HOT on the rocks!

Interview de Martijn Westerholt de Delain

lundi/06/02/2023
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« April Rain », « Suckerpunch », « Hands of Gold » ou encore « Get the Devil Out of Me » n’ont bien failli ne plus jamais être joués en concert par Delain, suite aux annonces simultanées sur leurs Facebook respectifs des départs de quatre des cinq membres de la formation le 15 février 2021. Soit un peu plus d’une année après la sortie d’« Apocalypse & Chill » le 7 février 2020, un disque acidulé pourvu de sonorités ambitieuses, promettant de faire alors de Delain une sorte de Blondie metal. Mais un disque quelque part « mort-né », du fait d’abord de la pandémie qui s’ensuivit en mars. Pas de concert donc en 2020. Puis ce malchanceux Martijn, le clavier et cerveau du groupe, laissé en plan en 2021. Il est certain qu’une bonne dose d’opiniâtreté a été nécessaire à Martijn afin de sauver Delain ; preuve en est : l’ex-guitariste Ronald Landa (2006-2009) ainsi que l’ex-batteur Sander Zoer (2006-2016) sont de retour au bercail, et apparaissent la « terrific » (selon le terme du dossier-presse) chanteuse Diana Leah ainsi que le bassiste Ludovico Cioffi. Il en résulte « Dark Waters », le septième album studio de Delain (depuis « Lucidity » en 2006), lequel sort chez Napalm le 10 février 2023. Ce retour aux sources du son (ainsi que de l’esthétique) Delain, méritait forcément un Zoom le vendredi 20 janvier 2023 à 12 heures. Un Zoom méridien, et un Martijn en avance, qui frappe à la porte de la salle d’attente dix minutes plus tôt que prévu… Opiniâtre, ponctuel… et affable. Autobots ROLL OUT !

 

Art’n’Roll : Bonjour Martijn !

Martijn Westerholt (Claviers) : Bonjour ! On y va !

ANR : C’est la deuxième fois que j’ai le plaisir de te rencontrer : la première, ce fût avant votre concert du 6 décembre 2019 au Cabaret Sauvage à Paris, à l’occasion d’un « meet and greet » (NDA : informant le lecteur que le montant de la place du concert augmenté du moment passé avant avec le groupe ne dépassait pas les quarante euros). Ces rencontres payantes font actuellement débat au sein de la communauté metal : quelle est ta position à leur égard ?              

MW : J’aime rencontrer des gens, et les « meet and greet » constituent pour moi la meilleure opportunité afin de prendre le temps et d’entrer en relation avec nos fans.

ANR : Je portais un t-shirt d’Arkona, puisque le groupe de Maria « Masha Scream » Arkhipova avait assuré la première partie de Delain ce soir-là, et tu m’avais demandé si j’étais russe…

MW : Oooooh ! Amusant ! Bizarre que je t’ai dit cela, car tu as un bel accent français, j’aime beaucoup, je le trouve joli !

ANR : Merci ! Retour au présent ainsi qu’au futur proche : le 10 février 2023, Napalm Records commercialisera « Dark Waters ». Quel est ton état d’esprit en cette période de prépublication ?

MW : Mon état d’esprit ? Content, et reconnaissant d’être toujours là, de pouvoir sortir un nouvel album, car il y a eu beaucoup de choses depuis 2020 : le Covid évidemment, puis un véritable roller coaster émotionnel… Je me sens réellement content, je vis dans un endroit agréable, et j’attends avec impatience la sortie de ce nouvel album, puis de pouvoir ensuite reprendre la route : la vie est belle !

ANR : Le premier constat sera sur la forme : un retour à la couverture « classique » des albums de Delain, une illustration peinte d’un modèle féminin type « Art Nouveau », proche des peintures d’Alfons Mucha, comme l’étaient les pochettes de « We Are the Others » de 2012, de « Moonbathers » et « Lunar Prelude » de 2016, et non plus une photo de style contemporain comme l’étaient les pochettes d’« Hunter’s Moon » de 2019 et d’« Apocalypse and Chill » de 2020… Est-ce délibéré ?

MW : Tout à fait ! Ce choix est délibéré et nous permet de revenir à nos racines graphiques : j’apprécie le travail de l’artiste depuis que Charlotte (NDA : Wessels, la chanteuse de Delain de 2005 à 2021) m’a présenté à celui-ci. Oui, c’est la marque graphique de Delain, reconnaissable entre toutes, inspirée du style de l’Art Nouveau, et je l’aime ! Je suis très content d’avoir pu travailler de nouveau avec Glenn (NDA : Glenn Arthur, le peintre) ajoutant que la pièce d’art réalisée correspond parfaitement à l’intitulé de l’album.

ANR : Justement, et idem quant à cet intitulé, « Dark Waters », qui semble renouer avec ceux des classiques « Moonbathers » évoqué à l’instant ou « April Rain » de 2009…  Il y a comme un retour familier à l’élément aqueux… Me trompe-je ?

MW : Oui, nous pouvons établir un lien, absolument. De plus, Delain revient de très bas, de très profond, il ressurgit des eaux sombres.

ANR : Delain possède donc une toute nouvelle formation. Un mot, ou plusieurs, à propos de Diana Leah votre nouvelle chanteuse ?

MW : Great ! Un coup veinard ! C’est tellement difficile de remplacer une chanteuse, et Charlotte a effectué un formidable boulot durant toutes ces années… Parfois cela marche, parfois pas. Nous avons été chanceux. Des gens diront que la voix de Diana est la même que celle de Charlotte et que nous nous sommes contentés d’embaucher une simple doublure : ce n’est pas le cas, le hasard a fait que leurs timbres se ressemblent. J’ajoute que Diana est une personne agréable à vivre, nous pouvons travailler avec elle sans difficulté. Je me sens chanceux, voire béni…

ANR : En revanche, toujours pas de seconde guitare depuis le départ de Merel Bechtold en 2019 : pourquoi ne pas avoir profité de cette nouvelle mouture afin de réintégrer une seconde guitare…

MW : Très bonne question. Delain a passé plus de temps avec une unique guitare qu’avec deux. Il n’est toutefois pas exclu qu’une seconde guitare soit intégrée à Delain dans le futur. Je ne me suis pas encore décidé sur ce point. Pour moi, la chose la plus importante aujourd’hui est que la formation actuelle demeure stable, telle quelle. Nous avons connu tellement de changements que je veux avant tout que les membres ne changent plus.

ANR : La production de ce nouvel album semble être la plus avancée de votre carrière, celle d’un morceau comme « Underland » serait même une des plus ambitieuses…

MW : Oui, nous avons travaillé avec la même équipe de professionnels que sur les disques précédents. C’était comme revenir à la maison, et c’est crucial à mes yeux que le public reconnaisse notre son, l’ADN de Delain.

ANR : Tu évoques l’ADN de Delain : est-ce qu’« Apocalypse and Chill » comportait cet ADN ?

MW : Oui ! Lui aussi. J’ai été le principal auteur des chansons de Delain depuis le début. Charlotte s’est progressivement investie dans la composition, et avait également contribué à l’écriture de cet avant-dernier disque, ainsi que Timo (NDA : Somers, le guitariste de 2011 à 2021) sur deux chansons : « Apocalypse and Chill » est toutefois mon bébé comme le sont les autres albums de Delain, et ce, en dépit du fait qu’il est effectivement un tout petit peu différent de ceux-ci, oui.

ANR : Ce nouvel album semble plus cinétique que son prédécesseur… A ce propos, de quel film « Dark Waters » aurait-il pu être la bande originale ?

MW : Oh, elle n’est pas mal celle-là ! Well… Je pense… Un de mes films préférés est « Gladiator », et il m’a pas mal influencé dans mon écriture, donc cela pourrait être celui-ci, ou « Invictus », un film de ce genre… Oui, un film dramatique ferait l’affaire…

ANR ; Quand tu composes, joues et produis, adoptes-tu une approche synesthétique, c’est-à-dire qui associe sons et couleurs, sons et formes, sons et sens ? 

MW : Oh oui, oui, je vois où tu veux en venir… Non, je ne pense pas spécialement en couleur. Néanmoins, je sais que beaucoup composent de cette façon, c’est une approche intéressante… Je pense davantage en termes de vibrations, d’atmosphères…

ANR : As-tu des regrets de pas avoir pu défendre « Apocalypse and Chill » lors de sa sortie en février 2020 ?

MW : Ahem, nous l’avons brièvement fait (NDA : quelques chansons jouées sur la tournée de l’automne – hiver 2019) mais effectivement pas assez. Nous pouvons de toutes façons le faire sur notre prochaine tournée, après ce long hiatus, nous le ferons lorsque nous viendrons jouer par exemple à Paris…

ANR : Ouais ! Et je serai présent !

MW : Magnifique (Rires) Nous jouerons des morceaux de ce disque, oui. Et ce qui est amusant, c’est que si tu poses la question à Diana ou à Ludo (NDA : Ludovico Cioffi, le nouveau bassiste) de leur morceau préféré du répertoire de Delain, ils te répondront « Chemical Redemption » qui figure sur « Apocalypse and Chill »… Ils ont envie de le jouer sur scène.

ANR : Pour l’instant, la nouvelle formation de Delain a effectué cinq concerts, dont deux à la suite à Zwolle en novembre dernier : est-ce que la liste des morceaux joués à ces occasions sera celle de la tournée 2023 à venir ?

MW : Ahem… Ce sera un mélange entre les anciennes et très certainement bien plus de nouvelles chansons que lors de ces concerts de chauffe, puisque le nouvel album sera sorti ce qui n’était pas le cas en novembre dernier…

ANR : Vous commencerez cette tournée le 14 avril par Tilburg, ce qui n’est pas un hasard, me trompe-je ?

MW : Nous avons joué en novembre dernier à Zwolle qui est ma ville, et nous commencerons en avril prochain par Tilburg, qui est la ville emblématique du metal sympho néerlandais, et qui occupe par ailleurs une position géographique plus centrale, ce qui permettra aux spectateurs de Belgique ou de France de pouvoir s’y rendre. Je considère que c’est un très bon endroit afin d’entamer notre tournée.

ANR : Le 25 avril, vous allez jouer au Trabendo à Paris : connais-tu cette salle ?

MW : Non. J’ai joué à l’Alhambra, j’ai joué… heu… Au Zénith…

ANR : Au Cabaret Sauvage…

MW : Oui ! Mais jamais au Trabendo ! C’est joli ? Ou pas ?

ANR : Ce n’est pas aussi beau que le Cabaret Sauvage, le Bataclan ou que l’Alhambra…

MW : Oui. J’ai également joué à… Comment se nomme cette salle au style très « Gustave Eiffel » ?

ANR : Trianon ? Ah : Elysée Montmartre !

MW : Oui ! Elysée Montmartre ! J’aime cette salle…

ANR : Le Trabendo ce n’est pas du tout l’Elysée Montmartre… Tu seras en revanche très proche du public…

MW : D’accord, c’est bon à savoir. Nous sommes d’ores et déjà en train de préparer la deuxième partie de notre tournée qui aura lieu l’année prochaine : nous jouerons à Lyon, Toulouse, Bordeaux, puis de nouveau à Paris…

ANR : Delain a-t-il déjà joué à Bordeaux ?

MW : Oui, une seule fois. Oui.

ANR : Ce sera en avril votre quinzième passage à Paris, le premier fût le Bataclan le 21 mai 2007 : te souviens-tu de ce concert ?

MW : Oui, bien sûr. Nous y avons joué une fois avec Within Temptation et une autre avec Sabaton (NDA : 21 mai 2007 donc, et 14 janvier 2015) Bien entendu, ce lieu est depuis devenu tristement célèbre à travers le monde entier pour une autre raison, mais je l’apprécie. Oui.

ANR : Malheureusement, Delain ne jouera pas au Hellfest 2023 alors que vous étiez initialement programmés sur celui de 2020 reporté en 2021 puis 2022…

MW : Nous avons de nous-mêmes annulé, parce que nous n’étions pas certains à ce moment-là que Delain allait survivre. Ce n’est vraiment pas de bol, parce que c’est une affiche fantastique, passionnante, wow j’espère que nous pourrons revenir y jouer dans le futur… En revanche, nous jouerons cette année au Graspop Metal Meeting puis au Wacken Open Air… J’espère que nous serons à l’affiche du Hellfest l’année prochaine…

ANR : Je croise les doigts ! La scène metal symphonique néerlandaise est certainement la plus développée au monde depuis plus de vingt ans (Delain, Epica, Within Temptation, MaYaN, Nemesea, The Gentle Storm, Anneke van Giersbergen, etc…). On peut affirmer que les Pays-Bas sont LE pays du metal symphonique… As-tu une opinion à propos de ce succès ?

MW : C’est une TRES bonne question. J’ai commencé ma carrière dans les années quatre-vingt-dix au moment où The Gathering ou Within Temptation ont été créés, un peu avant qu’After Forever et qu’Epica ne soient créés, quatre grands groupes formés au cours des mêmes années, et je peux te répondre qu’il ne s’agit que d’une coïncidence… Je n’ai aucune explication plausible quant à cette coïncidence…

ANR : Dans une interview ancienne, Merel Bechtold m’avait répondu que c’était affaire de compétences… C’est également mon point de vue… A l’instar des suédois les néerlandais semblent doués afin de composer des mélodies. On ressent d’ailleurs cette aptitude à l’écoute de tes compositions. En France nous connaissons, et même pouvons dire que « nous avons », ton compatriote Dave, qui fait partie du paysage de la variété française depuis le milieu des années soixante-dix. Le connais-tu ?

MW : Non, je ne le connais pas. Je vais vérifier. Merci pour cette suggestion. Cool. Ton point de vue m’intéresse.

ANR : A ce propos, si Delain était un autre groupe, tous styles confondus si tu le souhaites, ce serait lequel ?

MW : Whooo ! Question difficile… Connais-tu The Birthday Massacre ?

ANR : Oui.

MW : Je les aime.

ANR : Oui.

MW : Ils sont canadiens.

ANR : Oui.

MW : Et ils dégagent des vibes similaires aux nôtres. Assez années quatre-vingt, ce qui diffère un peu de nous. Donc, je pense à ce groupe.

ANR : C’est une question que je pose dès que j’ai un protagoniste de votre scène à portée de micro : quelle serait selon toi la capitale du metal symphonique ? Ruud de Within Temptation m’avait répondu Tilburg ?

MW : Nooooon, tu sais à quoi je pense ?

ANR : Non…

MW : Kitee…

ANR : QUOI ?

MW : Kitee, en Finlande… Tu sais qui est de là-bas ?

ANR : Tarja, Tarja…

MW : Et Tuomas (NDA : Holopainen), Nightwish… Je pense c’est LA capitale…

ANR : Quel serait ton personnage de fiction favori ?

MW : (NDA : du tac au tac) OPTIMUS PRIME ! Transformers…

ANR : WOAAAAAAAH ! YESSSSS !

MW : (Rires)

ANR : Moi aussi, entre autres !

MW : AH VRAIMENT ?!? (Rires) Je vais te montrer quelque chose, une seconde (NDA : se lève et revient de suite hilare avec en mains une réédition d’Optimus Prime d’un beau gabarit sous blister)

ANR : GREAT ! Merci ! Je collectionne moi-aussi…

MW : Ah bon ?!?

ANR : Transformers, Maîtres de l’univers, Goldorak… Tu connais Goldorak ?

MW : Oui, c’est tellement années quatre-vingt !!! C’est merveilleux (NDA : Sourire de bonheur)

ANR : A moi de jouer ! Attends !

MW : Cool !

ANR : (NDA : se lève et va chercher un Goldorak Shogun de 1979)

MW : AHHHHHHHHHH ! (NDA : lève les deux pouces en l’air) C’est si années quatre-vingt, c’est beau ! Je vais t’en chercher un autre, attends (NDA : se lève et revient de suite avec Megatron de Transformers) Tu reconnais celui-là ?!? (Rires)

ANR : Oui.

MW : C’est Megatron !

ANR : Une question sur l’actualité musicale à présent : le guitariste Jeff Beck nous a quittés le 10 janvier dernier, aurais-tu un mot à nous dire à propos de Jeff Beck ?

MW : Qui ça ?

ANR : Jeff Beck, tu connais Jeff Beck ?

MW : Je suis mauvais avec les noms, j’oublie les noms TOUT LE TEMPS (Rires)

ANR : Quel est le bruit que tu déteste le plus ?

MW : Oh ! Le freinage d’un train !

ANR : Pourquoi ?

MW : Parce que c’est trop aigu, et cela me brise les tympans à chaque fois…

ANR : Tu prendras le train pour te rendre à Paris en avril prochain ?

MW : Je n’ai pas de problème, par contre, avec le fait de voyager en train. Je prends pas mal le Thalys, notamment pour Paris. Quand le train freine en entrant en gare, je me bouche systématiquement les oreilles…

ANR : Merci en tous cas pour cette très bonne interview !

MW : (NDA : en français) Merci beaucoup ! J’espère te voir à Paris !

ANR : Je serai là. Bonne journée !

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