Auteur : Ozzy Osbourne
Titre : Patient Number 9
Label : Epic Records
Sortie le : 9 septembre 2022
Note : 17/20
9 septembre 1969 : Black Sabbath débute au Top Rank, une salle de bal sise à Hanley commune de Stoke-on-Trent, sa tournée « Black Sabbath » baptisée du nom de leur premier 33 tours qui sortira le 13 février 1970. La seconde date sera Birmingham, ville natale des trois instrumentistes moustachus ainsi que de leur chanteur Ozzy Osbourne. Les quatre amis y reprendront le classique d’Eddie Floyd « Knock On Wood ». Le jour-même, Jimi Hendrix est retransmis au Dick Cavett Show, sa première télévision américaine. Et ma jeune mère poursuit son fastidieux stage à la Paierie générale de la Préfecture de Police de Paris. 9 septembre 1972 : après avoir inventé en trois disques un genre musical, Black Sabbath passe au Municipal Auditorium de Mobile, une bourgade de l’Alabama ayant légué moult vies humaines sur nos plages de Normandie. Ozzy et ses trois associés viennent y défendre « Vol. 4 », leur quatrième et intemporel chef-d’œuvre, lequel sortira dans seize lunes précisément… Mon ex-chevelu de Père entame quant à lui son cinquième mois de service militaire en tant que Chasseur alpin à Barcelonnette. 9 septembre 1978 : la première vague du hard rock se lambine tel un vieux chien arthritique, maltraitée par les excès ainsi que les diverses sonorités (plus ou moins) rebelles émergentes. C’est donc un Black Sabbath en fin de parcours qui fait ce qu’il peut à Baltimore ce soir. D’ailleurs Ozzy se fera remercier par des partenaires excédés dans moins de cinq mois ; après un ultime crochet hexagonal, effectué au Palais des grottes de Cambrai le 20 octobre (Van Halen en ouverture). Les Stones sortent le même jour « Beast of Burden » issu de leur « album disco » ; tandis qu’une formation locale assure la première partie des « punks » de Stranglers à Dublin : U2. Vêtu d’une chouette salopette, je rentre en première section de maternelle à Bondy ; Goldorak est diffusé depuis une semaine à la télévision française. 9 septembre 1981 : de retour aux USA, Ozzy Osbourne se produit à Tampa Bay sur la tournée de promotion de son fabuleux premier album en solitaire « Blizzard of Ozz », épaulé par un backing band de toute beauté, d’où brille de mille feux un jeune technicien au physique d’un Mick Ronson heavy metal : Randy Rhoads. Je viens de rentrer en classe de CP. 9 septembre 1986 : un peroxydé Ozzy fait montre à l’Omni Colisée d’Atlanta de toute sa grandiloquence sur la seconde branche de l’« Ultimate Sin Tour », tournée mondiale d’un an du nom de son quatrième disque studio. Ce n’est pas le Metallica de Cliff Burton qui a l’honneur d’en assurer la première partie, mais les renfrognés progueux de Queensrÿche. Pendant ce temps, je regagne ma turbulente classe de sixième avec le bicross bleu métallisé que l’on m’a offert pour mon onzième anniversaire. 9 septembre 2010 : Ozzy affiche soixante-et-un an, il n’a pas changé physiquement depuis des lustres, et ouvrage son « Scream World Tour » à Helsinki au Hartwall Areena. Nicolas Sarkozy étudie une rencontre avec Benoît XVI pendant que la Brigade financière se rend au siège de l’UMP… Cela fait deux ans que je suis à mon compte. 9 septembre 2016 : un Black Sabbath reformé résume sa carrière à l’Isleta, un amphithéâtre en plein air situé à Albuquerque au Nouveau-Mexique. C’est la tournée « The End ». La dernière en toute logique. Je les ai vus le dimanche 19 juin la même année au Hellfest, en compagnie de mon ami Matthieu (né en 1989). 9 septembre 2022 : je m’octroie une journée de repos. La veille, un Ozzy de retour depuis quelques jours sur la terre de Saint-Georges a « tweeté » à 19 heures 43 sur le réseau social éponyme « With a heavy heart I say it is devastating the tought of England without Queen Elisabeth II ». La Reine est morte après soixante-dix ans de règne, mais le Prince des ténèbres publie après cinquante-trois ans du sien (et à soixante-treize ans de son âge civil) son treizième album solo et studio, intitulé « Patient Number 9 »…
« Patient Number 9 » aurait commencé à être écrit pas moins de quatre jours après la sortie du peu intéressant « Ordinary Man » en février 2020. Son compatriote et autre grande légende immortelle Elton John avait contribué aux piano et aux chœurs sur le titre du même nom. Encore une bonne idée de Sharon… Derechef sur cet opus, mais en plus spectaculaire encore : Eric Clapton (guitare), Tony Iommi (guitare), Mike McCready (guitare), Jeff Beck (guitare), Josh Homme (guitare), Duff McKagan (basse), Chris Chaney (basse), et le néo-ange Taylor Hawkins (batterie) y figurent en leurs qualités d’invités. De ce fait, « Patient Number 9 » s’ajoute à la liste des albums, tels « Hey Stoopid » d’Alice Cooper, « Identités » d’Idir, ou « Liaisons dangereuses » de Doc Gynéco, gorgés d’une pléthore de prestigieux guests… Il est certain qu’Ozzy avait besoin de renfort afin de parfaire sa riche épopée. Nombre de morceaux sonnent effectivement déjà entendus, le dernier effort original et inspiré du Madman demeurant « Ozzmosis » (1995) ; mais les apports extérieurs surtout guitaristiques sont inestimables. En plus de la circonstance qu’il s’agira très probablement du dernier LP d’une carrière à nulle autre semblable, ces multiples témoignages instrumentaux font tout l’intérêt de celui-ci. La fine et contemporaine production d’Andrew Watt dans une certaine mesure également. « Patient Number 9 », le premier titre, commence de façon cinétique (terme très à la mode dans le monde du metal des années 2020) : du chuchotement à la « Steven » (de l’autre grand ancien cit. supra…), des rires dérangés, de la folie, quelque chose d’HP ; son chant sur le premier couplet sonnant telle une comptine anglaise, accent marquant comme un retour à ses sources au crépuscule de son existence. Si le chant possède un zeste de « My Little Man » (1995), les parties de guitares sont diversifiées et splendides. Signées Jeff Beck. Un des créateurs du hard rock circa 1968. Le troisième morceau se nomme « Parasite » ; il est indéniable qu’Ozzy savait que l’intitulé était déjà pris (et le titre repris). Mais Ozzy s’en moque. « Parasite » a des faux-airs d’Alice in Chains, et l’on en vient à se demander pourquoi Jerry Cantrell (un des plus illustres et appliqués disciples de Black Sabbath) ne figure pas dans la liste des conviés. L’ensemble des treize pistes correspond aux mêmes canons : une pioche ici et là dans le passé, pour ce qui ressort des intonations (« No Escape From Now » rappelle « I Just Want You », et « A Thousand Shades » « Ghost Behind my Eyes »), mais aussi des riffs (« One Of Those Days » c’est « God is Dead » sur « 13 » de Black Sabbath, et « Evil Shuffle » c’est carrément « War Pigs » !). Tout est embelli par des riffs, solis et fioritures de classe internationale. Éric Clapton enflamme le très US « One Of Those Days », c’est brutal de l’écrire mais il n’a jamais sonné aussi bien depuis Cream. Zakk Wylde, l’employé du mois depuis mai 1987, donne tout ce qu’il peut donner à son révéré patron sur le solo de « Nothing Feels Right ». Un harmonica gazouille par ailleurs sur « Degradation Rules », non sans faire penser à celui de « The Wizard », le deuxième morceau du premier album de Black Sabbath. Et ce repas luxueux se termine sur « Darkside Blues », autre retour au bercail de John Michael Osbourne, un blues bizarre, lequel n’aurait pas dépareillé sur « Beggars Banquet » ou « Exile on Main Street »… Ma chanson favorite est le surprenant et rafraichissant « Dead and Gone », un mid-tempo aux sonorités hard FM, rappelant qu’Ozzy a en outre contribué à définir un certain metal au mitan des années 1980. Il en résulte un album plaisant, distingué, rupin, et (très certainement) testamentaire ; pouvant (devant) être recommandé aux néophytes d’Ozzy Osbourne. Ainsi qu’aux chipoteurs du médiator et de la console. « Le temps efface tout, et à la fin, il ne reste que les ténèbres » (Stephen King).