Cela fais bientôt 6 ans qu’ on attendais la suite de ‘ BALL TRAP’ !!!
2022 grand retour de Malemort avec un album qui fera date dans l histoire.
chapeau bas !
place au maitre : Xavier Malemort.
interview réalisé le 09 septembre au black dog café
Merci à Roger de replica promotion.
Art’N Roll : Salut Xavier, je suis très heureux de te recevoir.
Xavier : Merci beaucoup. C’est sympa de trouver le moment de venir.
Art’N Roll : On pourrait rester des heures à discuter de ce nouvel album.
Xavier : C’est gentil !
Art’N Roll : À un moment, je ne sais plus quoi… j’ai trop d’informations, j’ai tellement fait de recherches sur ce qui s’est passé dans ce fameux château. On va y revenir, on ne va pas aller trop vite. Donc, comment ça va déjà ?
Xavier : Moi, ça va bien. Là, ça va mieux, parce que ça a été un processus très difficile, on a poussé l’exigence à ses limites. On avait envie de créer – ça fait un peu cliché de dire ça – mais, l’album ultime de Malemort. On avait conscience que les gens avaient trouvé Ball Trap bien, mais nous, intérieurement on avait le sentiment de pouvoir faire mieux.
C’était notre sentiment, vraiment une conviction profonde, et dès la sortie de Ball Trap pourtant ; donc, il ne fallait pas qu’on se rate.
Art’N Roll : Ce troisième album c’était un peu l’album où on vous attendait au tournant. Tu as ressenti vraiment ce truc ?
Xavier : Oui. Notamment quand tu as un premier album qui plaît bien dans un petit milieu de connaisseurs, que le deuxième, tu arrives à faire prendre la sauce et que ça t’ouvre vraiment un public plus large. Tu sais que le troisième peut être celui du retour de bâton. Mais, là, je ne vois pas comment ça pourrait être ça ? parce que je pense qu’on a réussi notre mission, il me semble, enfin, c’est ce que je ressens.
Pour te répondre, oui, je me sens vraiment libéré. Parce qu’enfin les chansons accèdent aux auditeurs et c’est la vraie vie d’une chanson, c’est le moment où chacun commence à se l’approprier. Cette fois on a mis en place un système de prévente et on a eu la chance de pouvoir l’envoyer à tous les souscripteurs qui avaient commandé. Ça fait quelques jours qu’on a les retours en interne des gens qui ont reçu tout ça et qui nous envoient plein de messages, sur : comment ils reçoivent l’album, comment ils le ressentent, leurs premières impressions, et, c’est hyper touchant parce que, tu vois en fait, pour moi, c’est vraiment le moment où l’album finit de se créer. C’est le moment où, clac ! chacun en fait quelque chose pour lui, et là, c’est ce qui est en train de se passer. Donc, voilà, je me sens crevé, mais libéré.
Art’N Roll : Apparemment l’album devait sortir au mois de janvier, février il y a eu du retard ?
Xavier : Oui, oui. Alors c’est dû aux circonstances diverses et variées qu’on a tous connues. Parce que globalement, il est prêt depuis assez longtemps quand même. Il ne me serait pas venu à l’idée de proposer à des gens qui nous aiment bien, qui sont prêts à mettre de l’argent comme ça pour acheter tout un lot, quelque chose qui n’existait pas ou qui n’existait pas encore beaucoup. Quand on a proposé ça, l’album était mixé, masterisé, une partie du merchandising était déjà dessinée. Pour moi il s’agit d’un contrat de confiance, à un moment donné je ne me serais pas senti de demander aux gens d’investir dans quelque chose dont je ne peux par certifier qu’il sera bon.
Voilà, donc ça fait un certain temps que l’album est prêt.
Art’N Roll : Oui. Donc il fallait le bon moment pour le sortir et il valait mieux patienter un petit peu.
Xavier : Oui. Moi j’ai vu quelques groupes sortir leurs disques parce qu’ils en avaient marre d’attendre et il y en a certains qui ont eu tort.
Art’N Roll : Là, c’était le bon moment ?
Xavier : En tout cas, je pense que c’est le bon moment.
Art’N Roll : On a vu un premier clip. Alors avant de parler du château d’Hérouville, on va parler de cet hommage à Michel Magne. J’ai été quand même surpris parce que tu es jeune et Michel Magne c’était mon enfance à moi ? ( Michel Magne ,grand compositeur de films )
Xavier : Oui. Oui.
Art’N Roll : C’est un personnage atypique qui t’a marqué ?
Xavier : Oui, il m’a totalement marqué.
Art’N Roll : Par la musique ?
Xavier : Par la musique et puis par ce qu’il était ! Parce que, Magne, je connaissais sa musique sans le savoir. Par exemple, je suis un fan invétéré du film Un singe en hiver. Il y un a certain nombre de films dont je suis amoureux et dont il a fait la musique.
Xavier : Et c’est en travaillant et en découvrant le château d’Hérouville, qui est à trois bornes de chez moi, que j’ai percuté que c’était Michel Magne. Je me suis replongé dans son œuvre, que j’ai découverte, et dans tout ce qu’il avait écrit. J’ai ensuite découvert sa vie, remplie de frasques et de choses étonnantes, parce que c’est un personnage hors normes…
Xavier : Tu vois, en interview tout à l’heure quelqu’un me disait : « il y a deux personnages dans ce disque, il y a vraiment Michel Magne et le château. » Il y a tous les autres personnages, mais ce n’est pas faux, parce que finalement, ce sont deux personnages, dont l’un a finalement réussi à bouffer l’autre : le château a fini par bouffer Michel Magne.
Art’N Roll : Tu penses qu’il y a une malédiction autour de ce château ?
Xavier : Je ne dirai pas une malédiction, mais en tout cas… Non, mais je peux comprendre, le château me fascine. Il y a un côté presque, qui échappe à la rationalité. À un moment donné, ma femme m’a dit, pendant les moments les plus durs de la conception : « Mais, Xavier, ce château il va te tuer ! » tu vois ?
Xavier : J’ai eu la chance de le visiter, parce qu’il ne se visite pas normalement, c’est le propriétaire actuel qui m’a accordé ça, parce que je l’emmerdais depuis un petit bout de temps avec mes questions. Et, il n’y a rien à faire, il y a une ambiance très étrange dans ce château ! Ça je l’ai gardé un peu en moi pour pouvoir créer aussi, ça a été très bien, et voilà un peu où on en est.
Art’N Roll : Tu es aussi passionné des films de Jacques Deray. On le voit déjà par ton look, très années 20 jusqu’aux années 50, d’où vient cette passion ?
Xavier : J’aime beaucoup…
Art’N Roll : Ça t’a été transmis ?
Xavier : Non. C’est moi, au fur et à mesure du temps, qui me suis rendu compte que c’est ce qui me plaisait. Chaque époque a ses horreurs et ses mochetés, mais j’aime la forme d’élégance de cette époque, et puis aussi, le côté parole donnée, sens de l’honneur, qu’il y avait encore, c’était un indépassable.
Art’N Roll : Qu’il n’y a plus aujourd’hui ?
Xavier : Ah ! ben non ! Je ne veux pas faire du passéisme à tout prix. Je sais que la nostalgie et l’attrait pour le passé, ce sont aussi des fantasmes, mais moi en tant que musicien les fantasmes ça me sert beaucoup, parce que c’est ça qui me permet de trouver la matière pour créer. Le fait que je fantasme, après m’être beaucoup renseigné sur le château, me permet de créer la musique, donc pour moi la nostalgie ça peut être un outil pour fabriquer quelque chose et quelque chose de neuf en plus.
L’album précédent Ball Trap c’était les années 20, la bohème artistique à Paris entre les deux guerres, ça m’a permis de créer un album en 2016 et un album qui était pourtant de son temps. C’est comme ça que je vis mon rapport personnel. Je sais que beaucoup de gens ont tendance à chasser très loin d’eux toute forme de nostalgie, ou, en tout cas dire que ça ne les intéresse pas, ce n’est pas du tout mon truc, moi je m’en sers.
Art’N Roll : Tu t’en sers pour créer ta musique?
Xavier : Je sais très bien qu’il faut faire attention avec la nostalgie. Elle peut mettre dans un état de spleen qui peut finir par devenir dangereux. Mais, si on maîtrise le degré de nostalgie et ce qu’on en fait, ça peut être créatif.
Art’N Roll : Comment tu te situes dans le groupe ? C’est ton groupe, où vous avez une cohésion ? Tu es le membre principal, tu es Xavier Malemort !
Xavier : Oui. C’est très compliqué parce que j’ai créé le groupe, dans l’idée de faire… j’ai fait du heavy metal étant jeune, ensuite j’avais voulu m’ouvrir et aller chercher d’autres choses, donc j’ai fait du rock. Je voulais vraiment revenir au metal, parce que c’est ma famille d’origine et que je sentais que j’avais des choses à dire. Mais, j’avais une idée précise de ce que je voulais apporter. C’est-à-dire, qu’il n’y avait aucun intérêt à proposer un album de metal de plus, et je pensais que la mixture que j’avais envie d’entendre, je ne l’entendais pas dans le metal français. Elle n’existait pas et après tout, ça aurait pu n’intéresser que moi ? C’est vrai ! Enfin, nos goûts personnels…
Art’N Roll : La preuve que non, parce que ça a touché de grands médias !
Xavier : Oui, mais voilà, au départ, chanter en français, du metal mélangé avec du rock, sur des thématiques qui ne sont pas du tout dans les trucs typiques du métal, sur le papier, ce n’était pas forcément gagné. Du coup, c’est vrai que le groupe est très marqué par ce que je suis moi, parce que l’orientation musicale du groupe et l’écriture principalement viennent d’abord de moi, et, ça ne peut pas en être autrement parce que sinon ça ne serait plus Malemort. Donc, c’est très délicat à gérer.
Maintenant, les deux musiciens qui travaillent avec moi, ils travaillent depuis longtemps avec moi, ils savent comment je fonctionne et je leur fais confiance sur certains domaines, notamment, Seb Berne qui récupère mes premières maquettes de chansons pour les retravailler et ensuite pour qu’on les arrange, mais il y arrive maintenant, parce que ça fait longtemps qu’on se côtoie et qu’on se connaît. C’est plus difficile avec d’autres musiciens qui débarquent comme ça, et avec qui… mais, si je n’assumais pas ça, Malemort n’existerait pas.
Art’N Roll : Vous êtes un peu un OVNI dans le milieu du metal et on avait été frappé par cette prestation au Hellfest en 2018 on s’est dit : « Tiens c’est un nouveau style ! » on avait l’impression que vous aviez inventé un nouveau style…
Xavier : C’est rare en metal. Alors, je ne pense pas qu’on invente un nouveau style, je pense qu’on…
Art’N Roll : C’est tellement classieux, qu’on a du mal à se situer pour les gros fans de metal.
Xavier : C’est vrai, mais je pense qu’on propose simplement une mixture personnelle. Voilà, je propose la mixture de ce qui me plaît moi.
Art’N Roll : Et ça marche !
Xavier : Et ça marche parce que certaines personnes vont penser que Malemort était dans la lignée de… tu sais parfois, tu as des groupes qui aiment bien un peu provoquer, en alliant des styles très contradictoires, en surprenant à tout prix. Ce n’est pas du tout l’objet de départ de Malemort, pour nous c’est simplement de créer des chansons qui viennent de soi et qui puisent dans tout ce qui est chouette !
Donc, voilà, ce n’est pas une provocation, ce n’est pas une posture, c’est juste comme ça. Moi, je ne peux pas composer autrement.
Xavier : Tu sais, je parlais juste avant des albums de Queen. Tu prends les albums de Queen, ils sont d’une diversité phénoménale, même à l’intérieur d’un même album. Bon, est-ce que ça dérangeait les fans de Queen ? ça ne les dérangeait pas !
Art’N Roll : La preuve que non.
Xavier : Et ils étaient contents de passer d’un truc un peu rétro sixties, à un gros hard rock burné et ensuite à un truc avec quelques influences légèrement funk, parce que Queen avait entendu que ça se jouait… Du moment que la chanson est bonne !
Art’N Roll : Un peu comme la carrière de Michel ?
Xavier : Oui ! La carrière de Michel Magne, il a fait de tout. Il a été capable de créer de tout.
Art’N Roll : Alors on va parler de cet album, on va parler de la musique. On est surpris du début jusqu’à la fin. Chaque morceau a un style particulier, qui est vraiment votre marque. Ça passerait à chaque heure de la télé tellement c’est bon, et donc vous parlez du château d’Hérouville et la première chanson est celle de ce fameux clip où on te voit très stylé. En fait, cet album c’est un peu le Black Album pour vous, et, quand on voit les retours qu’il y a de certains médias… ?
Xavier : Je le pense un peu. Hâtivement, les gens ont considéré que Ball Trap était formidable, et, je pense que c’est un bon album. Mais j’ai le sentiment personnel, effectivement, que dès Ball Trap, comme je te le disais tout à l’heure, on savait la feuille de route qu’on voulait suivre, parce qu’on avait conscience qu’on pouvait aller un peu plus loin, donc, ce n’est pas moi qui te dirai l’inverse.
Art’N Roll : Tu avais déjà des idées pour cet album dès le départ ? Bien avant de produire le premier album finalement, pratiquement ?
Xavier : Oui.
Art’N Roll : Et il t’a fallu du temps pour le composer.
Xavier : Oui.
Art’N Roll : Un album concept sur le château d’Hérouville ou sur la romance entre Michel Magne et cette fameuse autostoppeuse qu’il a ramassée et qui est devenue sa femme ? On a l’impression d’entendre une certaine romance entre Jane Birkin et Gainsbourg ?
Xavier : Oui, aussi.
Art’N Roll : Dans certaines chansons comme Sémaphores ?
Xavier : Oui. Sémaphores…
Art’N Roll : … qui est la plus rapide de l’album.
Xavier : Oui. J’ai une tendresse particulière pour cette chanson-là.
Art’N Roll : Elle est poétique, tendre et elle donne envie de bouger…
Xavier : C’est vrai.
Art’N Roll : …avec tout ce qui entoure cette chanson ?Vous avez pas mal d’invités en plus. Vous avez Dan Ar Braz. Alors la chanson avec Dan Ar Braz, Je m’en irai, qui est tout à fait celte. Comment vous vous êtes mis en contact avec ce guitariste breton
Xavier : Tu sais, à chaque fois que je parle du fait que Dan Ar Braz joue sur un morceau, quasiment chaque personne à qui je dis ça me dit : « Ah mais tu sais – toi, ma grand-mère… – Ah ! ben, tu sais on l’avait rencontré quand on est allés en Bretagne ! Ah, tu sais, je connais quelqu’un qui le connaît… » C’est hallucinant, c’est très curieux. Et, pas plus tard qu’hier, j’envoie le lien du clip à des membres de ma famille, mon beau-frère et ma belle-sœur qui ont un petit. Ils habitent en Bretagne en plus, et, qui me renvoient : « Putain, c’est pas possible, Dan Ar Braz ! mais regarde, c’est le disque qu’écoute tous les soirs notre petit garçon pour s’endormir. » C’est un disque de Ban Ar Braz, c’est marrant !
En fait, on l’a rencontré parce que Seb Berne achetait un nouveau pédalier et le vendeur, il ne le savait pas, mais c’était Dan Ar Braz, qui vendait son matos musical. Seb s’en rend compte au dernier moment et il me dit : « Au fait, je viens d’acheter du matos à Dan Ar Braz, tu le connais ? » parce qu’il ne connaissait pas très bien sa carrière. Je lui dis : « Tu m’étonnes, je le connais. Non seulement je connais, mais quand je vais te dire que Dan Ar Braz, en plus d’être celui que tu viens de découvrir, c’est un mec qui a enregistré sept albums à Hérouville, pendant la période la plus belle ! Là, on est dans un hasard qui devient délirant. » On est en train de bosser sur un concept album sur Hérouville, et on se retrouve en contact avec Dan Ar Braz, qui y a passé quasiment toutes les années 70. C’est complètement fou !
Xavier : Au début on y a même pas pensé. J’ai simplement demandé la permission à Dan Ar Braz de l’appeler pour qu’il me raconte un peu, s’il le voulait bien, sa perception du château, ce qu’il y avait vécu, parce que finalement, il n’y a pas beaucoup de sources. Il y en a de plus en plus, maintenant ça commence à venir, mais pendant des années il n’y avait pas grand-chose. Il accepte très gentiment, maintenant que je le connais, je me doute bien qu’il n’aurait jamais dit non.
Le premier soir on a passé une heure et demie au téléphone. Ensuite, on s’est rappelés régulièrement, et il m’envoyait même des choses, des petits éléments qu’il retrouvait. Et le lendemain d’une conversation, je me réveille et j’entends : « ben, ding, deng, deng… » et je me dis : « qu’est-ce que c’est que ça ? sortez de mon corps !
Et en fait je me dis, non, il faut quand même que je le teste, il y a un truc quand même. J’avais un peu la flemme, parce que je venais de boucler le processus d’écriture et qu’on en avait chié. Et je me dis : « Non, allez, je teste quand même. » Je pose une petite maquette, je l’envoie à Seb Berne « Qu’est-ce que tu en penses ? » « Si, si, allez on y va ! » dans la foulée. C’est je crois le morceau qu’il a retravaillé et réarrangé le plus vite de tous les morceaux du disque. On l’a travaillé à fond. On avait dans l’idée de le faire écouter à Dan, en disant tu te rends compte, « à cause de toi on a un morceau de plus sur l’album. »
Et puis au dernier moment, on avait bien bossé et c’était super net, c’est vraiment venu sur le tard. On s’est dit : « Mais pourquoi on ne lui demanderait de jouer deux, trois notes, sur le morceau ? » Et puis, il a tout de suite dit oui, et ça a été super !
Art’N Roll : En plus vous êtes passé par Alan Douches, par le Swan Sound studio et vous l’avez envoyé à New York dans la foulée
Xavier : Oui, voilà.
Art’N Roll : Ce sont des références.
Xavier : Ce sont des références, mais tu vois, on parle beaucoup de Alan Douches parce que c’est une grosse référence en mastering, mais, moi, celui qui m’a paru le plus brillant dans l’affaire, ce n’est pas Alan Douches, c’est le Swan Sound Studio de Guillaume Doussaud. Parce que lui, il a fait le mixage, il a travaillé comme un acharné, parce que Malemort, nous sommes le cul entre plein de chaises et il y a beaucoup de choses à respecter pour que l’équilibre soit là. C’est un travail dantesque. Il a sacrifié beaucoup de choses pour pouvoir y arriver. Corps et âme il s’y est mis et il a fait un mixage tellement impeccable, que même pour le master, il a fallu qu’on fasse retravailler Alan Douches pour que ça respecte davantage le mixage. Pour te dire, quand tu dis à Alan Douches : « Ce serait bien de reprendre un peu… » Attention, le master final est ultra bien parce qu’il est très respectueux du travail du Guillaume, mais pour moi, le vrai héros du son de ce disque c’est Guillaume Doussaud.
Art’N Roll : On le ressent tout au long de l’album?
Xavier : Oui, oui, je pense.
Art’N Roll : Alors il y a le côté graphique aussi. L’album Château-Chimères j’ai été surpris par ces dessins
Xavier : Blitz’Art.
Art’N Roll : Alors ça sort tout droit des films fantastiques de Johnny Depp…
Xavier : Oui, c’est ça !
Art’N Roll : Je m’attendais à voir un château à la Tim Burton ?
Xavier : En fait, le château d’Hérouville, c’est entre nous, mais il n’est pas si joli que ça. Ce sont deux ailes et c’est surtout le parc qui est très, très beau, l’allure générale avec la grille. Mais les deux ailes n’étaient pas magnifiques. Il y avait une des deux ailes qui avait brûlé aussi et Magne avait perdu toutes ses partitions dans l’incendie. Il avait refait ça, à une époque dans les années 60, où on commençait à tout bétonner donc, le haut de la deuxième aile est dégueulasse et vraiment pas beau. En soi, ce n’est pas extraordinaire. En plus c’est un parc qui a beaucoup poussé, le jardin avant a beaucoup poussé, donc il n’y a pas une vue qui permette quelque chose.
Et en même temps, moi je pensais que c’était peut-être bon de fantasmer le château. De passer de ce château que je connais bien, à quelque chose qui appartient un peu….
Art’N Roll : …à quelque chose de plus fantastique…
Xavier : Parce que pour moi l’histoire d’Hérouville, c’est l’histoire d’illusions : dix ans durant lesquels des musiciens enregistraient des albums fantastiques, en pensant que le monde allait changer grâce à leur musique. Les années 70 c’est ça. Donc, c’est l’histoire d’une illusion. Magne aussi avait l’illusion qu’on pouvait accueillir des musiciens tous les jours, avec des grands crus sur la table, un cuisinier, des fêtes tous les week-ends. En fait, c’est un vaste mirage cette histoire, c’est un mirage qui a tenu dix ans. Je parle de la période effective du château en tant que studio accueillant des internationaux.
Xavier : C’est ça. Mais ça ne pouvait pas tenir. C’est pour ça d’ailleurs que l’album est appelé Château-Chimères, parce que finalement, c’était comme une chimère en quelque sorte. Et c’est vrai que fantasmer le château cela me paraissait une bonne solution. Laurent il sait faire ça mieux que tout le monde. Il y avait autre chose aussi, il me semblait que le dessin de Laurent apportait un peu d’ironie, un peu de légèreté malgré tout. Parce que tu vois, il y a un côté Tim Burton, mais quand tu parles de Tim Burton tu penses à des trucs parfois un peu macabres, mais il y a toujours un truc un peu humoristique, légèrement décalé, derrière tout ça. Je trouvais que pour un album qui racontait une épopée qui finissait comme une tragédie grecque c’était quand même bien d’avoir un tout petit clin d’œil un peu plus léger qui apporte une touche un peu différente à l’ensemble. Ça ne m’a pas paru incohérent, ça m’a paru être une option originale, mais pas incohérente.
Art’N Roll : Le château d’Hérouville a rouvert ?
Xavier : Oui.
Art’N Roll : Est-ce que tu aimerais enregistrer un album chez eux ?
Xavier : On m’a déjà demandé pourquoi je n’avais pas enregistré l’album là-bas ? Alors, j’aurais pu répondre facilement parce que la pandémie, bla-bla-bla. La raison profonde c’est que ce sont des tarifs complètement prohibitifs pour des groupes comme nous. Et, pour répondre à ta question, comme c’est très, très, cher, la seule chose qu’on pourrait envisager de faire – et j’adorerais le faire – mais il faudrait qu’on réussisse déjà à regagner l’argent qu’on a perdu ; c’est-à-dire qu’il faudra un certain temps. J’aimerais beaucoup faire une journée d’enregistrement live, là-bas, dans le grand studio historique, par exemple, de chansons qui ont été créées et enregistrées là-bas par un certain nombre de musiciens : Bowie, Higelin… façon Malemort enregistrées en live.
Art’N Roll : Bowie, Iggy Pop, Higelin, les Bee-Gees… tous ces grands artistes qui y sont passés !
Xavier : C’est un truc qui me trotte dans la tête depuis un certain temps, financièrement ce serait moins coûteux parce que ce serait une journée, mais il faudrait que tout le monde soit très bon parce que c’est de l’enregistrement live. Ça me plairait beaucoup.
Il ne faut jamais dire jamais…
Art’N Roll : Pourquoi pas ?
Xavier : Oui. Mais bon…
Art’N Roll : Que du bon pour l’avenir de Malemort.
Xavier : J’espère.
Art’N Roll : L’album qui sort bientôt ?
Xavier : Là, aujourd’hui !
Art’N Roll : Toujours pas de label ?
Xavier : Non. Pas de label.
Art’N Roll : Vous êtes toujours indépendants ?
Xavier : On est toujours indépendants. On m’a déjà demandé si c’était un choix ? En fait ce n’est pas vraiment un choix, comme on est inclassable dans le domaine du metal il n’y a pas de label…
En ce moment les labels sont ultraspécialisés parce qu’il y a un tel problème d’argent et des difficultés, que les gens ont l’impression qu’en se réfugiant dans des niches très précises, on va savoir quel public on touche exactement et s’assurer un minimum de sécurité.
Moi je pense que ce n’est pas la bonne option, mais en tout cas c’est comme ça que les gens le vivent. Ce qui fait qu’en France on a des labels ultraspécialisés par branche, et nous, dans ce contexte-là, c’est impossible. Donc, si c’est pour signer avec des labels qui proposent des deals où en fait c’est le groupe qui prend tous les risques et le label qui ramasse les éventuels petits bénéfices ? Ce n’est pas la peine.
Donc, on a une position très délicate dans laquelle les propositions qu’on pourrait nous faire ne sont pas intéressantes parce qu’elles seraient plutôt même dangereuses pour nous, et, ce qu’on pourrait espérer, ce n’est pas accessible parce qu’il n’y a pas de label assez généraliste.
Art’N Roll : Donc vous êtes bien comme ça ?
Xavier : Bien, je ne dirai qu’on est bien, parce que j’aimerais un peu plus de soutien affiché, parce que ça nous manque quand même beaucoup. Je pense qu’on a une force de frappe avec les albums et le métier qu’on a maintenant qui permettrait de très belles choses. On les fait quand même, mais on en chie deux fois plus. Je pense que dans dix ans j’aurai pris vingt ans.
Art’N Roll : Tu as le temps tu es jeune. (Rires)
Xavier : Je suis un faux jeune !
Art’N Roll : Tu es professeur de français ?
Xavier : Oui.
Art’N Roll : Ça t’aide beaucoup à écrire tes paroles ?
Xavier : Dans la mesure où je suis un littéraire et j’aime la littérature, oui. Mais c’est un piège aussi dans la mesure où… Bon, c’est un piège que j’ai surmonté maintenant depuis longtemps, parce que je sais avec humilité que quand tu écris des paroles sur de la musique très rock, voire métal, en français, les plus beaux textes parfois, sonnent très, très, mal. Donc en fait, tu travailles de manière plus prosaïque à la syllabe aussi et au fait d’accepter de rogner sur certaines choses qui pourraient belles sur le papier, mais qui ne fonctionnent pas à certains niveaux !
Art’N Roll : C’est un très gros travail.
Xavier : Oui, un très gros travail. Et là, j’ai pas mal travaillé sur le fait d’épurer aussi. Comme le contenu est très riche je voulais épurer un peu les mélodies vocales et le nombre de syllabes pour que ce soit très distinct.
Je pense que les paroles de ce disque sont beaucoup plus distinctes que toutes celles que j’ai pu écrire par le passé sur les albums précédents. Et c’est une petite fierté personnelle parce que ce n’est pas évident non plus.
Art’N Roll : Félicitations. Des projets de concerts ? Une tournée ?
Xavier : On ne sait pas, en tout cas, ce qu’on sait c’est qu’on va démarrer sûrement à partir de 2023, pas avant.
Xavier : Non, pas avant. Il faut que l’album infuse, il faut que les gens le savourent et il faut que cette merde actuelle dans laquelle on se trouve, les salles, les petites salles et tout, se décante un peu. Qu’on sache un peu où on en est. Moi, je ne peux plus remettre les pieds dans des choses approximatives dans lesquelles on va encore s’épuiser. Là, je veux pouvoir proposer du solide aux fans de Malemort et aux gens qui pourront nous voir, et ça, ça nécessite un peu de temps, comme pour l’album. Bien moins longtemps, le plus gros est fait, mais ça demande un peu de temps et aussi d’accepter de ne pas forcément mettre les pieds n’importe où, mais choisir ce que l’on fait pour bien le faire.
Art’N Roll : Bien. Que du bon pour l’avenir de Malemort. Si tu as un dernier mot à ajouter ?
Xavier : J’espère qu’on pourra croiser tous ceux qui vont pouvoir lire cet interview, toi, ou les amis qu’on croise là – parce que c’est un petit milieu – sur des festivals, sur des concerts et que ça sera une belle année de retour au live.
Art’N Roll : On pense te voir au Hellfest l’année prochaine ?
Xavier : Je l’espère du plus profond de mon cœur parce que je pense que l’album peut être taillé pour ça et qu’on a les épaules pour le faire
Xavier : Après, on a eu cette chance immense d’avoir la confiance de Ben et de Yoann sur l’édition qu’on a faite. Ce n’était déjà pas rien parce qu’on est justement un groupe inclassable. D’ailleurs, c’est marrant parce que l’année suivante, la SACEM faisait une exposition de panneaux au Hellfest et le panneau sur les formes différentes de metal en France – il y avait un truc comme ça, un panneau spécifique sur les choses qui sortaient un peu de l’ordinaire – eh bien ! il y avait la pochette de Ball Trap et je n’ai jamais su qui avait fait ce truc-là. Donc, je me dis : on a beaucoup de chance de l’avoir fait. Je pense qu’on a les épaules et la proposition pour éventuellement y retourner, après, voilà… c’est le choix du Hellfest. Mais en tout cas, on ne dira pas non.
Art’N Roll : C’est super ! Merci Xavier.
Xavier : Je t’en prie.