À l’occasion de la sortie de la sortie de Aftermath, Art and Roll a pu discuté avec Pascal, un des membres fondateurs de Carcariass et également le grand manitou derrière les compos musicales.
Petit rappel pour ceux qui ne connaissent pas Carcariass. Carcariass vient d’un dérivé du nom issu du grec Carcharodon carcharias qui signifie « Grand requin blanc ». Groupe fondé dans les années 1990 à Besançon, ils sortent 2 albums début 2000, excellents albums d’ailleurs, qui ont été réédité sous le nom de Hell & Torment en 2012.
L’album Afterworld est sorti le 14 avril 2023.
Interview réalisée le 28 avril, en visio dans la bonne humeur malgré les soucis techniques.
Merci à Roger de « Where The Promo Is »
ANR — Bonjour Pascal, merci de nous accorder cette interview. Je suis Jehleen, et il me semble, c’est vous qui enregistrez toutes les guitares – j’ai bon ?
Pascal –Oui, je compose la musique, je fais et enregistre toutes les guitares depuis le tout début de Carcariass, je suis l’ancien du groupe.
ANR —Il y a beaucoup d’anciens dans le groupe, ou vous êtes le seul « survivant » ?
Pascal –Les deux plus anciens sont Bertrand le batteur et moi. Raphaël, le bassiste, nous a rejoints quelque temps plus tard. On a fini par le mettre au chant, car on a eu du mal à trouver un chanteur qui nous correspondait. Il a un peu improvisé, il a un chant un peu death basique. ça a fonctionné comme ça pendant des années. On a fait une longue pause avant de faire Planet Chaos. Raph devait chanter mais une connaissance nous a parlé de Jérôme et on a fait des tests pour une chanson. Le résultat nous a beaucoup plu ; ensuite c’était parti. Maintenant Raph n’est plus que bassiste. (Rires). On a un vrai chanteur devant, et on est super contents. Ça marche bien et sa voix colle bien avec notre style de musique. Jérôme a un chant clair avec un timbre qui permet de comprendre ce qu’il dit. On sort du death metal traditionnel, avec son chant : on improvise avec ses talents, on a fait le mélange et on a sorti cet album qui change de l’ordinaire de Carcariass, comparé avec ce que l’on fait habituellement.
ANR — Parlons justement de l’album. Quel est le concept derrière Afterworld ? J’ai lu que vous étiez imprégnés de science-fiction ; est que c’est du post-apo ou autre chose ? Et question subsidiaire : comment est venue l’inspiration pour Afterworld ?
Pascal Quand je compose, ça part d’une musique qui m’inspire. Il n’y a pas d’idée de concept. Je ne me dis pas « je vais écrire sur tel thème ». Non, rien à voir. Je fais une musique, elle me plaît et ensuite on développe les paroles. Il est vrai que la science-fiction colle bien avec nos sonorités, mais ce n’est pas volontaire. On essaie de faire quelque chose d’harmonieux entre la musique et les paroles. Évidemment, on ne va pas parler de petites fleurs. On évite les sujets politiques, religieux, tous ces trucs-là, car on est musiciens. On veut rester neutre, on reste dans notre rôle. Je trouve pas mal que la musique reste dans son cadre, mais chacun voit les choses comme il veut.
ANR — Donc tout a commencé avec une mélodie et le reste s’est enchaîné.
Pascal — Oui, ça commence toujours comme ça.
Je joue et j’improvise, j’enregistre des plans. Parfois un plan me plaît bien et, à partir de ce plan de base, je brode, je fais progresser le morceau, il y a une structure qui se forme. On décide ensuite si on va le chanter ou non. Si on le chante, je vais l’arranger pour y inclure des structures plus basiques pour aller avec le chant (couplet & refrain). Si c’est vraiment trop alambiqué, on fait un instrumental. Il y a des moments où je commence à composer et je ne peux plus m’arrêter, les mélodies volent dans mon esprit, je trouve plein de choses, je veux pas faire une deuxième compo ; du coup je fais un instrumental. Car sinon cela donne des morceaux qui se ressemblent trop. Si j’ai peu de plans, j’organise une structure et Jérôme s’amuse dessus. Jérôme est complètement libre pour les paroles. On lui donne un thème, un truc, et il gère. Moi je ne participe pas du tout.
ANR — En parlant du chant, dans une ancienne interview, j’ai entendu que, pour Carcariass, le chant était un instrument à part. L’album Planet Chaos est à 90% instrumental et le petit dernier, Afterworld, c’est 90% chanté. Qu’est ce qui a motivé le retour du chant entre ces deux albums ?
Pascal — Planet Chaos était prévu avec Raphaël au chant, mais Jérôme est justement arrivé pendant les enregistrements. Si on avait connu Jérôme avant, il y aurait eu beaucoup plus de chant. Depuis que Jérôme nous a rejoints, son travail et sa voix correspondent bien à ce que j’imagine, donc je fais beaucoup plus de compos qui permettent le chant. J’ai trouvé mon bonheur. D’ailleurs, sur le prochain album, je ne suis pas sûr qu’il y aura un morceau instrumental. Peut-être un pour le principe, mais pas sûr.
ANR — Qu’est-ce que vous retenez de marquant dans le processus d’enregistrement d’Afterworld ? Qu’avez-vous le plus apprécié ou le plus détesté ? Et petite question subsidiaire, avez-vous un morceau préféré ?
Pascal (Rires) La question subsidiaire, je vais y répondre car c’est facile. C’est « Identity ». Un morceau pur Carcariass, un peu prog qu’on a toujours eu et le chant dessus est vraiment bien. C’est ma préférée car elle est dans l’esprit de ce que je veux sortir au niveau des mélodies, avec un côté science-fiction et punchy.
Concernant l’enregistrement… Qu’est ce qui m’a marqué ? On était en vitesse de croisière car on connaît l’équipe et le studio. Le mastering a été envoyé à Bogren [Fascination Street Studio, Sweeden] par Drop [guitariste de Samael]. C’est Drop qui nous a mis en relation et nous a conseillés Bogren, car ils travaillent souvent ensemble. Drop ne pouvait pas faire le mastering, il saturait et nous aussi, donc l’oreille extérieure était indispensable et, au final, on est très contents du résultat.
ANR — J’aimerais faire une petite parenthèse sur les clips. Je voulais savoir comment se passe la genèse des clips ? Et je me demandais si vous avez déjà envisagé d’en inclure dans vos shows, à l’arrière, à la place du back drop comme certains groupes le font, ce serait dément.
Pascal — C’est une bonne idée, ça – on y a pas pensé. Pourquoi pas, oui. J’ai effectivement déjà vu quelques groupes le faire et c’est vrai que ça donne un super rendu.
Pour les clips, on envoie ça en Grèce chez notre contact (NDLR Harris Kontouris] et on lui laisse carte blanche, on lui donne juste une ligne et le titre qu’on a choisi au préalable. Il nous envoie la progression et en général on est contents, car c’est assez réussi. On a rarement beaucoup de choses à dire. Visuellement ils sont très réussis. On discute et on choisit des titres accrocheurs, pas trop longs ; c’est un choix qui reste promotionnel quand même. « No Aftermath » est un morceau simple – je crois que c’est le plus simple de toute notre carrière (rires). En faisant ce titre, on en a probablement déstabilisé plus d’un, qui n’avait pas l’habitude de ce genre de morceau, venant de notre part.
ANR — En parlant d’Aftermath, vos influences musicales ont-elles beaucoup évolué depuis toutes ces années ? Parce que, sur ce morceau, il y a de l’électro, c’est très inattendu.
Pascal –Oui. Oui, complètement. On vit avec notre temps. Dans les années 90, on était tous fans de Death, Coroner et tout ça, donc on avait des influences issues de ces sonorités-là. Maintenant, on a élargi nos champs.
Personnellement, j’ai arrêté le bourrin et tout ce qui est brutal. J’ai un peu décroché avec l’âge. Aujourd’hui j’écoute du jazz, jazz fusion heavy hard rock. J’écoute un petit peu d’électro, j’aime bien, et d’ailleurs c’est la raison qui m’a poussé vers le synthé. J’enregistre des pistes de synthé. J’aime beaucoup la musique ambiante, ou style musique de film. Elles représentent de grosses influences sur Planet Chaos. Il y a, d’ailleurs, un titre très inspiré de Terminator, je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite mais c’est en réécoutant plus tard je me suis dit « mais ça sonne vachement comme dans le film ! » C’est en voyant le clip [« Star Implosion »] que j’ai fait le lien.
ANR — Quelques noms, histoire de se faire une idées des influences du moment ? Quels sont vos artistes du moment ?
Pascal — J’aime beaucoup Zombi, c’est un groupe un peu étrange de fusion metal et instrumental ; ils sont très basés sur le synthé mais avec un vrai batteur, ce qui est cool car ça donne une chaleur incroyable à leurs compos. J’adore les écouter, juste pour le batteur et les sonorités car ça fait très films de Romero, ils portent bien leur nom. c’est vraiment très bien. J’aime bien les groupes de post-rock comme Tide from Nebula, Lost. En Pologne, ils ont beaucoup de bons groupes post-rock. En Suissse, il y a un groupe excellent, c’est Monkey 3 de Lausanne. En revanche, en metal plus traditionnel, je n’ai pas eu de coup de cœur. On a un problème avec la musique, avec Spotify et autres : il y a une quantité phénoménale de musique qui nous arrivent sur le coin de gueule et on est comme tout le monde, on zappe, on mémorise plus rien. Alors qu’avant on allait chez le disquaire on achetait un disque et écoutait tout de A à Z : on l’exploitait de disque. Maintenant, c’est un peu du jetable. C’est dommage. On écoute un groupe et ensuite il y en a dix autres qui arrivent, c’est dur de retenir des trucs. Heureusement, de temps en temps, il y a un album qui vous met un gros coup de cœur.
ANR — Comment s’est passé l’après Planet Chaos ? C’était le grand retour avec des concerts et des interviews.
Pascal— Ben non, c’était la loose complète, c’était COVID !
On avait plein de choses prêtes et tout est tombé à l’eau. On était dégoutés car on n’avait pas sorti d’album depuis un long moment. Le point positif, car on est pas trop déprimés, c’est que j’ai pu bosser toutes les compos pour Afterworld. C’est pour ça qu’Afterworld est arrivé assez vite alors qu’en général, on est pas très pressés. C’est la première fois qu’un album de Carcariass sort aussi vite. On a battu tous les records (rires).
ANR — Il me semble que les deux premiers albums sont arrivés assez proches l’un de l’autre non ?
Pascal — Ouais, c’est vrai, mais à cette époque on faisait que ça. j’étais étudiant, j’avais que ça à foutre. À l’époque, on était gamins, on faisait que ça du matin au soir. De temps en temps j’allais bosser (rires) mais c’était surtout la guitare. On était à fond : on faisait des soirées beuverie jusqu’à 2 h et après on allait au local répèt après la beuverie pour faire des morceaux. C’était extraordinaire. On ne le ferait plus maintenant, on y pense même pas… Maintenant on travaille, on a moins d’heure pour la musique.
ANR— Quels sont vos projets ? Une tournée de prévu?
Pascal— Oui, on attend les confirmation de dates. On est encore en période post-covid, il ya toujours des fests qui se décalent ou s’annulent. Beaucoup d’assos et de contacts ont disparu. C’est plus compliqué pour trouver des dates. Je pense qu’il y aura encore une année difficile avant que ça se stabilise. En attendant, on se prépare et on est bientôt fin prêts. On a joué il n’y a pas longtemps avec Samael, on a été invités au dernier moment [NDLR concert à l’Usine de Genève en février 2023 avec Versatile Carcariass Kassogtah et Samael]. Ça nous a fait super plaisir, on a pu tester nos nouveaux morceaux et c’était une réussite. Sur scène, c’est pêchu, ça rend superbe. On se réjouit de pouvoir refaire de la scène.
ANR— Avez-vous un endroit où vous rêveriez de jouer ? Je sais que vous avez joué en 2017 au Hellfest, mais il y aurait un autre endroit ?
Pascal— Euh partout (rires) ! Le Hellfest était une expérience incroyable. (soupir) Le rêve, ce serait de jouer aux États-Unis. Faire un concert et un peu de tourisme, ça pourrait être cool avec le groupe(rires). Ca pourrait être bon délire.