Un chapeau replet vise la plupart du temps à grossir artificiellement une interview fluette. En l’espèce, ce ne sera pas le cas. ANR a interviewé Frank Thorwarth le débonnaire bassiste de Tankard par Skype le lundi 12 septembre à 18 heures, à l’occasion de la sortie le 30 septembre 2022 du nouvel album des allemands, « Pavlov’s Dawgs ». Voilà.
Art’n’Roll : J’ai deux kuttens (NDA : vestes à patchs) avec des patchs de Tankard cousus dessus, celle-ci regarde (NDA : les montre)…
Frank Thorwarth (basse) : (NDA : sur son canapé) Oui, je vois…
ANR : Et celle-ci…
FT : C’est super (Rires)
ANR : … Te souviens-tu de ta première kutte ?
FT : Oui bien sûr, réellement, c’était rigolo parce que j’avais dans les treize ans et que je ne savais pas coudre les patchs, donc je les ai collés sur ma veste… Ils sont devenus tout durs, j’avais l’impression de porter un gilet pare-balles… (Rires)
ANR : Tu avais quels groupes dessus ?
FT : Sur la première, c’était pas mal de patchs de football…
ANR : Fußball kutte !
FT : …plus AC/DC et Motörhead…
ANR : Tu es dans Tankard depuis 1983, te souviens-tu du premier t-shirt ou patch que vous ayez commercialisé ?
FT : Déjà j’ai besoin de te corriger : je suis membre de Tankard depuis 1982 ! Pas 3 : 2 ! Concernant ta question, je ne m’en souviens pas, c’était il y a quarante ans !
ANR : OK, « One foot in the grave ». Qui a eu l’idée du concept de votre prochain disque, « Pavlov’s Dawgs » ?
FT : Je ne suis pas sûr de savoir qui a eu cette idée. Tu sais, lorsque nous sommes en tournée nous collectons les idées au fur et à mesure, et je ne me souviens plus précisément comment ce concept est apparu. Mais (Rires) les paroles sont amusantes… Tu connais le scientifique Pavlov ?
ANR : Oui !
FT : Il faisait des expériences sur les chiens : lorsque ceux-ci entendaient la clochette signifiant que la nourriture allait arriver, ils se mettaient à saliver. Et bien nous on a soif lorsqu’on entend une canette ou une bouteille de bière s’ouvrir ou se décapsuler ! Nous parvenons même à être saouls voire à avoir la gueule de bois uniquement en percevant ces sons !
ANR : Ceci me fait penser à « Bitch », le morceau des Stones : « Yeah when you call my name / I salivate like a Pavlov dog », tu le connais ?
FT : Non, je ne le connais pas honnêtement… Je sais que ce mot revêt deux significations (Rires)
ANR : Oui, et du coup les Stones ne le jouent plus, comme d’autres chansons d’ailleurs, par peur des scandales contemporains… Est-ce que Tankard craint le politiquement correct et la censure qui va avec ?
FT : (Rires) Non, je ne la crains pas. Mais cela peut nous tomber dessus. Il y a quelques années, nous avons eu un débat au sein du groupe quant à savoir si nous devions continuer de jouer « 666 Packs » parce que c’est satanique (Rires) Sinon, il est vrai que beaucoup de gens nous reprochent de toujours parler de bière dans nos chanson (Rires) On s’en moque, c’est metalleux, c’est rock’n’roll !!! Nous préférons parler de bière que de guerre ou de dragons… Toutefois, la majorité de nos chansons ne parle pas de bière, nous faisons juste en sorte de réserver une chanson par album à ce sujet, comme c’est le cas sur notre prochain. Nous parlons de choses drôles et satyriques, mais abordons désormais des sujets plus sérieux.
ANR : Et cette fois, votre chanson à bière sera « Beerbarians » ! Cela parle de quoi ?
FT : Le sujet est de moi. C’est une histoire amusante. Il se trouve qu’un de mes fils étudie l’alcoologie. Il a participé à un tournoi européen d’étudiants de cette matière organisé au Royaume-Uni. Et l’équipe en provenance d’Oxford se nommait « Beerbarians ». Il m’en a parlé et j’ai adapté le truc à ma sauce. Je veux dire que l’évolution de la bière, depuis la civilisation égyptienne, a contribué à celle de l’humanité : tu dois connaître l’agriculture, les procédés de fermentation, de conservation, tu as besoin de logistique, et les peuples ont également besoin de partager la bière et les savoirs afin d’évoluer (Rires)
ANR : Le lien entre la civilisation et la fabrication de la bière…
FT : Oui ! Cela donne du sens.
ANR : Hormis cette chanson, et comme sur « One Foot in the Grave » votre album précédent, vous abordez plus qu’avant des sujets d’actualité ou de société, je pense à « Ex-Fluencer », « Veins of Terra », ou à « Lockdown Forever »…
FT : Nous vivons dans le monde de tout un chacun, et comme je te l’ai dit, chaque membre apporte ses idées puis nous les assemblons, il est donc normal que des sujets actuels et sociétaux soient abordés…
ANR : « Veins of Terra » est un morceau assez sombre…
FT : Oui.
ANR : … De quoi parle-t-il ?
FT : C’est à propos de l’eau. La prochaine guerre sera due au manque d’eau non au manque de pétrole. Tu es d’où en France ?
ANR : Parissss…
FT : Je ne connais pas la situation chez toi, mais il a fait tellement chaud en Allemagne, et particulièrement ici dans la région de Francfort, ce fût l’été le chaud de tous les temps, et nombre de grandes villes ont connu une pénurie d’eau. C’est un avertissement, il nous faut faire quelque chose dans l’urgence. Et « Veins of Terra » évoque cela. C’est la chose la plus importante à faire. Et nous déplorons que les politiciens allemands n’ont rien fait à ce sujet.
ANR : La pochette du disque est dans la même veine que les précédentes depuis la fin des années 1980… Qui en est l’auteur cette fois ? Sebastian Krüger, comme sur « One Foot in the Grave » ? Ou Patrick Strogulski comme sur celles d’avant, avant que Krüger ne le remplace en 2017 ?
FT : (NDA : opine du chef) C’est Strogulski. Exactement. Le truc étant que depuis 2017, Krüger est devenu célèbre dans le monde entier, et que nous n’avons plus les moyens de nous le payer (Rires) Strogulski a toujours fait du bon boulot sur nos pochettes de disques, et c’est quelqu’un de très agréable.
ANR : Vous jouerez à l’imposant Mexico Metal Fest le 23 septembre ? Excité comme une puce je suppose ?
FT : Absolument ! Toujours un plaisir de nous produire là-bas. Quelle affiche ! On est super contents de jouer au Mexique avec Kreator, Sodom et Destruction, c’est super de revoir les potes !!! Ensuite, nous irons jouer le 25 septembre à Santiago du Chili. Ça nous fera des dizaines d’heures d’avion au total, j’espère qu’il y aura assez de bière et de vin pour nous à bord (Rires)
ANR : Je ne sais pas. Je l’espère pour vous. Après cela, Tankard sera en tournée européenne cet automne. Mais rien en France. Vous pensez revenir quand en France ?
FT : Si tu connais quelqu’un qui est intéressé, nous sommes toujours contents de venir jouer en France. J’aime. Ma femme est en France aujourd’hui (Rires)
ANR : Ha bon ?
FT : Ma femme est à Marseille…
ANR : Pourquoi ?
FT : … Pour supporter l’Eintracht Francfort…
ANR : Nooooooooooooooon !
FT : … Contre l’OM en phase de poule de la Ligue des Champions, le match a lieu demain. Ma femme voyage et je reste à la maison (Rires) C’est ça la vie !
ANR : Amusant. Moins amusant : la semaine dernière il y avait Cologne contre Nice, plusieurs supporters sont dans le coma…
FT : J’ai vu cela, c’est lamentable, je condamne ce type de comportement… Vraiment, vraiment…
ANR : D’accord… Donc Auf geht’s Frankfurt !
FT : Oui (Rires)
ANR : Donc… On va finir par le savoir : Tankard sont des supporters de l’Eintracht Francfort ! Vous avez réalisé un clip intitulé « Forza SGE », et même joué avant la finale de la Coupe d’Allemagne 2006… Supportez-vous l’Equipe féminine de Football de Francfort, qui a notamment gagné la Ligue des Championnes en 2015 à Berlin (NDA : contre le PSG féminin) ?
FT : Oui bien sûr ! On les a rencontrées en mai dernier à Séville, lors de la finale de la Ligue Europa contre les Glasgow Rangers. On était ensemble au stade. De très belles femmes, très agréables ! On a également rencontré le staff de Francfort ainsi que les joueurs historiques du Club, qui étaient eux-aussi présents pour assister à cette victoire ! Extrêmement agréable !
ANR : (NDA : LA question vouée à l’échec) Vous revenez jouer l’an prochain au Hellfest, pour le deuxième passage de votre carrière après celui de 2010 ?
FT : (Rires) Je l’espère, je l’espère !
ANR : Parce que je ne te cache pas que cela spécule pas mal sur votre présence au Hellfest 2023 par chez nous…
FT : Ah oui !
ANR : Et qu’au Hellfest contrairement à votre Wacken, nous ne connaitrons les groupes qui s’y produisent que plus tardivement…
FT : (Rires) Attends je regarde notre emploi du temps pour l’année prochaine (NDA : comme par hasard sa caméra s’éteint à ce moment précis…) Attends, cette année c’est non (Rires) Je regarde pour 2023… Mais je ne crois pas que n’ayons de date… Allemagne, République Tchèque, Grèce, Suisse, Royaume-Uni…
ANR : Oui…
FT : Donc malheureusement, nous n’avons pas de date l’an prochain en France, ce qui veut certainement dire que pour l’instant nous ne jouons pas au Hellfest… Mais, il reste encore un peu de temps avant que l’affiche ne soit dévoilée (NDA : sa caméra se rallume et il réapparait à l’écran)
ANR : Novembre…
FT : Exactement, d’ici-là nous aurons peut-être une proposition…
ANR : Te souviens-tu de la fois où Tankard a joué au Hellfest ?
FT : Bien sûr ! C’était vraiment sympa, c’est un grand festival. Cela nous a donné l’occasion de voir d’autres groupes en concert et de rencontrer des gens agréables. Super sympa.
ANR : Concerts en France toujours : te souviens-tu de votre passage au Mennecy Fest, dans la grande banlieue Parisienne, en septembre 2014 ?
FT : Peut-être (Rires) C’était il y a longtemps, je dois vérifier. Oui, je me souviens que nous avons joué là-bas mais je n’ai pas de souvenir particulier qui me revient… J’espère qu’on a été bons… (Rires)
ANR : Oui, je pense que vous avez été bons… Te souviens-tu de ta première rencontre avec Gerre (NDA : le chanteur) ?
FT : Oui bien sûr.
ANR : Peux-tu nous en dire plus ?
FT : Nous étions en CP, nous avions six ans… Tout le monde a connu cette expérience, tu arrives dans ta classe de grande école pour la première fois et tu rencontres les autres garçons… Et un de ces garçons était Gerre (Rires)
ANR : Si tu devais décrire ta place, ton rôle dans Tankard, en plus de bassiste ? Le mec drôle ? Le cerveau ? Le mec ennuyeux, je ne sais pas…
FT : Peut-être le mec bourré des fois (Rires)
ANR : Warum Nicht ?!?
FT : Il n’y a pas de cerveau dans Tankard, nous apportons chacun nos idées et prenons les décisions en commun. Nous sommes un groupe démocratique. Nous partageons tout l’argent ainsi que les pertes (Rires) Ce qui est également certain, c’est que je suis le membre le plus ancien de Tankard, même Gerre est venu un tout petit peu plus tard, j’étais là au tout début…
ANR : Comment vois-tu Tankard dans dix ans ?
FT : C’est une bonne question !
ANR : Merci !
FT : Dans dix ans… Comme tu le sais, nous avons tous une profession à côté de notre groupe, donc dans dix ans nous serons tous retraités, et là nous pourrons enfin partir en tournée mondiale (Rires)
ANR : As-tu rencontré tes idoles ?
FT : Je n’ai pas vraiment d’idole, c’est difficile à dire…
ANR : Quelles sont tes occupations ?
FT : J’ai une famille et j’ai un chien, je vais boire des coups avec mes amis, je lis beaucoup de livres, j’aime faire du vélo, j’ai Tankard et j’ai un boulot, ce sont des occupations, et je n’ai pas de temps mort !
ANR : Genau ! Dernière question ?
FT : Oui.
ANR : Qui était la fille brune du clip « A Girl Called Cerveza » ?
FT : Oui, c’est une fille que nous avons rencontrée à un concert ou un bidule du genre je ne m’en souviens pas parfaitement… Oui, oui, c’est une fille avec les cheveux noirs, nous l’avons rencontrée à un concert effectivement, puis nous l’avons revue à un autre, et nous lui avons demandé si elle était partante pour tourner dans notre prochain clip parce que nous recherchions alors quelqu’un… Tu vois, il n’y a pas une grosse histoire derrière cela…
ANR : Non, c’est très bien, schön. Tu as le mot de la fin pour nos lecteurs…
FT : Oui. D’abord je voudrais dire Bonjour to France, j’espère que nous aurons très bientôt l’opportunité de jouer chez vous et de vous rencontrer et… Thrash metal never dies ! (NDA : fait le signe du metal avec les doigts)
ANR : Bis bald !
FT : Au revoir, passe une bonne journée !