Art’n Roll : comment vas-tu, comment va Embryonic Cells ?
Max Beaulieu : Eh bien moi à titre personnel, ça va très bien malgré le contexte actuel qu’on partage tous avec cette saloperie de COVID. Dans ce marasme, Embryonic Cells fait comme il peut avec une vraie frustration de live, c’est évident, qui est partagé par beaucoup de groupes et par le public, les fans de concert en général. Écoute, on fait comme on peut et on essaie de s’adapter.
Art’n Roll : Je vois que vous avez un nouveau label.
Max Beaulieu : On a un nouveau label. On était chez Apathia Records et on était vraiment content d’être chez Apathia Records avec lesquels on a eu une super collaboration mais il y a un climat économique qui est très chahuté et pas très propice aux labels… en fait, Apathia Records a fermé. Donc nous, on s’est retrouvé orphelin de label mais ça ne nous a pas empêchés d’entamer la composition du nouvel album. Et puis, on a rencontré le Label Manager Gérôme Théodore de MusikO -Eye avec qui on a matché… avec qui on s’est reconnu. Il nous a fait une proposition, et maintenant, on fait partie de l’écurie MusikO- Eye et on en est très heureux.
Art’n Roll : On va parler du nouvel album qui est arrivé… il a une production assez crue, on a l’impression que c’est un back to the roots assez primitif ?
Max Beaulieu : Ah ouais ? C’est marrant que tu me dises ça.
Art’n Roll : on a l’impression de retrouver Before The Storm qui date de 2007.
Max Beaulieu : Putain, c’est fou que tu me dises ça, c’est dingue. C’est marrant. Je suis très attentif à ce que tu me dis parce qu’en fait la plupart des retours que j’ai, c’est plutôt le contraire. La plupart des retours me parlent d’une production beaucoup plus professionnelle, beaucoup plus dense avec un son beaucoup plus massif…
Art’n Roll : Attention, c’est très professionnel.
Max Beaulieu : Que tu l’aies ressenti comme ça, moi, je trouve ça tout à fait étonnant, mais je dis « pourquoi pas ». Je suis fasciné par les diverses réactions.
Art’n Roll : Et pourtant, sur le dernier album Horizon qui est sorti il y a deux ans, quand on écoute les derniers morceaux, surtout No Boundaries, on a quand même l’impression que l’album est pratiquement une suite. Est-ce que c’est voulu ?
Max Beaulieu : Comment dire… il y a une passerelle naturelle entre ces deux albums parce que le dénominateur commun ce sont les mêmes compositeurs. Par contre, il y a deux franches différences. La première grosse différence, c’est l’absence de clavier sur Decline qui a rebattu un peu les cartes en quelque sorte, notamment dans le processus créatif… on aura l’occasion d’en reparler. Et puis ensuite, il y a une deuxième franche c’est une évolution vers le chant clair. Le chant clair était plutôt expérimental sur Horizon, notamment sur le morceau No Boundaries que tu mentionnes. Et là, clairement, ce nouvel album fait plutôt la part belle au chant clair parce que je crois qu’il occupe presque 50 % sur le nouvel album. Donc, ce sont deux évolutions très fortes pour Embryonic Cells.
Art’n Roll : Ce nouvel album a quand même un côté épique qu’on ressent, assez grandiose, primitif… un peu comme Katatonia, les chants ressemblent beaucoup à rotting christ ?
Max Beaulieu : Ce sont des références qui me font très plaisir, ce sont des sources d’inspiration qui ont des parcours étonnants.
Art’n Roll : L’album ne contient que 7 titres. C’était voulu ou vous en avez mis de côté ?
Max Beaulieu : En fait, on a composé un peu moins d’une vingtaine de titres sur cet album. Et ensuite, c’est posé la question de l’écrémage et de faire un choix. On a retenu les morceaux par rapport à ceux qui nous plaisaient le plus, ceux avec lesquels on avait le plus d’affinités, et puis aussi, il faut penser aussi à la coexistence des morceaux entre eux. Donc, on a sélectionné un nombre plus rationnel de morceaux parce qu’on ne voulait pas rajouter des morceaux pour rajouter des morceaux.
Art’n Roll : Souvent, moins de titres, ça donne un album plus dense. Tu es d’accord avec moi ?
Max Beaulieu : Je suis comme toi, je n’ai aucun problème avec les albums courts. S’il y a une cohérence de morceaux entre eux, si la coexistence est logique, si elle est limpide, si c’est au service de l’album… un album qui ne fait que 40 minutes, franchement, ça ne me dérange pas.
Art’n Roll : Tu disais il y a deux ans tu n’avais pas encore le son Embryonic Cells, vous avez finalement trouvé votre style ?
Max Beaulieu : C’est compliqué. Sur Horizon, j’ai été très marqué par un certain nombre de critiques, notamment de critiques allemandes, qui disait « ce groupe, on ne sait pas ce que c’est, c’est du thrash, c’est du black, c’est du death… les mecs, ils font une espèce de tambouille et ils ne sont pas capables de proposer un style ». Moi, j’entends ça, je peux comprendre qu’on puisse réceptionner un album comme ça… je comprends tout à fait. Et en même temps, ce côté hybride je l’assume complètement, je le revendique complètement. Moi, en tant que metalleux, j’écoute énormément de groupes de thrash, de Heavy metal, j’écoute des groupes de black dans sa plus grande diversité, j’écoute des groupes de Death… et au-delà. J’écoute énormément de Cold wave où l’on sent un peu l’influence de la Cold Wave sur certains morceaux de Decline. Donc, ce côté hybride, je l’assume complètement. Définir le style d’Embryonic Cells c’est toujours un peu compliqué parce que j’ai l’impression que par essence c’est un style un peu multidimensionnel. Maintenant, pour moi, c’est doublement difficile de commenter le style parce que j’ai un peu la tête dans le guidon…
Art’n Roll : Quand tu es rentré en studio, est-ce qu’on t’a encore torturé ou alors, on t’a dit « bah, c’est bon, tu chantes bien… » ou alors Ya encore du boulot ?
Max Beaulieu : C’est vrai que l’expérience de l’enregistrement du chant sur Horizon c’était une expérience douloureuse, mais c’était une expérience positive. Je ne vais pas dire que l’enregistrement des voix sur Decline était une expérience conviviale et facile pour moi… non, il y a eu de nouveau des obstacles, des questionnements. En fait, on a été une fois de plus formidablement accompagné. C’est Michael KASSAPIAN qui est le responsable du studio Warm Audio à côté de Lyon… et lui, au fur et à mesure de notre collaboration, il est presque devenu un quatrième membre dans Embryonic Cells parce qu’il a vraiment participé au processus créatif. C’était plus qu’une éminence grise, c’était quelqu’un qui nous a incités à prendre des risques, à expérimenter des choses. Alors, on avait des points de convergence et de divergence, mais en même temps, il m’a tout à fait épaulé et encouragé dans l’enregistrement des voix. Donc, ça c’est plutôt bien passé.
Art’n Roll : Du coup beaucoups de styles de voix sur cet album ?
Max Beaulieu : C’est vrai que c’est une volte-face qui est souvent pratiquée chez Embryonic Cells. Et puis là, avec ce nouvel album Decline, c’est l’utilisation d’une troisième voix avec des cœurs, qui investit un autre lexique, qui est beaucoup plus dans le chant clair. Oui, on essaye d’élargir le spectre du chant.
Art’n Roll : En parlant de dark wave comme tu le disais tout à l’heure, on ressent sur From The Shadows, cette voix que tu as et que tu prends entre le doom et le gothique… partir sur un Death metal qui est fabuleux. Ce titre est vraiment à part de l’album, c’est aussi ton avis ?
Max Beaulieu : Oui, tu n’es pas le premier à le dire effectivement. Il y a beaucoup de gens qui trouvent ce titre très singulier.
Art’n Roll : …le son de la basse et batterie sont assez étonnant de votre part ?
Max Beaulieu : En fait, on ne se prive pas d’expérimenter. Sur cet album, on ne sait rien interdit. En fait, le duo basse batterie c’est la base dans toute structure rock, et là, dans le contexte de ce morceau, ça nous a semblé intéressant et pertinent d’exploiter… de ne pas mettre de guitares en fait et de laisser chanter la basse.
Art’n Roll : Le deuxième titre, thermageddon. Vous l’avez changé le titre ou au départ vous n’aviez pas un autre titre ?
Max Beaulieu : Si, c’est bien possible…
Art’n Roll: Kill the God?
Max Beaulieu : Oui… comment tu sais ça ?
Art’n Roll : Pourquoi avoir changé ?
Max Beaulieu : Non, on ne l’a pas changé au dernier moment… je ne sais pas comment tu as cette information, … mais effectivement, le titre du morceau initial c’était Kill the God… mais je ne sais pas où est-ce que tu as cette information-là. En fait, le truc, au moment où on enregistre, il n’y a pas toujours les textes qui sont stabilisés. Simplement, dans un souci de reconnaître les morceaux entre nous et pour pouvoir échanger… parfois, on donne des titres qui sont temporaires. Notamment, sur Thermageddon, le titre primaire « 1.0 » c’était Kill the God.
Art’n Roll : On va parler de You’re So Full Of Fear, le titre majeur de l’album, avec ce superbe clip…
Max Beaulieu : … merci
Art’n Roll : … que vous avez fait, qui a été tourné dans les gorges du Verdon ?
Max Beaulieu : … dans le Vercors.
Art’n Roll : Dans notre dernière interview, tu étais préoccupé du sort des émigrés voulant fuir leurs pays d’origine, ce clip montre un peu la fuite vers un monde meilleur, c’est voulu ?
Max Beaulieu : … maintenant que tu me le dis, oui, il y a un lien, il y a une césure que je n’avais pas forcément établie entre le thème des exilés et des migrants de Horizon, et le thème de You’re So Full Of Fear. En fait, ce clip a été tourné dans le Vercors près de chez moi. Tous les beaux paysages que l’on voit sont dans mon jardin… tous ces chemins de promenade en montagne en fait, ce sont des promenades quasiment quotidiennes. Donc, il a été facile pour nous de faire les repérages comme tu l’imagines. Pour nous, ce titre c’est un challenge parce qu’on a choisi un morceau qui fait quand même plus de 7 minutes faire un clip pour 7 minutes c’est quand même un truc compliqué et puis il faut distiller suffisamment d’indices narratifs pour sauvegarder l’envie chez l’auditrice ou chez l’auditeur d’aller jusqu’au bout. 7 minutes, c’est plutôt compliqué. Dès le départ, pour nous il n’était pas du tout question de faire un clip d’un groupe qui se film dans une usine désaffectée, dans un garage ou dans un champ. J’ai le plus grand respect pour toutes ces productions, elles sont très bien, mais nous, créativement il n’y avait pas beaucoup de challenges, enfin, ça ne nous intéressait pas de faire ça. C’est la raison pour laquelle on a voulu faire un Story telling, une espèce de récit initiatique de ces trois personnes qui s’acheminent vers leur destin… et puis, on ne remerciera jamais assez Timothée Beaulieu qui avait déjà réalisé notre clip précédent, qui nous a donné beaucoup de son temps, qui nous a donné de sa patience, qui nous a donné deux jours de tournage et qui nous a donné son talent de monteur. On ne le remerciera jamais assez. Vraiment, j’encourage tous les groupes à revenir vers lui ou à se diriger vers ce genre de signature de vidéaste parce que je trouve qu’aujourd’hui le clip vidéo est quasiment aussi important que l’album en lui-même. C’est-à-dire que pour moi, une sortie d’album c’est un récit, ce sont des textes, ce sont évidemment des morceaux… mais c’est aussi une image. Dans ma tête, je conçois un peu le clip comme faisant partie intégrante d’un package général. On a fait ce qu’on a pu avec le budget qu’on avait dans le temps imparti qu’on avait. C’est pour ça que ce clip, pour nous, c’était un rendez-vous à ne pas manquer et qu’on avait envie aussi de s’exprimer à travers ce clip.
Art’n Roll : En fait, c’est le dernier titre de l’album que vous avez projeté en avant-première en clip avant la sortie et qui est le plus épique, et surtout la fin qui raconte beaucoup de choses.
Max Beaulieu : Oui, il se passe pas mal de choses dans ce clip…
Art’n Roll : Oui, c’est assez étrange.
Max Beaulieu : … la découverte du corps dans la cabane, je ne sais pas si tu te souviens… les jambes du cadavre qui dépassent.
Art’n Roll : Ça me rappelle le clip Never Let You Fall…
Max Beaulieu : Eh bien en fait, les jambes du cadavre sont jouées par mon fils qui jouait déjà le gamin dans Never Let You Fall, c’est le même acteur mais là on ne voit pas son visage. Oui, il se passe pas mal de choses dans leurs pérégrinations. On a insisté sur les détails, sur les échanges pendant le repas, sur l’attention, sur les phases de sommeil, sur les chutes, sur la fameuse photo… et puis, la découverte de la grotte avec cette espèce de récit initiatique.
Art’n Roll : Et surtout le producteur Timothée, j’ai regardé, il a beaucoup de références ?
Max Beaulieu : Oui, il est très Old School et en même temps complètement inscrit dans la modernité. Ça a été une collaboration très fructueuse. Accessoirement, c’est mon frère…
Art’n Roll : Comment se fait -il que pierre le pape n’est pas participé à l’album ?
Max Beaulieu : Écoute, Pierre Le pape est en fait est une personne très occupée, qui a une actualité débordante, qui jouait dans Embryonic cells depuis 13 ans. Pierre Le pape, c’était une grosse pierre dans le jardin, il était très impliqué dans tout ce qui était créatif. Pierre il a ses propres groupes, il est sollicité par plein de groupes, il a des engagements professionnels qui sont très exigeants. Il a beaucoup d’actualité. En plus, c’est actualité de Pierre Le pape a coïncidé avec moi le projet d’un changement de vie, car j’ai changé de région, j’ai quitté ma Champagne-Ardenne pour aller m’installer dans la Drôme… voilà, et c’est ce qui rendait les choses logistiques très compliquées. C’est la raison pour laquelle d’un commun accord, de manière très sereine, on a décidé de ne plus jouer ensemble. Voilà, mais on est toujours très attentif au parcours des uns et des autres. Pierre, ça restera toujours un pote et une personne marquante dans l’histoire d’Embryonic Cells. Tu sais, j’ai l’habitude de dire que l’histoire des groupes c’est un peu comme les histoires d’amour, c’est-à-dire qu’il y a des hauts et des bas, on se rencontre, on se sépare, on se retrouve, on se quitte, on se retrouve… enfin, tout peut arriver. Pierre, c’est un musicien de talent avec lequel j’ai adoré jouer, avec lequel on a partagé des années assez fantastiques, on a participé à de super bons moments… aujourd’hui, il s’agit d’aller de l’avant. C’est vrai qu’on s’est posé la question « Tiens, est-ce qu’on remet un clavier ou pas ? ». Et puis, on s’est dit que non parce qu’on avait envie d’aller vers un son plus massif et on avait envie aussi d’aller vers des compositions un peu plus « rentre dedans », un peu plus hargneuses… je l’évoque avec toi aujourd’hui, très clairement, aujourd’hui nous sommes à la recherche d’un second guitariste. Je lance mes filets… on a déjà quelques contacts, on a déjà fait quelques auditions. Aujourd’hui on pense que pour occuper le spectre d’occupation laissé par Pierre on a des envies créatives qui sont propices à l’arrivée d’une deuxième guitare. Voilà. La demande est lâchée.
Art’n Roll : Et si un jour vous remettez un clavier, vous ferez appel à Pierre ?
Max Beaulieu : Pourquoi pas. En fait, tout dépend de son actualité, tout dépend de ses engagements avec ses autres groupes, et tout dépend de la logistique qu’on peut mettre en place. Mais, je reprends mon allégorie de tout à l’heure, on ne sait jamais ce que nous réserve la vie.
Art’n Roll : surtout en ce moment. Ça ne doit pas être facile pour vous. Vous n’avez pas de tournées ?
Max Beaulieu : Non, on avait deux projets de tournées pour promouvoir Decline. Un projet en Europe de l’Ouest plus une tournée française. En fait, tout a été arrêté, tout a été paralysé. On n’a aucune visibilité. L’actualité encore toute récente nous montre bien que c’est une situation qui s’installe, qui va durer longtemps. Voilà. Pour le moment on attend, on fait avec et on essaye de reprogrammer des choses pour fin 2021 voire 2022. C’est évidemment pour nous extrêmement frustrant, surtout quand on a envie de défendre ses nouveaux morceaux sur scène. C’est très frustrant.
Art’n Roll : Ton souvenir du Hellfest ?
Max Beaulieu : Franchement, que du plaisir. On a abordé cette séquence assez sereinement. On est monté sur scène en étant très serein. Une très bonne expérience. Ce n’est pas facile, on a bien eu conscience que ce n’était pas facile. En fait, on joue le troisième jour et le troisième jour, le dimanche, les festivaliers sont hyper rincés. C’est quand même difficile de demander à des festivaliers de venir un dimanche matin pour soutenir le premier groupe… alors évidemment, ce n’était pas la grande foule des Main stages mais on a eu un peu de gens, il s’est passé un truc… en tout cas, nous, on a pris énormément de plaisir. On a pu défendre les titres de Horizon. C’est un excellent souvenir. On aimerait vraiment que ça recommence en ayant la chance de remonter un petit peu dans l’affiche pour avoir l’opportunité d’élargir notre audience. Je pense qu’on a une petite carte à jouer, c’est un espoir. Mais on sait que c’est un privilège et que les places sont très chères.
Art’n Roll : Je te laisse le dernier mot, un message à faire passer ?
Max Beaulieu : Merci à toi et à ton média de continuer à soutenir la scène, à continuer de soutenir les groupes quelques soit leur échelle… et puis j’ai envie d’adresser un message particulier à tous tes lecteurs, à tous tes auditeurs… après tout ça, quand cette saloperie de COVID sera derrière nous, j’aimerais vraiment qu’on n’oublie pas de perdre le réflexe d’aller se rendre dans les salles de concert pour aller soutenir les groupes, les petits groupes, les structures, les organisateurs, pour aller soutenir celles et ceux qui prennent des risques et tous les bénévoles que ça implique. On a vraiment hâte, on a tellement hâte.
Art’n Roll : On l’espère. Merci Max.
Max Beaulieu : Merci à toi