Rencontre avec pierre – jean Toty guitariste de LOKURAH.
Realisè le 19/10/22 au bar la binouze à Paris.
Merci à Elodie de aria promotion.
Art ‘N’Roll : Je suis heureux de te recevoir, parce qu’on n’avait plus entendu parler de Lokurah depuis dix ans ?
Lokurah : Oui, effectivement pas de manière très active, mais comme je l’ai expliqué, je n’ai jamais laissé tomber. Je n’ai même jamais voulu mettre le groupe officiellement en pause. Moi, j’ai continué à composer, j’ai aussi fait des sons de guitares, des démos, des choses comme ça, qui m’ont gardé actif. C’est ce que j’explique tout le temps, la principale chose qui nous a ralentis en fait, ce sont les changements de line-up.
Art ‘N’Roll : Oui, on va y revenir.
Lokurah : C’est ce qui fait perdre beaucoup, beaucoup, de temps à chaque fois, mais je n’ai jamais lâché le morceau. Il y a même un des morceaux sur le troisième album, le dixième morceau, notre troisième single, With the Eyes of Reality c’est vraiment un vieux morceau. La première démo doit dater de 2011. Il y a eu des transformations, mais pour dire qu’il y a quand même une vraie continuité malgré le temps passé entre les deux albums.
Art ‘N’Roll : The Time to Do Better, alors c’est le temps pour faire mieux, mais finalement ça s’est arrêté.
Lokurah : À l’époque c’était un titre qu’on voulait plutôt positif et à contre-courant des titres un peu clichés, qu’on aime bien aussi, mais c’était pour avoir un titre positif. Ce n’était pas tellement en pensant à l’avenir, c’était pour cet album-là, en tout cas à l’époque. Après tous ces changements ont fait que ça nous a un peu ralentis, mais il n’y a jamais eu de cessation d’activité.
Art ‘N’Roll : Et puis à l’époque vous aviez déjà posé les bases d’un style metal core, hard core. D’où vient cette inspiration de metal core ? Parce qu’en 2010, il y a dix ans il y avait Machine Head, mais il n’y avait pas le metal technique qu’il y a aujourd’hui. Pour quelle raison ce style en fait ?
Lokurah : Écoute, c’est une bonne question. Dès le premier album c’était un mélange de metal avec des touches de hard core et je dirais des touches de death metal, que moi j’amenais peut-être plus personnellement, ce qui faisait un peu le style du groupe. Ça a évolué vers quelque chose d’effectivement un peu plus metal core avec le deuxième, mais sans forcément avoir des vrais refrains en chant clair. On avait un chant entre-deux, mi-saturé, mi-clair, on partait un peu dans cette direction. Je pense que la mue c’est, finalement terminée sur le troisième album, où là, on a vraiment des refrains en chant clair, tu as peut-être pu entendre les premiers singles.
Il n’y a pas que ça sur l’album, mais il y a aussi cette alternance peut-être plus métal core moderne avec le cliché couplet énervé avec un refrain un peu plus clair, un peu plus doux, et, il n’y a pas de soucis là-dessus, ça fait partie de notre identité. Ça fait partie des choses qu’on voulait faire dès le début. On voulait de vrais refrains, des structures accrocheuses, on était déjà dans cette idée, dès les premiers morceaux.
Art ‘N’Roll : Et donc, on en a souvent parlé, il y a eu pas mal de changements notables?
Lokurah : Oui.
Art ‘N’Roll : Il y avait une chanteuse en 2016 ?
Lokurah : Oui. On avait une chanteuse en 2016. On a fait un concert avec elle avec L esprit du clan en 2017. On avait plutôt bien travaillé ensemble, en plus elle n’habitait pas très loin de chez moi à Paris, donc on pouvait se voir assez facilement pour échanger des idées et enregistrer des choses assez rapidement. On avait travaillé sur des démos pour le prochain album, après je pense que ce n’était pas trop son truc. Elle voulait réactiver quelque chose qu’elle avait connu dans le passé avec d’autres groupes dans le sud, et, finalement, une fois qu’on avait fait ça, et notamment ce concert, c’était un peu son but, ça n’a pas été plus loin.
Art ‘N’Roll : Donc, il n’y a pas eu d’enregistrement, il n’y a pas de démo ?
Lokurah : Non. Les traces qu’on a c’est ce concert où elle avait bien bossé. Il n’y avait pas de soucis. Mais, c’est vrai qu’après, quand on repart sur une nouvelle recherche de chanteur, auditions, essais et après faire des démos pour voir si ça colle, creuser un peu plus, ben ! ça prend des mois. Et, la plupart des gens qui sont capables, sont déjà occupés par leur groupe, il faut vraiment que ce soit le hasard de quelqu’un qui quitte son groupe, qui soit intéressé et qu’on se connaisse, donc tout ça prend du temps pour trouver les bonnes personnes, tout simplement.
Art ‘N’Roll : Du coup vous avez trouvé un nouveau chanteur ?
Lokurah : Un nouveau chanteur, oui.
Art ‘N’Roll : Alexandre ?
Lokurah : Oui. Alexandre tout à fait. Qui avait travaillé notamment dans des groupes des Yvelines, il avait enregistré pas mal de démos, peut-être pas à ce niveau-là ? Il a fallu qu’on travaille ensemble pour qu’il se mette au niveau d’exigence qu’on avait déjà sur le premier et le deuxième albums. Nous, on essaye de faire les choses de manière carrée et sérieuse. J’ai beaucoup travaillé avec lui, on a fait beaucoup de démos, il n’a jamais rechigné, il a toujours été hyper volontaire. Parce que je suis un gars assez précis, je lui faisais des remarques et il ne se vexait pas, il rebossait derrière. Donc, tout ça a pris du temps, mais pour un résultat que je ne regrette pas. Sur le troisième album on est arrivé à un résultat très intéressant sur le chant quand on considère l’inclusion assez récente du chanteur.
Art ‘N’Roll : On va parler de ce troisième album. Au niveau du batteur : Aurélien fait-il partie du groupe ?
Lokurah : Oui, le poste de batteur c’est souvent compliqué dans le metal. Je pense qu’il faut un très bon batteur parce que le niveau de ton groupe c’est souvent d’abord le niveau de ton batteur. C’est une sécurité d’avoir quelqu’un comme Aurélien sur un album, très clairement. Il avait déjà enregistré le deuxième album et on a fait des live avec lui, donc on a déjà une histoire ensemble. Évidement il joue dans plein de groupes, il s’est aussi éloigné de la région parisienne, donc c’est un peu plus distendu, mais il a fait du super boulot sur l’album, il n’y a eu aucun souci là-dessus. Entre temps, lui a évolué parce qu’il est parti loin de la région parisienne, mais il a pu installer son propre studio, ce qui est quand même très, très, bien tombé quand il y a eu les confinements parce qu’il a continué à travailler, lui qui travaillait beaucoup dans le live, il a pu travailler dans son studio sur des dizaines de titres.
Art ‘N’Roll :Vous avez travaillé à distance ?
Lokurah : Ah, clairement ! On a tout à fait travaillé à distance, exactement. Pour te donner son « statut » : c’est un batteur de cession de toute façon pour plein de gens. Nous ne sommes pas son groupe prioritaire – je te parle très franchement – mais il a apporté sa patte sur l’album et moi je suis très content de ce qu’il a pu faire. Si on peut jouer en live avec lui à l’occasion, évidemment on le fera. C’est un très bon batteur, très polyvalent. c’est un mec qui frappe bien. Il n’est pas forcément spécialisé métal, mais il est capable de le faire. Il est très polyvalent dans beaucoup de style. La différence avec le reste du groupe, c’est que c’est un batteur professionnel ; je pense que c’est une grosse garantie.
Art ‘N’Roll : C’est l’album de la maturité, il est massif. Au niveau technique on retrouve le niveau de technicité de beaucoup de groupes qui sont déjà professionnels et qui ont atteint un statut mondial, et vous êtes pratiquement arrivés à ce niveau. Comment vous avez travaillé cet album ?
Lokurah : Ok ! Déjà, merci ! Comment on l’a travaillé. Déjà sur la longueur, comme tu l’as rappelé, ça fait dix ans qu’on a sorti le dernier album, donc il y a des compos qui datent. En revanche, même sur les compos qui datent, on a pu réajuster certaines choses. Peut-être que le côté moderne vient aussi du fait que je travaille avec un accordage encore plus bas sur ma guitare. Je suis passé de six cordes, et j’étais déjà accordé très grave, à sept cordes et je suis accordé comme une huit cordes, pour résumer la situation. Cela étant, je ne sais pas, c’est difficile d’avoir du recul là-dessus. On a essayé de tout peaufiner et de ne rien laisser au hasard. Si je peux te faire une réponse là-dessus, on a tenté de bien tout cadrer, mais, parfois, tu ne sais jamais, et, il y a des choses qui ont été modifiées à la dernière minute, ça s’est fait comme ça.
Art ‘N’Roll : Tu composes le côté musical j’imagine ?
Lokurah : Oui. Je pense avoir fait toute la musique de l’album et je fais des paroles aussi. J’aime bien faire ça et je travaille quand même pas mal avec notre chanteur sur les placements rythmiques, les placements de sa voix sur les lignes mélodiques. Je mets clairement ma patte aussi là-dedans. La vision globale, pas que du point de vue du guitariste, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup.
Je me suis presque auto-crédité producteur de l’album, parce que je considère que le producteur, c’est celui qui va suivre le processus de A à Z. J’ai suivi les enregistrements de batterie avec Aurélien, avec le bassiste on a ajusté des choses, même s’il est à Caen et qu’il a enregistré chez lui on a pu échanger. J’ai été présent sur toutes les sessions de chant de la première à la dernière minute. J’ai tout suivi.
Art ‘N’Roll : Il paraît qu’il y aurait un treizième titre sur Bandcamp ?
Lokurah : Alors, oui ! Tout à fait, c’est une cover bonus qu’on voulait offrir. Parce qu’on a fait des petites préventes pour toucher les premiers fans, notre famille, nos amis, pour faire une prévente vraiment en avance, un crowdfunding avec un t-shirt exclusif, et, on avait aussi cette cover exclusive qu’on leur a déjà envoyé.
Cette cover sera diffusée au grand public dans quelques mois après la sortie de l’album, on gérera ça avec le label. Pour l’instant, c’est vraiment une exclusivité qu’on voulait offrir au gens qui sont les premiers à se réintéresser à nous. Elle a été enregistrée et mixée en même temps que les autres morceaux au studio Fredman, donc, il n’y a pas de qualité inférieure ou quoi que ce soit.
Art ‘N’Roll : Comment avez-vous été approchés par ce studio ?
Lokurah : C’est moi qui les avais approchés dès 2013, pour te confirmer qu’on était déjà sur l’idée d’un troisième album assez rapidement après le deuxième, et, j’en avais parlé aux gars du line-up de l’époque. En fait, je suis très fan en fait, de savoir qui fait les mix, qui a fait la production, qui a fait tel mastering etc. Je suis le gars qui regarde les notes dans les livrets pour savoir qui a fait quoi, j’adore ça ! Travailler avec Frédérik Nordström, pour moi, c’était une espèce de rêve qui devenait accessible et dans ce type de studio, j’adore…
Art ‘N’Roll : C’est un studio émérite.
Lokurah : Absolument, j’adore tout ce qu’il fait… je suis fan de nombreux groupes qui sont passés dans son studio. On a eu un contact dès 2013, et je lui ai réécris timidement, je ne sais plus, en 2020-2021 en lui disant : « On a besoin d’un mix, est-ce que c’est toujours possible ? » Et il m’a répondu : « Oui, oui, pas de problème, c’est toujours possible. » Donc, on est repartis sur les mêmes bases, c’était vraiment hyper fluide. C’est donc, nous qui l’avons approché et voilà, j’ai tout négocié et ça s’est hyper bien passé.
Peut-être, aussi, personnellement, je me suis mis une petite pression supplémentaire parce qu’on travaillait avec ce studio-là, qu’on travaillait à distance aussi, et, qu’au moment où tu dois donner les pistes, il faut vraiment que tu sois sûr de toi à 100 %. Il y a pas mal de choses à gérer, ne serait-ce qu’au niveau technique et j’ai appris beaucoup de choses. (Rires)
Art ‘N’Roll : c’est la première fois que vous mettez du chant clair ?
Lokurah : Oui, tout à fait.
Art ‘N’Roll : C’est à sa demande ?
Lokurah : Non, pas du tout. On l’a embauché uniquement pour le mix et le mastering de l’album. On ne lui a pas demandé de retour sur l’artistique. C’est-à-dire nous on travaille sur les compos, on fait notre truc de notre côté, on « s’autoproduit artistiquement », et lui, je dirai c’est pour la mise en forme : le mix, le gros son, le gros mastering. Je pense qu’il peut avoir son avis sur la question et que si on avait été dans son studio il y aurait pu y avoir des discussions ou des choses comme ça, mais voilà. Il ne nous a pas dit, non plus, que tel truc était raté, il n’y a pas de souci là-dessus.
Parfois, ça peut être une frontière assez floue, ce n’est pas le producteur de l’album au sens directeur artistique, c’est vraiment celui qui donne la meilleure forme finale à notre son et à ce que l’on souhaite. Il n’est pas intervenu artistiquement, mais, on peut considérer que le mix en soi est une intervention artistique, et, on est extrêmement contents de son intervention. et un gros, gros son, il a ses recettes aussi, parce que j’avais fait des sons de guitare que je pensais être bien et il les a repassés par ses amplis en studio, avec ses réglages de micro qu’il connaît bien, et là, tout d’un coup, effectivement, ça a pris une autre ampleur et ça a servi positivement le mix.
Art ‘N’Roll : On avait commencé à parler des paroles, mais est-ce que tu peux m’en dire plus sur l’ensemble des textes, qui sont assez dans l’air du temps ?
Lokurah : Oui. Tu trouves ?
Art ‘N’Roll : Vous parlez beaucoup des réseaux sociaux j’ai l’impression ?
Lokurah : Tout d’abord sur l’album, j’ai trouvé le nom de l’album, Distorted Truth, sur la fin, je l’ai proposé aux autres et ils étaient ok là-dessus, parce que je trouve que ça peut recouper plein de choses et on peut avoir chacun sa propre interprétation de ce titre-là. Donc, en soi, je trouve que c’est un titre adapté pour un album. Après, les autres morceaux sont tous indépendants au niveau des thèmes et pour te répondre sur With The Eyes of Reality, sans aller trop loin dans les détails, ça partait d’une réflexion de quelqu’un qui est en prison et qui dit : « Moi je ne fais pas comme pas mal d’autres détenus, je ne prends pas de drogues, c’est-à-dire de médicaments. » Et, With The Eyes of Reality, c’est non, moi je veux regarder tout ce qui se passe, être conscient de ce qui se passe et peut-être ne pas sortir aussi – c’est peut-être un problème plus global – de prison avec une addiction finalement à un médicament et avoir beaucoup plus de mal encore à s’adapter dehors. Ça m’était venu comme ça et c’est un vieux morceau pour le coup, même les paroles sont de cette époque-là.
Art ‘N’Roll : On va parler de la pochette…
Lokurah : Avec plaisir.
Art ‘N’Roll : Stan Decker, c’est une référence, il est très demandé !
Lokurah : C’est une référence et il y a deux choses : c’est devenu une référence et c’est un vieil ami à moi. On est Auvergnats tous les deux et on s’est rencontrés sur des concerts et d’autres occasions alors qu’il n’était pas encore aussi connu pour les pochettes. C’est seulement plusieurs années après, qu’il est devenu indépendant et qu’il a finalement eu le succès qu’on lui connaît maintenant.
En fait, Lokurah a toujours travaillé avec lui. Il a fait l’artwork de notre premier EP en 2005 alors qu’il travaillait toujours dans une grande agence à Clermont-Ferrand à l’époque et il faisait ça à côté. Il se faisait plaisir. Lui-même est musicien, il est bassiste, un peu chanteur, instrumentiste . Il touche un peu à tout. Il avait un groupe de progressif et il a participé aussi à plusieurs autres groupes, donc, c’est d’abord un très bon ami Stan. Donc on a fait appel à lui sur le premier et pour le deuxième album. Il est responsable de nos artworks depuis ce temps, évidemment on l’avait contacté pour le troisième.
On avait un concept en tête, on a fait un premier essai qui n’était pas forcément concluant. Mais, dès le deuxième essai, on avait la pochette, c’était hallucinant parce qu’on a vu le truc et on s’est dit : « C’est bon. C’est terminé ! »
Art ‘N’Roll : Cette pochette elle reflète quoi ? On y voit un petit bonhomme avec son portable.
Lokurah : C’est lié à plusieurs thèmes qui sont abordés dans les paroles. Ce n’est pas un concept album en soi, toutes les paroles sont indépendantes. Le bonhomme avec le portable c’est plutôt en rapport avec le morceau Void Factory, qui parle plus des réseaux sociaux et de l’addiction aux réseaux sociaux. L’idée de la pochette, c’est notre chanteur qui a pensé à ce concept et qui l’a dessinée – parce qu’il dessine aussi – et il a fait quelques croquis pour expliquer ça. Stan est parti de là et il a extrapolé sur les choses.
L’idée, c’était que son esprit partait un peu en pixels, pour montrer la dématérialisation de tout ce qui se passe. Ça nous arrive tous, je veux dire, c’est un truc presque assumé de mon côté, mais c’est pour rappeler qu’il faut être très vigilant là-dessus, et, qu’à un moment, il faut regarder ce qu’il se passe autour de nous. C’est un peu la même chose pour la chanson In Vain qui est plus tournée vers l’environnement, elle invite à regarder ce qui se passe également autour de nous. Il y a un mélange de ces deux concepts qui se traduisent par le gars qui est concentré sur son banc, qui est comme aspiré par son portable et qui finit par se dématérialiser sans qu’il ne voie ce qu’il se passe autour, les changements climatiques, les choses comme ça.
Art ‘N’Roll : C’est un peu la marque de ce style de ce que vous faîtes, du metal core?
Lokurah : Ben ! Je te remercie ! Pour en revenir aux discussions qu’on a pu avoir avec Stan et Alexandre, le chanteur, que j’ai beaucoup consulté sur ce sujet, parce qu’en plus il fait du dessin, donc j’avais vraiment besoin de son avis sur le concept de la pochette. Quand je lui ai montré les pochettes de Stan, vraiment son portfolio, celles qu’il aimait le plus, c’étaient ses pochettes progressives. Il fait de très belles pochettes pour des groupes progressifs, du coup, je lui ai demandé un peu ça, mais en plus agressif, parce que notre style est aussi plus agressif aussi. Et je trouve que le mélange est parfait, on est ultra contents.
Art ‘N’Roll : L’album sort au mois de novembre ?
Lokurah : Oui.
Art ‘N’Roll : Vous avez fait quatre singles, en en sortant quasiment un par mois ? Est-ce que c’est une nouvelle façon d’approcher les auditeurs ?
Lokurah : Oui.
Art ‘N’Roll : C’est une nouvelle façon de travailler, d’approcher son public ?
Lokurah : Pour nous, c’est sûr ! Quand on regarde ce qui se passe actuellement je pense que c’est plutôt classique comme manière de faire.
Art ‘N’Roll : C’est classique, on le ressent pour la plupart des groupes.
Lokurah : Alors, moi j’ai un double point de vue : le point de vue du musicien où effectivement, ça me parait intelligent. Surtout qu’on est sur un retour, c’est pour montrer un peu notre nouveau style et le fait même qu’on refasse quelque chose et qu’on ressorte un album officiellement. Deuxième chose, au niveau du label, eux étaient plutôt sur ce planning, comme le groupe Destinity dont fait partie Mick…
Art ‘N’Roll : Mick Caesare ? ( chanteur de destinity)
Lokurah : Oui, c’est ça, qui est en fait à la tête de notre label avec une deuxième personne. Donc, ils étaient un peu sur ce plan promo et il y a des choses qu’on a dû inverser et décaler etc. Mais, on était sur l’idée de trois singles, et, un quatrième à la sortie de l’album. Finalement, on va sortir le clip du quatrième, une semaine avant l’album pour réactiver la promotion et puis que le clip soit vraiment celui du single. Après, on aura sorti quatre morceaux, ça peut paraître important mais il en reste huit à écouter sur l’album, et moi, j’aime bien l’idée un peu romantique que…
Art ‘N’Roll : C’est anciennement les 45 tours qu’on a connus dans les années 80 ?
Lokurah : C’est exactement ça. C’est assez étrange parce qu’avec le numérique on retombe sur des choses complètement passées. C’était Machine Head, dans les gros groupes, notamment – il y a plein de groupes qui font ça – mais, j’ai vraiment l’exemple de Machine Head, qui est un des rares groupes de ce statut à sortir un single, mais vraiment un single, un truc qui n’a jamais été sur un album.
Art ‘N’Roll : Je pense que tu es allé les voir en concert la semaine dernière ?
Lokurah : Euh ! Non. Je n’y suis pas allé la semaine dernière parce que – bon c’est une aparté – le prix des concerts c’est délirant ! Moi, j’ai vu soixante euros ? Je trouve ça délirant, qui peut… Tu peux critiquer le Hellfest à trois cents et quelques euros, mais un concert au Zenith avec trois groupes, j’allais dire deux groupes et demi ; j’aurais été ravi d’aller voir The Halo Effect parce que l’album est génial. Mais, soixante euros ! Qui a les moyens ? Alors, moi, j’étais de la génération des francs et il y a des gens qui gueulaient quand Judas Priest c’était à deux cents francs ! Maintenant trente euros ce n’est pas cher ! On entend parler de l’inflation, de normes de sécurité et de pas mal de choses. Alors, ok. Au bout du compte, quarante euros un truc comme ça, pour le Zenith, ok. Mais, soixante euros ! Pour rester debout, même pas pour être dans les loges avec le champagne ! Tu vois ce n’est même pas ça !
Art ‘N’Roll : Tu en penses quoi du Hellfest à trois cents et quelques euros ?
Lokurah : Ca ne me choque pas . Moi je pense qu’il ne faut pas être binaire. Il y a des gens qui font le Hellfest et qui vont aussi à plein de concerts toute l’année. Tu as des gens qui sont hyper passionnés et pour qui le Hellfest ça va être un truc un peu spécial, où ils vont aller avec leurs potes. Moi, je l’ai déjà fait et on s’est bien marrés, c’était super, entre passionnés, et, on n’est pas là pour se torcher la figure du matin ou soir…
Art ‘N’Roll : Tu penses qu’aujourd’hui, le monde du metal est partagé entre les puristes et vous, les jeunes qui arrivez sur le marché ?
Lokurah : On n’est plus très jeunes, mais, non ! Moi je trouve qu’il ne faut pas être binaire parce qu’il y a tous les types de comportements. Évidemment, il y a des gens qui vont venir juste pour l’ambiance et j’ai envie de dire et alors ? Ce n’est pas grave s’ils sont là pour l’ambiance et la tête d’affiche du soir parce qu’ils ne connaissent que ce groupe-là, peut-être qu’ils vont découvrir d’autres trucs ? Peut-être qu’ils vont venir avec leurs gosses pour voir un groupe de hard core, ça va peut-être changer leur vie au niveau musical ? Je trouve qu’on ne sait jamais, je ne trouve pas ça utile de perdre du temps à des jugements un peu hâtifs.
Je comprends les critiques ! Il y a des gens qui ne vont faire que le Hellfest, et j’ai envie de dire, oui ! Et ce n’est pas grave, quel est le problème ? L’offre est là et il y a plein d’autres festivals. Si on considère que c’est trop grand public, il y a plein d’autres festivals qui existent. Et puis, il y une autre chose aussi, je trouve que le Hellfest, certes ils ont réussi à avoir les plus grosses têtes d’affiche, mais il y a un côté underground quand même important. Black Metal Doom de Slovénie ils les feront venir et ils seront quand même sur l’affiche les mecs ! Et encore, les main stages, si t’y passes le matin il y a aussi des super groupes. La seule fois où j’ai fait un truc comme ça c’était vraiment dans les derniers concerts de Slayer. Je me suis tapé tout le set de Tarja ce n’est pas vraiment mon truc, mais je suis tapé tout le set d’à côté parce que j’étais au premier rang, mais Kerry King ! Voilà ! Et ce n’est pas grave, il faut y être à un moment.
Mais, ça je te dis c’était l’après-midi. Je peux comprendre le truc quand c’est Rammstein le soir où c’est très grand public et il y a beaucoup de monde et c’est un peu saturé, je me dis : « Oui, je suis content de les avoir vus il y a vingt ans. »
Art ‘N’Roll : Vous faites partie de cette nouvelle génération de metal en France, vous êtes sur Crimson Productions, comment s’est passée la collaboration ?
Lokurah : Ben ! Écoute, tu me reposeras la question dans quelques mois ! (Rires) Parce que pour l’instant on est juste à la sortie de l’album et on commence à avoir la promotion qui arrive. Je pense qu’il y a un sens dans ce qu’ils font, parce qu’eux ils lancent leur label – ce qui est quand même assez courageux en 2022 – et je pense qu’il y a une cohérence.
Destinity, j’avais acheté leur dernier album et autant je n’avais jamais vraiment complètement accroché par le passé, j’avais écouté vaguement. Mais, là ! le dernier album je trouve qu’il y a vraiment un truc, les guitares sont super. C’est l’album de leur retour, il est vraiment très, très, bon. Je leur avais commandé directement et c’est vrai que quand on leur a écrit tout de suite ça a matché: le studio Fredman, le son un peu à la suédoise avec un truc un peu catchy au milieu, ils nous ont dit : « Oui, oui, c’est pour nous ! » J’espère qu’ils vont rester dans cette cohérence éditoriale qui fait qu’on appelle un label : label, où ils posent un truc : « Ça va être plutôt dans ce style-là, on aura cette exigence de qualité. » Oui. En tout cas c’est un mec qui se bouge. On ne peut pas lui reprocher ça, il se bouge beaucoup pour son groupe ! Et voilà on verra ce que ça donne au niveau du label, en tout cas on se coordonne sur pas mal de choses.
Art ‘N’Roll : Là, il y a la sortie de l’album ?
Lokurah : Oui.
Art ‘N’Roll : Quelles sont les prochaines étapes ?
Lokurah : Concerts ! Ça va être notre prochaine priorité. Et puis après, de savoir sur quoi on part. Mais, bon, ce ne sont pas des choses qu’on va forcément ébruiter, mais savoir ce qu’on fait pour la suite. Est-ce qu’on repart sur un album ? Ce qui est toujours beaucoup de choses. Les gens ne se rendent pas compte de ce que ça représente, et, parfois, nous non plus. Quand tu te rends compte de la montagne de travail que c’est pour arriver au produit fini : c’est quand même très long, c’est beaucoup d’efforts et de budget. Voilà la question qu’on va se poser : est-ce qu’on repart sur un album ? Est-ce qu’on repart sur un EP ? Est-ce qu’on part sur par exemple un EP avec des singles qu’on va sortir ? Voilà.
Je trouve que ce qui est intéressant à l’heure actuelle c’est que finalement il n’y a pas de règles. Tout le monde est toujours attaché au format album. C’est un peu quelque chose qui subsiste dans le metal, où, c’est vrai que, si tu ne sors pas un album ça intéresse peu de gens. Pour un retour, on était un peu obligé de revenir avec un album, et moi, ça m’allait très bien. Après, est-ce que c’est nécessaire de tout de suite sortir un album derrière ? Je ne sais pas. On aura toutes ces questions à se poser. On a aussi des morceaux de côté. Il y a tout ça.
Art ‘N’Roll : Il y a une tournée prévue ?
Lokurah : Pas pour l’instant, mais on est en recherche de dates. J’espère. Sur ce genre de choses je suis plutôt pour faire des dates de qualité, ne pas prendre aussi tout et n’importe quoi, parce qu’on va avoir des frais, pour se déplacer, il faut payer un ingé-son etc. donc, on ne peut pas jouer gratuitement non plus, sauf grosse exception, l’idée ce serait de jouer sur des festivals sympas.
Art ‘N’Roll : festival pour l’année prochaine ?
Lokurah : Si on arrivait à jouer au Hellfest, franchement, ce serait bien. Je pense que ce n’est pas impossible.
Art ‘N’Roll : C’est difficile pour un groupe aujourd’hui de mettre une tournée en place ?
Lokurah : Une tournée, je pense que c’est compliqué dans le sens où, ce n’est pas notre métier à plein temps et qu’on a besoin de travailler clairement pour gagner notre vie. Que peut-être pendant une semaine ce serait jouable, après partir trois mois en tournée comme des groupes qui ne font que ça et qui sont vraiment musiciens professionnels, non ! Aujourd’hui, on ne pourrait pas le faire. On va cibler des choses un peu plus précises. Ce serait l’idée.
Art ‘N’Roll : Un message à faire passer ?
Lokurah : Écoute, déjà je te remercie pour l’interview et je te remercie de tes remarques sur l’album. Je peux dire aux gens, voilà, écoutez les singles, écoutez un ou deux morceaux de l’album. Laissez-nous une chance par rapport à ça. On a mis vraiment tout ce qu’on a pu dans cet album-là, au niveau des compositions, on a fait du mieux qu’on a pu, on a essayé de mettre toutes les chances de notre côté, donc après c’est au public de nous dire ce qu’il en pense.
Art ‘N’Roll : Il faut qu’il l’écoute. On l’espère ! Merci !
Lokurah : Merci !