Formé en 1997, et récemment signé chez Napalm Records, le groupe phocéen Dagoba figure au rang des piliers de la scène française. Le 18 février 2022 sortira « By Night », leur huitième album studio depuis 2003. Excellement produit, mélodique et brutal, enrichi d’éléments electro, celui-ci trahit une ambition internationale. Art’n’Roll a voulu relever les compteurs avec Shawter, le chanteur et cerveau du combo. Ce qui fut fait par Skype, dans l’après-midi du 20 janvier 2022. Le lecteur appréciera la percussion ainsi que la franchise de ses réponses.
Art’N’Roll : Salut ! Tous mes vœux Shawter ! Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter de bon ?
Shawter : La santé, la santé pour tous !
ANR : L’actualité de Dagoba est chargée, peux-tu nous la dévoiler s’il te plaît ?
S : Effectivement. Une sortie d’album, pour nous l’année s’annonce intense, dans un contexte particulier difficile à gérer. Nous sommes en train de réaliser la promo qui va avec. Nous espérons également que notre tournée européenne et mondiale aura lieu. Nous avons d’ores et déjà annoncé les dates de la tournée européenne, dont l’organisation demande de notre part un gros investissement logistique, financier et même physique.
ANR : Si tu avais un seul adjectif pour qualifier ce nouvel album ?
S : (Réfléchit)
ANR : Je dirais « ambitieux »…
S : Je suis assez d’accord… C’est ce qu’il ressort des interviews que j’ai déjà fait… Je dirais également « frais » !
ANR : « Massive » serait le qualificatif afin de désigner la prod’…
S : Je suis assez d’accord avec toi… J’y associerais les adjectifs « fine » et « adéquate »… Je suis tombé il y a quelques années de cela sur un album qui se nomme « Melancholia Hymns » par le groupe Arcane Roots, qui s’est malheureusement séparé en 2017, et qui m’a subjugué par la composition, par l’interprétation et par la production. Je me suis renseigné, afin de savoir quel était le génie qui avait réussi à sortir une production d’une telle finesse. Il s’agit de Chris Coulter, un ingénieur du son et producteur londonien, que j’ai contacté, lui exposant que nous avions en gestation un album comme tu l’as dit « ambitieux », et qui dépasserait les strictes frontières du metal. Il m’a répondu qu’il n’était pas spécialisé dans cette catégorie, mais qu’il avait envie de tenter le coup : je lui ai envoyé nos pistes, et cela a très très vite matché. Il a su faire ressortir notre coté heavy tout en mettant l’accent sur les arrangements electro voire classiques afin de donner du sens à cet album.
ANR : « On the Run » est une compo qui mérite le détour : peux-tu nous en parler ?
S : Il s’agit du deuxième morceau que j’ai composé pour ce disque, le premier étant « The Last Crossing ». Bien que calme et différente de ce que nous faisons traditionnellement, ce n’est pas du tout le genre de chanson que l’on compose en dernier afin de meubler un album. C’est au contraire le fruit d’une longue réflexion, c’est en la créant que j’ai pris conscience que nous étions à un tournant de notre discographie, et que ce disque allait nous permettre d’affirmer d’autres choses. En dépit du fait qu’il y a toujours eu des morceaux « clairs » dans notre répertoire, « On the Run » fait cette fois montre de notre ambition. Nous ressentions également l’envie de faire un nouveau featuring, il s’agit du second de notre carrière après « It’s All About Time » sur l’album « What Hell Is About » (NDA : de 2006) : nous avions invité ICS Vortex qui était alors le bassiste de Dimmu Borgir.
ANR : Et cette fois ?
Au moment de poser les voix s’est imposé l’idée d’y adjoindre celle d’une femme, car il nous est apparu qu’avec une voix d’homme uniquement, cette chanson sonnerait « crooner », un peu « Etienne Daho », voire « Depeche Mode », des tonalités graves accompagnées au piano… Tandis qu’avec l’ajout d’une voix de femme, nous parviendrions à l’octave du dessus, et conférerions une certaine « fragilité » au morceau. J’ai donc fait jouer mes réseaux, et j’ai contacté une chanteuse pour laquelle j’avais de toutes façons dans l’idée d’écrire des titres. Et tout a coulé parfaitement.
ANR : L’album « By Night » sort le 18 février 2022, vous serez vraisemblablement en tournée en Allemagne avec les moldaves d’Infected Rain… Un mot à propos d’eux et de Lena Scissorhands leur chanteuse ?
S : Je les connais par réseaux interposés, je ne les ai jamais rencontrés physiquement. De ce que je vois, l’organisation de cette tournée se passe très bien. Ils font partie de cette scène qui a actuellement le vent en poupe, du metal lourd avec une chanteuse à voix grave, elle fait super bien son job, apparemment elle sait tenir une scène, elle a un sacré look, et nous sommes pressés de nous rencontrer, de faire en sorte que cette tournée soit agréable à la fois sur scène et dans le tour bus !
ANR : T’as regardé dans quelle ville vous serez le 18 ?
S : Ce ne serait pas Munich ?!? Attends, je vais te dire ça de suite… Je regarde sur mon téléphone si tu permets… Heu.. On sera à WEINHEIM ! (NDA : date et tournée intégralement reportées pour avril et mai 2022, suite à l’annonce faite par le groupe le 11 février 2022)
ANR : Et quelques jours après, vous enchainez sur quatre dates en République Tchèque : un mot à propos de ce pays d’Europe centrale qui est devenu un bastion metal ?
S : Je connais bien le public tchèque, nous avons fait de grosses dates en Tchéquie avec Sepultura et In Flames, ainsi que des plus modestes dans des clubs en tête d’affiche, quelques gros festivals aussi… Comme tu dis, c’est une belle plaque tournante du metal européen. De ce que je sais, puisque je m’intéresse à la population avec laquelle je communique beaucoup quand je suis en tournée, c’est un peu la « station balnéaire », la destination de vacances de nombreux allemands… Donc cela ne m’étonne pas que la culture metal y soit très présente !
ANR : A quoi penses-tu lorsque tu composes ?
S : En premier lieu, je pense à ce que j’ai fait précédemment afin de ne pas me répéter. En deuxième lieu, à faire la musique que j’ai envie d’entendre et que je n’entends pas chez les autres. Et en troisième lieu, j’essaie de contenter mon état d’esprit du moment : si j’ai envie de martialité ou de noirceur, je le fais transparaître dans la composition, idem si j’ai envie d’être joyeux, fluet, gai. J’ai envie d’être honnête avec mon humeur à l’instant T.
ANR : Dans quelle mesure l’humour imprègne-t-il vos compos ?
S : A zéro pourcent. Je déteste l’humour dans la musique.
ANR : A qui as-tu déjà pensé sur scène ?
S : A mes fils. Certains moments sont tellement intenses physiquement, que je me dis que je n’ai pas envie de crever sur scène (Rires)
ANR : As-tu parfois le sentiment du devoir accompli ?
S : A chaque fois que j’appuie sur « Control S » à chaque fois que j’ai fini d’enregistrer un riff, une partie synthé ou de voix.
ANR : Quels sont tes meilleurs souvenirs avec Dagoba ?
S : Ils sont très très nombreux. Je dirais… Heu… Les voyages qui m’ont surpris. La motivation, au tout début de Dagoba n’était pas d’être milliardaires en venant de Marseille et en faisant du metal, mais d’être milliardaires en souvenirs, et en bons souvenirs. Dans cet objectif, les voyages représentaient quelque chose de vraiment impératif. Faire voyager ma musique et faire voyager mon groupe. Physiquement et à travers le Monde. Je pense être récompensé. Nous avons joué dans des pays que tout le monde connaît à travers les films notamment, par exemple à New York ou au Japon, et à ce titre nous n’avons pas spécialement été surpris de par ce que nous y avons vu. On sait à quoi s’attendre, en dépit du fait que cela va être incroyable. Je suis en revanche allé avec Dagoba dans des endroits plus inattendus, et j’ai été subjugué, je pense notamment aux iles des Açores, je pense à La Réunion, je pense à la Russie, je pense à l’Irlande, je pense à la Chine. Nous avons découvert la Chine lors de notre dernière tournée : ils sont arrivés à un tel niveau de développement que nous avons vu le futur. Bien entendu, il ne s’agit pas de mettre un accessit à tel ou tel pays ou à tel ou tel gouvernement, ce n’est pas le sens de mon propos, mais je réponds là à ta question : partir dans l’inconnu et être surpris à ce point.
ANR : Si tu avais à dresser un état des lieux du metal français, que dirais-tu ?
S : Bilan mitigé. D’une part, très content que de plus en plus de groupes se fassent la part belle à l’international. D’autre part, un peu moins content de la domination en interne de groupes engagés politiquement, qui trustent le marché français. Lorsque nous avons commencé, c’était le rap metal à textes engagés à tendance franco-française qui faisait la une des magazines. Je me rends compte qu’aujourd’hui rien n’a changé sur ce point et que les mêmes continuent à se tailler la part du lion. Artistes et fans confondus, je constate que les gouts n’ont pas changé, et je considère que cela devrait évoluer. La scène française devrait être davantage fière et mettre en avant les groupes qui se décarcassent afin d’exporter la culture française à l’étranger.
ANR : As-tu rencontré tes idoles de jeunesse ?
S : Oui.
ANR : Dis-moi lesquelles…
S : Metallica.
ANR : Nous parlions d’Infected Rain, tu écoutes quoi comme groupes récents en ce moment ?
S : Rien. Ce n’est un secret pour personne : lorsque je rentre en phase de composition, je n’écoute plus du tout de metal, de tout ce qui peut être « guitare saturée » ou « double grosse caisse », afin de ne pas être influencé. De la composition à la sortie de chaque album, je fais en sorte de me détacher de tout ce qui est production contemporaine. Je redécouvrirai le monde en dehors de ma caverne après.
ANR : Quel est ton groupe ou artiste non metal préféré ?
S : Heeeeuuuuuuuuuuu… Je vais dire Queen…. Allez : Queen !
ANR : As-tu une citation préférée ?
S : « Ils ont voulu nous enterrer, ce qu’ils ne savaient pas c’est que nous étions des mauvaises graines ».
ANR : Pas mal du tout ça… Elle provient d’où celle-là ?
S : Mexique.
ANR : Nous savons que le nom « Dagoba » est une référence au système Dagobah où vit Yoda dans la première trilogie Star Wars… As-tu un avis sur les dernières créations de la saga ?
S : J’ai moyennement aimé la deuxième trilogie, par Lucas. J’ai adoré tout ce qu’a fait Disney.
ANR : Y compris les prequels et compagnie ?
S : Oui, Rogue, Solo, Le dernier Jedi, Mandalorian…
ANR : Boba Fett ?
S : J’attends que la série soit complète afin de tout regarder d’un coup.
ANR : Est-ce que je peux te laisser le mot de la fin ?
S : Merci à toi tout d’abord. J’encourage les fans à écouter puis à acheter « By Night », si l’album leur plait : nous avons tout donné pour vous présenter un album de qualité, mais privés depuis deux ans de l’argent des tournées, nous avons désormais besoin de celui des ventes de disques afin de compenser.
ANR : Merci à toi.