Chroniquer c’est avant tout adjectiver : « Triomphal ». L’electro-rock, notamment hexagonal, a le (coupe)vent en poupe en ce début de décennie. Après le jeudi du Hellfest 2022 (avec FauxX, avec Youth Code, avec Nitzer EBB), après Perturbator (James Kent au civil) à l’Olympia le 7 octobre dernier, le Zénith de Paris était donc plein ce cinquième dimanche d’octobre 2022, et comme un œuf de struthiomimus en ce milieu de pont. Garni. Public à pas loin de 50 % féminin (au pif, hein…) et très largement urbain (idem), massé afin de faire un triomphe à Carpenter Brut ainsi qu’à ses deux premières parties. La femme-orchestre Sierra, tout d’abord, qui accompagne CB sur la totalité de ce « Leather Terror Tour 2022 » devant s’achever à Bristol le 6 novembre, une autre tournée mondiale labélisée « française » avec celle de Gojira (il faudra s’en réjouir Madame la Ministre…) ; les compatriotes de Jean-Michel Jarre étant globalement très bien positionnés (terme pouvant prêter à controverse) sur les créneaux (itou…) de la synthwave et de la darkwave, genres où le chant n’est clairement pas déterminant ; un parallèle serait certainement à effectuer avec la défunte french touch de la seconde moitié des années 1990… Ce petit bout de femme-orchestre blonde en noir donc, chauffa sobrement mais énergiquement la salle, une main sur la platine, l’autre munie d’une baguette afin de frapper vigoureusement le rythme EBM, en plus du chant qu’elle assure. Musclé. Tonique. Trois-quarts d’heure plus que réussis, une audience compacte, chaleureuse, attentive et réactive ; pour finir par des remerciements de Sierra, sincèrement émue par ladite réception. Première pause sous cette anormale tiédeur d’été indien de presque novembre. Chaud et froid simultanément, à l’image des musiques de ce soir. Puis vint le tour d’Horskh, formation from Besançon. Nous naviguons alors pile-poil entre de l’electro et Nine Inch Nails. Leur prestation s’avère plus mobile et guitarée que celle de Sierra, mais l’auditoire demeure tout autant captif. C’est plus metal. La salle continue de remuer du chef, de taper dans les mains, d’apprécier le jeu de scène dynamique du trio. Ovation. Deux belles premières parties, et françaises et synthétiques. Ne manquait plus que le séquanodionysien Kavinsky, tiens… Une seconde pause, puis vint l’heure de la (ou des) vedette(s) de la soirée, chauffant son (leur) public par « Everybody » des inénarrables Backstreet boys…
Si sa musique et son esthétique sont clairement empruntées au mid-eigthies, Carpenter Brut affirme que son nom serait une référence au champagne, non un emprunt-hommage aux films cultes et horrifiques de John Carpenter (et pourtant « Halloween » ou « The Thing » possèdent une approche synthétique et atmosphérique proprement similaire…). C’est la position officielle, blague ou pas. Aucune référence, donc, aux shows de Maritie et Gilbert… Pourtant quel pestacle dominical mes amis, en cette enceinte de l’Est parisien ! Carpenter Brut, tant de par son son que de par sa démarche aurait quelque chose de Daft Punk. Gorgé également de ce (relatif et confidentiel) retour à certaines sonorités ainsi qu’à certains visuels issus des années 1980, tel qu’opéré depuis le début des années 2010 (la BO de « Drive » en 2011, les nippes Obey aux graphismes inspirés par « Invasion Los Angeles » de 1988, ou encore le jeu « Hotline Miami » qui utilise d’ailleurs des musiques de Carpenter Brut). L’enfant des eighties que je suis ne peut qu’immanquablement penser (une vraie madeleine) au visuel d’« Out Run », le jeu vidéo de Sega, ainsi qu’au générique de « Miami Vice ». Plus d’autres babioles à la G. Moroder. Des palmiers, plantes emblématiques du genre, apparaissent en fond d’écran. Le son et lumière de l’artiste poitevin, mi sombre mi fluorescent, semblerait se découper en trois séquences. La première, basée sur les débuts et le premier album, « Leather Teeth » de 2018 ; la deuxième plus variétés années 1980, la peroxydée Yazz (entre autres) aurait fort bien pu débouler sur cette illuminée scène épauler Persha, cette chanteuse à voix faisant son apparition sur « Lipstick Masquerade »… et faisant perdre la patte atmosphérique qui caractérise le style, marquant quelque peu le ventre-mou du concert, appréciable mais par trop « Top 50 »… ; la troisième, titanesque, faisant exponentiellement exploser l’intensité globale ainsi que les sens de chacun : jeu de couleurs rouge et blanc, sanguinolent, faisant penser par analogie visuelle au « hit » de Slayer de 1986, puis pluie de paillettes sous boule à facettes sur la reprise de « She’s a Maniac », la BO de « Flashdance » de 1983 (la sonnerie de Kyle Broslofski) ; la totale totalité des gradins jubile, danse et s’éclate, à l’unisson de la fosse bras et mains tendus. Final brillantissime. Puis l’assemblée se disperse mollement à 22 heures 30 sur « Eyes Without a Face » du petit Billy (1984). Un triomphe vous écris-je. Et le tout sans aucun échange verbal entre l’artiste et son Zénith.