« Freyrs blod », « Ulvhjärtat », « Adils fall », « En snara av guld », « Stridsgalten », « Auns söner », « Vitta vettr » et « Hågkomst av ett liv » forment « Ynglingaättens Öde », le (très correct) nouvel album des folkeux suédois de Månegarm, dont la sortie s’opérera chez Napalm Records le 15 avril de l’an de Grâce 2022. Force et courage, donc, au chroniqueur qui n’a guère opté pour Vieux Norrois en LV2. Le 17 mars 2022 en fin de journée, ANR s’est enquis par Skype du temps qu’il faisait sur la côte orientale de la Suède, mais pas que…
Art’N’Roll : Salut Erik, quel temps fait-il à Norrtälje ?
Erik Grawsiö (Chant) : Pas mauvais… Nous avons un début de printemps… Finalement ! Quelques degrés supplémentaires et un peu d’ensoleillement… Ça fait du bien ! J’attends à présent l’été.
ANR : Ce n’est pas vraiment ensoleillé ici à Paris : c’est GRIS.
EG : D’accord (Rires)
ANR : Le 15 avril prochain Månegarm sort son dixième album studio intitulé « Ynglingaättens Öde » (NDA : accent inapproprié)
EG : (Rires)
ANR : Oui, je sais, je suis français… Ce qui veut dire « Le destin de Ynglinga kin » ou plus précisément « Le destin de la Dynastie Ynglinga »… Peux-tu nous exposer tout cela s’il te plaît…
EG : Certainement. La Dynastie Ynglinga fût une dynastie de rois. Ce disque est un concept-album qui est fondé sur des poèmes scaldiques, lesquels datent probablement des années 1180, peut-être même plus anciens… Ces poèmes contiennent cinquante-cinq versets relatifs aux vies, aux œuvres, aux lois, aux guerres et aux morts de ces rois. Vingt de ces rois environ furent suédois, avant que cette lignée ne se poursuive dans d’autres contrées, principalement la Norvège. Retrouver des traces de cette dynastie s’avère parfois difficile. Notre disque se concentre sur la branche suédoise de celle-ci, certains de ces souverains ont d’ailleurs une chanson qui leur est entièrement consacrée.
ANR : Harald est issu de cette dynastie, non ?
EG : Qui ça ?
ANR : Harald aux longs cheveux ?
EG : Oui oui !
ANR : Mais il était norvégien donc…
EG : Exactement, Harald est issu de la branche norvégienne, donc nous n’en parlons pas. Le dernier représentant de la branche suédoise fut Ingjald illråde, nous lui consacrons à cet égard la chanson « Ulvhjärtat », qui est la deuxième piste de notre disque.
ANR : « Ynglingaättens Öde » est composé de huit morceaux, tous d’une durée de quatre – cinq minutes environ, sauf « Freyrs blod » le premier d’entre eux, qui dure plus de dix minutes : ce n’est guère banal de commencer un disque par le morceau le plus long, non ?
EG : Oui, j’admets que c’est un peu foufou (Rires) Commencer un disque par le morceau le plus long n’est effectivement pas banal ! Mais d’un autre côté, « Freyrs blod » est un morceau que l’on peut diviser en plusieurs parties, des blast beats, des chœurs, une partie acoustique, ainsi qu’une introduction dans la veine typique de ce que Månegarm est capable de réaliser…
ANR : Tu as employé le mot « concept-album » tout à l’heure : est-ce que « Freyrs blod » est une « concept-song » ?
EG : Tout à fait, c’est une chanson-concept tout comme ce disque est un concept-album ! D’une part parce que cette première chanson, contrairement aux sept autres, ne traite pas d’un roi spécifique : « Adils fall » par exemple relate l’histoire du roi Adils, lequel a vécu au sixième siècle. Cette première chanson au contraire est consacrée à l’ensemble des souverains auxquels nous n’avons pas dédié de chanson à part entière ! « Freyrs blod » contient une ligne à propos de chacun de ces rois.
ANR : Qui est Freyr, dont vous évoquez le sang ?
EG : Freyr n’est pas un roi, mais un dieu nordique. Je présume que son esprit a eu une grande influence sur la façon dont ces rois ont gouverné la Suède.
ANR : Le hasard fait que le clip de « En snara av guld » est diffusé pour la première fois aujourd’hui à 16 heures CET, c’est-à-dire dans quinze minutes !
EG : (NDA : lève le poing) OUAIS ! (Rires)
ANR : Quelle est cette voix féminine qui se détache des chœurs à la fin de ce morceau, « En snara av guld » ?
EG : C’est ma fille. Elle a quatorze ans et demi. Je ne peux pas être plus fier (Rires) C’est vraiment cool. Et l’autre chose toute aussi cool étant que mon autre fille joue un rôle dans le clip qui sort aujourd’hui ! Ma plus jeune chante, et la grande joue (Sourire)
ANR : Félicitations. Et qui est cette femme en duo avec toi sur la ballade « Hågkomst av ett liv » (« Souvenir d’une vie ») ?
EG : Il s’agit d’une grande vocaliste ainsi que d’une grande amie, nous sommes allés à l’école ensemble : son nom est Ellinor Videfors. Elle apparaît sur nos deux derniers albums au moins, si ma mémoire ne me trompe pas. J’aime sa voix, la tonalité de celle-ci est faite pour notre musique. Je lui ai proposé de chanter sur cette ballade, elle a dit oui, et elle fait du bon boulot !
ANR : « Auns söner » met la guitare en avant… Elle sonne presque black metal non ?
EG : Oui, je vois ce que tu veux dire ! La guitare sur ce morceau est joliment saturée. Il s’agit d’une chanson relativement basique qui contient trois plans de guitare : le principal, celui du pont, et celui des refrains. Nous avons été influencés par nos amis norvégiens d’Einherjer, avec lesquels nous avons tourné en 2019. J’aime ce qu’ils font, et je me suis inspiré de leur morceau « Nidstong », sur lequel nous avions boeuffé ensemble lors de cette tournée, afin de composer « Auns söner ».
ANR : « Auns söner » signifie « Les fils d’Aun »… Je suppose qu’il s’agit de ceux d’un roi de la Maison de Ynglinga…
EG : Oui, cette chanson parle des fils d’un roi dont le nom était Aun. Cette histoire est horrible et terrible, ses paroles sont réellement sombres. Le roi Aun a vécu très vieux, et afin de gagner davantage d’espérance de vie il a signé un pacte avec Odin : à chaque sacrifice d’un de ses dix fils, il vivra dix années supplémentaires. Du coup, tous les dix ans, Aun assassinait un de ses fils, et ce, jusqu’à ce qu’il ne lui en reste plus qu’un seul au crépuscule de son existence. Et Aun ne put sacrifier le dernier de ses fils, étant donné qu’un roi doit obligatoirement conserver un descendant male afin de se garantir un successeur. En conséquence de quoi, ce vieillard mourut finalement. C’est une histoire bien barrée (Rires)
ANR : Amusant… Depuis vingt-cinq ans que vous brassez les thèmes, les contes de la mythologie nordique, vous devez éprouver de plus en plus de mal à en trouver de nouveaux non ?
EG : Oui… Tu es en droit de la penser… Pourtant, il existe tant de sagas, d’histoires et de mythes, mais également de poèmes, que nous aurons encore beaucoup de sources d’inspiration. C’est désormais Jacob Hallegren, notre batteur depuis onze ans, qui est en charge de l’écriture des textes, et il exerce la profession de professeur d’histoire, son approche est historique, il nous reste donc plein de choses à explorer (Rires)
ANR : Qu’as-tu appris durant l’enregistrement de cet album ?
EG : Ahem… Qu’ai-je appris… A quel point la chose musicale compte dans ma vie. Je suis réellement heureux d’avoir pu composer et enregistrer de nouveau après la pandémie. Ce fut comme une thérapie, ce groupe est ma seconde famille.
ANR : Quels sont les groupes, notamment de pagan et de viking metal, desquels Månegarm se sent le plus proche ?
EG : Le groupe dont nous nous sentons les plus proches, et nul doute que ceux-ci diraient pareil de nous (Rires) est le groupe suédois Ereb Altor. Nous apprécions beaucoup ces types. Nous avons joué et tourné plusieurs fois ensemble et ce fut à chaque fois un grand moment. Ce sont des gars fantastiques, c’est mon choix (Rires)
ANR : Sais-tu qu’en Bretagne, un « pagan » désignait tout simplement un non chrétien ?
EG : Je ne savais pas, c’est le même mot qu’en anglais…
ANR : En fait, cela provient du latin « paganus » signifiant « païen »… Tu portes un t-shirt des Dropkick Murphys… Beaucoup de moments sur cet album font montre d’une parenté entre la musique traditionnelle celtique et la vôtre (« Stridsgalten » par exemple), es-tu d’accord ?
EG : La musique folk scandinave, suédoise, est effectivement très proche de la musique celtique, irlandaise surtout, même si certains érudits parviennent à saisir les différences entre elles.
ANR : Connais-tu la musique bretonne ?
EG : Non.
ANR : Alan Stivell…
EG : Non, j’écouterai…
ANR : Sur cet album, comme sur tous vos albums depuis « Nordstjärnans Tidsålder » le premier publié en 1998, Månegarm évoque les combats et le sang viking… Pourtant, les amateurs de viking metal, à l’image de la quasi-totalité des scandinaves, sont parmi les gens les plus pacifiques et charmants en ce bas monde… Plein d’empathie… As-tu une opinion quant à ce contraste ?
EG : Je ne sais pas… Probablement parce que les temps ont changé… J’ajouterai que nos textes relèvent de la fiction, ils servent à aider les gens à rêver, à rêver de batailles épiques… Comme tu l’as dit, les personnes que j’ai rencontrées et qui vivent autour de moi sont charmantes et sympathiques…
ANR : Quel est l’endroit du Monde nordique que tu préfères ?
EG : Ouh ! Je ne sais pas. J’aime beaucoup le Pôle Nord, même si je n’y suis pas beaucoup allé. Pär Hulkoff, qui est le chanteur des groupes Raubtier et Hulkoff, et qui fait une apparition sur notre nouveau disque, vit dans les forêts septentrionales de la Suède, j’adore regarder les photos cool qu’il poste sur son Facebook !
ANR : Retour à la musique : quel est le dernier disque suédois que tu as écouté ? Le dernier At the Gates (NDA : « The Nightmare of Being ») ? A moins que ce ne soit « Impera » de Ghost, qui est sorti le 11 mars dernier ?
EG : Le dernier disque suédois que j’ai écouté ?!? Hmmmmmm… Les Hellacopters !
ANR : Attends-tu le prochain Arch Enemy ?
EG : Naaaaaaaaaa… Pas spécialement, non, mais cela pourrait être intéressant néanmoins…
ANR : Pour finir, je suis à Göteborg dans deux semaines, as-tu un ou deux conseils de lieux à visiter (ou autres) à me donner ?
EG : Ah cool ! (Rires) Göteborg est assez éloigné de chez moi, je m’y suis rendu quelquefois.. Nous devions justement y jouer début avril. Au printemps, dans le Sud de la Suède, le temps est plus clément que par chez moi, donc tu devrais y voir un agréable Göteborg… Il y a pas mal de restaurants ainsi que des concerts rock… Ahhhhhhh et il y a un restaurant qui est tenu par les membres du groupe In Flames, je ne me souviens plus de son nom… Je peux t’envoyer les références par écrit, je crois que ce sont deux ou trois des membres d’In Flames qui le gèrent, la nourriture est super à ce qu’il paraît… Voilà, tu l’as ton conseil !
ANR : C’est pas mal… Merci Erik… Un petit mot de la fin ?
EG : Nous sommes très satisfaits de notre nouvel album, et espérons que notre public français le sera également… Vous pouvez également regarder le clip de « En snara av guld ». Merci à toi !
PS : deux minutes après, un petit mot est adressé par Skype: « The restaurant is called ”2112” and was founded by the In Flames members Peter Iwers och Björn Gelotte. Never been there myself but maybe it’s worth a visit 😊🤘 ». Des chics types ces vikings, décidément.