Groupe: SETH
Album: « La Morsure du Christ »
Sortie le: 07/05/2021
Label: Season of Mist
Note: 18/20
Je me souviens de la première fois où j’ai entendu parlé de Seth, quand j’étais ado et que je découvrais les méandres de la musique underground, à l’époque où on n’avait pas Internet et qu’il fallait lire des magazines papier pour suivre l’actualité musicale (ouais je sais, je suis un boomer, arrête de me juger et retourne sur Tik Tok, jeune freluquet).
Je n’étais d’ailleurs pas très familier avec le Black Metal, ni vraiment intéressé par ce style à l’époque, mais le nom de Seth, leur imagerie et le fait qu’ils chantent en français m’avait quand-même interpellé. Le BM n’était donc pas un style réservé à une élite norvégienne qui posait pour une photo mal cadrée dans une forêt scandinave enneigée? Je sais, je caricature un peu mais il faut bien admettre que l’iconographie BM est toujours un peu à la limite du kitch pour quelqu’un qui ne connait pas le milieu.
Pas mal d’années plus tard et ayant fini par prendre gout à certains artistes de BM plus récents (oui, je ne vais pas écrire Black Metal à chaque fois non plus, ça va finir par être lourd pour tout le monde et tu as bien compris que je ne voulais pas dire Biscuit Mongol. Cherche pas, c’est le premier acronyme qu’y m’est venu), j’ai donc fini par m’intéresser un peu plus aux grands noms du style et ai découvert que la scène française y était particulièrement active.
Ma première vraie découverte de Seth se fera donc avec leur précédent album « the Howling Spirit » sorti il y a déjà 8 ans au moment où j’écris ce texte. Un disque que j’avais d’ailleurs beaucoup apprécié avec son approche plus moderne, ses passages en guitare classiques, du chant en Anglais, des riffs et des structures moins typés BM qui contrastaient les morceaux, etc. Bref, une excellente découverte.
Nous voici, 8 ans plus tard donc, avec « la Morsure du Christ » entre les mains, annoncé comme une sorte de suite au premier album « les blessures de l’âme ». Exit l’approche plus moderne du précédent disque, nous replongeons ici dans le style qui a fait la renommée du groupe il y a plus de 20 ans : du BM old school épique, porté par des riffs criards, des arpèges au mélodies sombres et lancinantes, des orchestrations classiques et des textes entièrement en Français écrit en alexandrin (excusez du peu).
Le pari est osé autant qu’il est risqué car on pourrait vite tomber dans l’auto-caricature.
Mais je dois bien admettre que la décision de revenir à un composition à l’ancienne fonctionne parfaitement avec ce disque.
Les morceaux s’enchainent sans aucune baisse de qualité et ne m’ont jamais lassé malgré la longueur de certaines pistes allant au-delà des 7min.
Les ambiances furieuses et sombres vous prennent à la gorge et les petits moments de calme laissent juste ce qu’il faut à l’auditeur pour sortir la tête hors de l’eau quelques instants avant de replonger dans les charges soutenues et oppressantes. Le mélange entre passages violents et bruitistes et les instants mélodiques fonctionne vraiment bien et évite ce sentiment de longueur. Je pense par exemple à un morceau comme « Ex-cathédrale », violent et incisif mais offrant un final plus calme et mélancolique ou encore à « sacrifice de sang » et son intro presque doom/dark.
Un soin évident a été apporté au dosage des orchestrations. Celles-ci sont présentes sur quasi l’intégralité du disque mais ne tombent jamais dans la surenchère et sont vraiment là juste pour sublimer les morceaux sans les noyer pour autant. Même si j’avoue adorer l’approche ultra pompeuse d’un Dimmu Borgir dans le style, les orchestrations dans le BM ont parfois tendance à adoucir un peu trop le côté sombre d’une production.
Vu qu’on en parle, je salue au passage la qualité de la production en général qui a su enrober la démarche classique du groupe dans une petite couche de modernité qui évite ainsi à l’ensemble de sonner trop daté et ce malgré son hommage aux sonorités des décennies passées. (J’ai beau faire tous les efforts du monde, j’ai toujours du mal à écouter les vieux groupes de BM qui font volontairement des productions inaudibles).
Je découvre d’ailleurs, en lisant les notes qui accompagne ce disque, un détail qui ne m’avait pas sauté aux yeux quand je l’ai reçu. Ce n’est pas juste « un édifice religieux quelconque en feu» sur la pochette mais bien Notre-Dame de Paris… Pour ceux du fond qui ont vécu dans une grotte ces 2 dernières années et qui ne suivent pas (mais alors PAS du tout) l’actualité, rappelons que celle-ci a été à moitié détruite dans un incendie en 2019 et qu’il s’agit quand-même d’un des plus célèbres monuments catholiques de France.
Vous me direz que ce n’est plus vraiment choquant de voir un édifice religieux en proie aux flammes sur une pochette de Metal (sauf si vous êtes un c*l béni mais, si c’est le cas, pourquoi Diable lisez-vous une chronique de BM ?) mais j’aime le classicisme de cette démarche pour une groupe de Metal extrême français :
Prendre un symbole fort et blasphématoire particulièrement bien ancré dans l’actualité du pays (et pas une référence obscure à un évènement historique trop éloigné pour qu’il ait un quelconque impact).
Peut-être que c’est là juste un détail que seul les vrais puristes remarquerons mais j’aime beaucoup l’intention derrière cette pochette qui colle parfaitement avec l’ambiance de l’album (et si ça peut choquer les cathos extrémistes qui aiment un peu trop les chasses aux sorcières, je salue encore plus ce choix artistique).
Avec ce disque, le groupe réussit son pari de proposer un album de Seth « classique », au sens noble du terme, en reprenant avec brio les codes et les éléments musicaux qui ont forgés leur identité à leur début, sans tomber dans l’auto-caricature. Cette suite est, après plus de 20 ans entre les 2 disques, le digne successeur des Blessures de l’âme.
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