellfest, maintenant je la laisse aller toute seule. J’ai eu l’occasion d’y voir Billy Idol, Ozzy Osbourne ou Aerosmith. Des groupes comme ça tu es content de pouvoir les voir au moins une fois dans ta vie. C’est bien aussi de voir des groupes comme Clutch, Madball ou Agnostic Front. J’aime bien le hardcore Newyorkais. Ma femme est Death Metal à mort, franchement c’est pas du tout mon truc.
Ton truc ce serait plutôt quoi ?
Tin-tin : Je ne suis fermé à rien. J’écoute de la musique africaine, ou des compilations de Radio Nova qui vont te mixer de la Pop, de l’Electro et des musiques du monde. Les nova mix ce sont les meilleures playlists de la terre. C’est une radio tellement qualitative au niveau musical et ce qui est bien c’est que ça part dans tous les sens. On peut entendre du rap mais on ne va pas entendre du rap tout pourri avec des vocoders qui passent sur Skyrock. Tous les styles sont valables en soit, il faut juste une qualité musicale.
Et pour finir, quels sont tes prochains projets ?
Tin-tin : Rien de particulier, je veux juste faire de beaux tatouages. Le projet c’est surtout de ne pas faire faillite et faire un Mondial l’année prochaine mais après 2 annulations ça ne va pas être facile.
Tin-Tin Tatouages
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