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Interview de Jirfiya

mercredi/08/03/2023
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Art’N Roll : Pour commencer, parle moi de la signification du mot Jirfiya ?

Ingrid : On cherchait un nom, au départ nous sommes partis sur les pierres, les pierres précieuses. En cherchant un peu je suis tombée sur le nom d’une comète qui serait tombée dans le désert libyen ; qui s’appelait Jirfiya, j’ai trouvé que ça sonnait bien. Maintenant ça évolue, j’aime bien imaginer que Jirfiya arrive sur terre et qu’elle s’incarne dans une espèce de déesse des tourments qui découvre ce qu’il se passe sur terre et qui s’affole devant la folie du monde, qui ne sait pas du tout comment se battre mais qui refuse de se taire.

ANR : Vous avez eu quelques changements de line up dernièrement, quel impact cela a-t-il eu sur la création de « W » ?

Ingrid : Pascal qui est un des fondateurs du groupe est parti pour des raisons professionnelles à l’autre bout de la France. On a essayé de continuer malgré la distance mais on s’est vite aperçu que c’était compliqué. Jérôme a pris la basse pour la composition de cet album.

ANR : On a pu découvrir « W » il y a quelques jours, peux-tu me parler de cette lettre qui laisse planer le mystère ?

Ingrid : Tout l’album parle de la condition des femmes à travers le monde donc c’est le W de women mais ça peut être le W de war, why ou encore wild, ou encore Wait, mot que l’on retrouve dans nos précédents albums.

ANR : Chaque chanson parle de femmes fortes, en colère, réelles ou fictives. Peut-on reprendre chaque titre de l’album afin de parler de ces femmes ? Et avant de se lancer dans l’exercice est ce que l’idée de parler de ces femmes est venue de toi ou des autres membres du groupe ?

Ingrid : C’est venu de discussion mais c’est quelque chose sur lequel Jérôme est très en alerte. Forcément la question des droits des femmes à travers le monde se pose tous les jours. Si tu es humain et un peu sensibilisé tu fais face à ce sujet au quotidien.

On avait déjà un morceau sur « Still Waiting » qui s’appelle « Silently » qui est notre morceau d’ouverture en live et qui parle de l’interdiction à l’avortement au Salvador, des femmes sont emprisonnées, elles se font dénoncées par leur médecins. Déjà sur l’album précédent tu peux voir que c’est quelque chose qui nous remuait pas mal.

Quand on a commencé à parler de l’album nous étions en période de confinement, on avait plus de temps pour lire et se documenter. Moi, j’avais vu le Bal des Folles, un film de Mélanie Laurent, adapté d’un roman. C’est le premier morceau de l’album qui s’appelle « Asylum » et en fait je crois que c’est parti comme ça.

Dans « Asylum » on parle du professeur Charcot à la Salpêtrière qui avait un asile de femmes, qu’il espérait probablement remettre dans le droit chemin. On se débarrassait aussi bien des SDF, que de femmes vraiment malades, que des filles de bonnes familles dont on voulait se débarrasser. Sous couvert d’expérimentation, il a créé ce bal des folles qui était un bal de notables, il les faisait se farder et leur promettait la soirée du siècle et elles y allaient se faire jeter en pâture. C’est une histoire assez forte. Des études du professeur Charcot, Freud en a tiré le concept d’hystérie.

ANR : C’est vrai que nous les femmes nous sommes trop facilement traitées d’hystériques dès que notre comportement ne rentre pas dans la norme. Au lycée, dès qu’une fille était un peu dissipée, elle la traitait d’hystérique en précisant bien que les hystériques étaient des femmes en manque de sexe qui voulaient l’attention sur elles.

Ingrid : Dès notre enfance nous sommes sexualisées, d’ailleurs cet album n’est pas que victimaire, c’est dénonciateur et à travers ces histoires on a mis un soin à ce qu’on sente toujours la résistance derrière. Dans « Asylum » c’est une fille qui rêve de le bouffer.

ANR : Ensuite nous avons « Sister In Blood »

Ingrid : C’est un autre point de vue féminin, on voulait quelque chose de nuancé. C’est sur la sœur de Kim Jong-un qui s’appelle Kim Yo-jong, qu’on a imaginé dans l’ombre mais qui finalement sort des choses affreuses en conférence de presse. Peut être qu’en tant que femme elle n’a pas pu accéder au pouvoir, je ne sais pas comment ça fonctionne dans leur dynastie.

ANR : Justement je pense que sa fille accèdera au pouvoir puisqu’il vient d’interdire à quiconque de porter le même prénom.

Ingrid : Oui c’est vrai, nous on a écrit sur la sœur et entre temps il sort sa fille, on avait pas connaissance de cette fille. Ça va être une guerre des clans abominable cette histoire.

ANR : Ensuite, nous avons « Dark Storms »

Ingrid : C’est une femme médecin afghane qui a été la première femme députée au parlement afghan. Elle a fini par devoir s’exiler comme beaucoup d’afghane mais c’était une militante là-bas qui a agi pour le droit des femmes. Cette chanson est un hommage à cette femme.

ANR: « The Path of Hate”

Ingrid: C’est sur la montée des extrêmes, sur la figure de Marine Le Pen. La chanson commence par « elle aurait pu choisir n’importe quel boulot, n’importe quel voie et elle choisit la voie de son père, l’héritage et l’idéologie de son père » que nous on trouve haineux. Est-ce que c’est le pouvoir qui rend dingue, je sais pas mais en tout cas le nationalisme a de beaux jours devant lui.

ANR : « The Factory »

Ingrid : C’est le sujet le plus casse gueule. Je voulais parler du problème de fertilité des femmes quelque soit la raison, par l’âge, par des problèmes médicaux. Je voulais parler de ça car il y a des femmes qui s’engage dans des parcours très long de PMA. Ça conduit à s’interroger sur jusqu’où peut-on aller moralement.  Il y a aussi des pays ou il y a des mères porteuses.

Et il y a des pays comme le Nigeria dont on parle dans la chanson où des systèmes mafieux se sont créés où des jeunes femmes sont kidnappées, violées afin d’être engrossées pour revendre les bébés. Certaines femmes le savent et ferment les yeux car le désir d’enfant est plus fort.

Donc sujet casse gueule en essayant de ne pas tomber dans le jugement.

ANR : « An Endless Journey »

Ingrid : Ça parle d’une réfugiée qui traverse la méditerranée. Ces gens qui quittent tout pour trouver un avenir meilleur. Là il s’agit d’une femme qui voit l’horreur chaque jour et qui se demande si elle va y arriver et si elle reverra ses enfants.

ANR : « The Girl With The Perfect Face”

 

 

Ingrid: Sujet aussi d’actualité, la dernière en date à en avoir fait les frais c’est Madonna. L’âgisme qui découle du sexisme dans le milieu du divertissement.

C’est une histoire vraie. Linda Darnell qui était une actrice hollywoodienne des années 50 qu’on appelait « The Girl With The Perfect Face » depuis petite. Elle a eu pour compagnon Joseph Mankiewicz et à 30 ans, tout s’arrête parce qu’il trouve Ava Gardner et ça sonne la fin de sa carrière.

Aujourd’hui avec les réseaux sociaux on en est pas sortis, pleins de jeunes filles ont recours à la chirurgie parce qu’il faut répondre à des standards de beauté. On n’en a pas fini avec l’image qu’on doit avoir.

ANR: On termine avec « Far Away From Here”

Ingrid : Ce titre parle des violences conjugales. C’était un titre de « Born From Lie » qui était plutôt sur une victime du terrorisme, qui se retrouve à l’hôpital avec sa famille autour. On l’a réadapté pour l’occasion autour de ce thème là, avec sa famille autour qui se demande s’il y avait des signes, s’ils auraient pu anticiper ça. Cette chanson est plus tragique que les autres.

ANR : On a pu constater que sur l’album vous aviez 3 guests, ce qui fait que vous avez des morceaux avec de la trompette, du violon et du violoncelle. D’où vous est venu cette envie ?

Ingrid : Sur « Born From Lie” je sais que Jérôme avait essayé des parties symphoniques un peu programmées. Pour le trompettiste, il le connaissait car il avait bossé avec sur « Born From Lie”.

Et pour les autres, initialement on cherchait plutôt violon, on a posté une annonce, Coline a répondu à l’annonce et elle a direct adhéré au projet. Ça l’a inspiré et elle a ensuite proposé le violoncelle qui est un ami à elle.

Comme on a des morceaux assez longs qui sont construits avec des thématiques assez dramatiques, ça fait un petit film à chaque fois avec des moments de tensions ou de relâchements, ça accompagne vraiment bien l’ensemble. Ça rajoute à la dramaturgie de chaque morceau.

ANR : Avant de se quitter, peux-tu me parler des projets du groupe ?

Ingrid : Surement un nouveau clip. Notre objectif de l’année c’est de trouver plus de live.

On a notre release le 26 avril à la Péniche Antipode et on espère en avoir rapidement plus.

ANR : Un mot de la fin ?

Ingrid : Allez sur bandcamp c’est là que vous soutenez vraiment les artistes en direct.

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