Sur le chemin du Metal Corner mon pote Paul me met au défi de subrepticement glisser le mot « Castor » dans mon Live Report à venir. Dont acte. Voilà c’est fait. Cette deuxième fournée est lancée à 10 heures par le trio bruxellois My Diligence sur la Valley. Deux guitaristes et un batteur pour un stoner abrupt et planant parent des essonniens d’Hangman’s Chair. Il n’y a pas grand monde à l’entame ; mais un millier de personnes trente minutes plus tard ; attentives et réceptives sous la voûte céleste grisâtre. Syndrome 81 que je devais prévisionnellement couvrir semble simultanément ouvrir sur la voisine War Zone : initialement annoncé pour onze heures cinq le passage du quintet a dû être avancé ; dommage j’aurais volontiers voulu en savoir plus sur ces brestois, leur musique oï mâtinée de post punk (pédale à effets et arpèges) et leurs textes ouvriéristes dans la langue de Miossec… Flûte. En parlant de pédales et dans l’immédiat, Cédric Fontaine le guitariste – chanteur de My Diligence triture les siennes à genoux sous une rétributive ovation. « Merci ! ». La concentration palpable des trois amis d’Outre-quiévrain aura finalement emporté l’adhésion de cette Valley new look. Deux salles, deux ambiances : « Approchez vous !!! Venez… Vous tester au monde merveilleux des trolls !!! On est là pour botter des culs !!! » braille de la Main Stage 1 Antoine le malicieux (et à la dentition susceptible de provoquer moqueries de la part d’un ancien président de la République) hurleur du quatuor toulonnais P-Troll à l’adresse des participants matinaux. Lesquels tapent à l’unisson dans leurs pognes, c’est sympa, au rythme d’un hard rock daté. Sympa également d’avoir programmé une formation (récente mais) rappelant les meilleurs moments des premiers festivals du genre dont le Hellfest n’est que l’illustre descendant. Ganafoul à la même heure l’an prochain ? Un bond à l’Altar afin de prêter attention à Venefixion, du death en provenance de la péninsule bretonne. C’est bouillant. Déboule ensuite Escape the Fate sur la Main Stage 2 : du metalcore juvénile from Las Vegas chanté avec la banane ; et dont le batteur a emprunté au meilleur de Tommy Lee (look et lourde frappe). Tommy Lee qui, vous le verrez, sera plus que présent en ce vendredi. Premier Wall of Death à midi une. À l’ancienne un homme intégralement vêtu d’une combinaison fétichiste zentaï (« collant pour le corps entier ») rouge vive slamme puis est évacué par la sécu. Les quatre castors (et de deux !!) juniors prennent congé de nous à douze heures dix. À onze la bâche des Quireboys est dressée en fond de Main Stage 1 tandis que les roadies achèvent la balance. À quatorze les quatre britanniques égrènent les accords d’« I Love This Dirty Town » ; on dirait bigrement « Sting Me » des Black Crowes. Car l’inextricable blème de la formation stonienne / facienne du Hellfest 2023 (l’an passé c’était Dirty Honey même scène même heure) est d’avoir précédé les cinq d’Atlanta de deux petites années sans avoir malheureusement becqueté un quart des graines récoltées par les Crowes. Je repense en cet instant à cet article « Clones des Stones » publié dans le Nouvel Obs spécial Stones de juin 1990 : Laurence Romance y qualifiait alors les Quireboys de « Réponse anglaise à Guns’n’Roses »… Ladite réponse n’a pas été couronnée de prospérité. Leur heavy rock « Rod Stewartien » est toutefois agréable à redécouvrir. Une jeune femme en t-shirt kaki et minishort gambille sous le soleil gobelet à la main ; tandis que circule le premier gusse au bob Cochonou du jour. Regagnons le nord du site : plusieurs files aux longueurs identiques et purement stupéfiantes piétinent devant The Sanctuary, le nouveau et monumental bâtiment uniquement consacré au merch du Hellfest ©
A treize heures trente-cinq s’ébat le British Lion de Steve Harris. Le projet de hard rock anglais qui autorise le bassiste de la Vierge de fer à faire de temps à autres (en l’occurrence quarante minutes) quelque chose de moins corporate et de plus confidentiel. Y compris sur la Main Stage 1. Avec les vétérans street punk de Cockney Rejects qui animeront tantôt la War Zone, on compte donc au minimum deux formations supportrices de l’équipe londonienne (du moins une des quatorze équipes professionnelles) de West Ham (qui vient de terminer quatorzième en Premier League 2022-2023). Coïncidence il est quatorze heures. L’intérêt de ce début d’après-midi réside en la découverte de mes compatriotes (région PACA) d’Akiavel : un groupe de melodeath emmené par la longiligne Auré, une diva brune évoquant quelque peu Clémentine Delauney de Visions of Atlantis (en moins pirate et en plus teigne). La Temple opine du chef comme un unique être ; « merci » répond-t-elle au tumulte, avant de demander puis d’affirmer « Hellfest vous êtes chauds ?!? Je veux vous entendre !!! Vous êtes fous !!! » sous un déluge de blast produit par les trois instrumentistes dont un bassiste et un guitariste se ressemblant physiquement (ce sont les habits noirs et l’absence de cheveux). Maîtrisant ses effets, la maitresse de ces lieux l’espace de soixante minutes calibre ses moues et sa gestuelle, se passant la main dans sa chevelure jais avant de scander puis d’être suivie en cadence par la Temple. Qu’elle toise. Des doigts se lèvent. Une musique de bonne facture, un groupe doté d’une incontestable personnalité ; lequel gagnerait à alterner encore plus les tempi et à davantage agrémenter de chants clairs. À suivre. Sinon les queues devant The Sanctuary ne maigrissent guère. Emplis de bonne volonté les fusionnels Silmarils nous reviennent des tréfonds des années quatre-vingt-dix l’espace de quarante-cinq minutes pour ambiancer la Main Stage 2 ; je ne cache pas un certain contentement de revoir le francilien David Salsedo les cheveux désormais bruns (et un peu de bâvout à la commissure des lèvres) nous conseillant comme jadis de courir vite. Passage au VIP où le screamer au crin noir et rougeâtre d’Escape the Fate stationne avec son amie tous deux en pamoison devant la fontaine aux capuchonnés d’albâtre… J’étais parti sur un point de vue négatif quant au dossier Skid Row. Je n’avais pas fait grand cas de l’album publié l’an dernier par les trois forçats du New Jersey (Snake Sabo, Scotti Hill et Rachel Bolan) et leur nouveau chanteur (quatrième remplaçant de l’irremplaçable Sebastian Bach) le suédois Erik Grönwall. Impression confirmée à seize heures quarante-huit. Poussif est le chant sur « Slave to the Grind » leur inégalable scud de 1991, où les guitares cumulées des fidèles Snake Sabo et Scotti Hill font toujours l’effet d’un Boeing au décollage. Idem sur « Big guns » une scie hair metal de 1989, du temps béni ou Jon Bon Jovi (un intervenant rêvé pour l’édition 2024) les avait pris sous sa forte et généreuse aile italo-américaine. Pourtant l’indifférent préjugé va petit à petit être battu en brèche. D’abord sur « 18 and Life », où Grönwall va prodigieusement tenir les notes comme les tenait naguère son révéré aîné (il n’avait que deux ans à la sortie de « Skid Row ») et conférer une juste émotion à cette complainte nimbée de réalisme canadien. Puis sur les mastocs et jouissifs « Livin’ on a Chain Gang » et « Monkey Business » ; le nouveau venu fait d’ailleurs chanter les festivaliers sur la partie instrumentale de cet immortel hard rock. Puis descend à leur contact. L’auditeur s’acclimate. La satisfaction va crescendo au fil des réinterprétations. Grönwall retourne mes idées préconçues en vingt minutes. Pointant du doigt les spectateurs Snake Sabo accuse quelque peu le poids des millésimes, le guitariste (et leader) paraît maquillé mais œuvre plus que correctement. Bien joué Erik ! Pendant ce temps ce bon vieux cinéphile british de Tony Dolan gribouille quelques autographes (dont une veste à patchs) aux abords de l’espace presse avant d’ingurgiter une triple gorgée d’eau minérale ; le bassiste-chanteur de Venom Inc. est accompagné de l’antédiluvien Jeff Mantas bandana noué autour de l’occiput, rien de moins que le premier guitariste de black metal. Oui, Venom Inc. joue ce soir en tête d’affiche de la Temple !
De retour de la (courte because retard des intéressés) conférence de presse de Def Leppard (Phil Collen et Vivian Campbell en personnes !) je me colle à dix-huit heures vingt-cinq une petite lampée d’alt metal avec Alter Bridge. Puis les pas-cafardeux néo-metalleux Papa Roach créent la surprise Main Stage 2 en osant une reprise de « Lulaby » des Cure (1989) à dix-neuf heures cinquante-quatre. Inattendue et pas mauvaise. Les ricains feront d’autres emprunts tous azimuts (« Firestarter » de Prodigy ; « Still D.R.E. » de Dr Dre ; « We Will Rock You » de Qui-on-sait…). Les quatre de Vacaville inaugurent cette babillante soirée sous de colossales flammes crachées par l’estrade. Le soleil nous dit bonne nuit pour la deuxième fois (ou troisième étant donné que j’étais déjà présent mercredi), mais pléthore de stars d’hier et d’aujourd’hui vont se relayer la soirée durant sur les deux scènes principales. En premier lieu Def Leppard à vingt heures vingt-cinq avec, comme pressenti, l’entrainant « Take What You Want », premier extrait de « Diamond Star Halos » commercialisé il y a un an et un mois, le meilleur album du léopard sourd depuis facilement « Adrenalize » (1992) ; un morceau glamour et enchanteur piochant chez les deux influences essentielles des cinq de Sheffield : AC/DC et Mott the Hoople. Enchainé sur « Let’s Get Rocked » le tube d’« Adrenalize ». Def Lep’ sort l’artillerie lourde. Le chanteur Joe Elliott s’est fait une splendide coloration « Françoise de Panafieu » ; il joue de son pied de micro blanc levé avec fausse désinvolture mais véritable certitude (celle d’être bon) désignant la foule à interstices réguliers ; flanqué à sa gauche des guitaristes Phil Collen (vêtu d’un costume échancré haute-couture donnant l’impression qu’il est à moitié à poil) et Vivian Campbell (débardeur noir, écharpe or, costume trois-quarts sable-saumon et lunettes de soleil) ; à sa droite déambule le peroxydé bassiste Rick Savage (en mains sa rutilante quatre-cordes blanche et noire Union Jack, héritage visuel des Who). La voix d’Elliott est parfaite. On dirait la version studio. Un scénique impérial. Le glitteroïde (merci Marc Bolan et Mick Ronson) « Kick » de 2022 n’a pas à rougir de la comparaison avec les standards de Def Leppard ; assenés dans cet ordre : « Love Bites » (1987) ; « Switch 625 » (1981) ; « Hysteria » et « Pour Some Sugar on Me » (1987) ; « Rock of Ages » et enfin « Photograph » (1983). Visage de senior et corps de bodybuilder, Phil Collen est au service de son chanteur ; tandis que l’éternellement pieds nus Rick Allen maintient le beat. Grandiose. Magistral. Les victorieux resteront de longs instants à saluer ; Elliott enchaînant tout un tas de gestes divers et variés (c’était son concert) à destination des premiers rangs. Aux anges. Pas que lui d’ailleurs. L’auteur de ces lignes se rendra le lendemain en nocturne (avant que cela ne ferme) à la tente « Merch artistes » acquérir un girly de Pantera (pas pour moi) ainsi qu’un XXL délavé de Def Leppard tournée 2023. Concert très convaincant. Le godelureau Machine Gun Kelly aura la (pesante) tâche de leur succéder Main Stage 2 précédé d’une tenace réputation en carton-pâte houstonienne. Avec sa guitariste clone de Nita Strauss. Et avec son pied de micro en forme de bras. C’est vraiment le big bazar sans Michel Fugain. Contre toute attente et outre une audacieuse scénographie deux-trois instants seront à retenir ; notamment ce « Concert for Aliens » avec Tommy Lee de Mötley Crüe à la batterie : Tommy Lee (soixante ans) qui était d’ailleurs incarné en sa version jeunotte par Machine Gun Kelly (trente-trois ans) dans le biopic « The Dirt » (2019) ; la vision simultanée des deux donne l’impression d’un père et de son fils sur la même scène. Amusant et culte. Mötley Crüe constituera une autre agréable surprise : John 5 est parvenu à combler le vide laissé par le valeureux Mick Mars ; Vince Neil a (relativement) perdu du poids ; Machine Gun Kelly (encore Pivert !) est réapparu, attifé comme un as de pique, pour rapper sur « The Dirt (Est. 1981) » BO du film Netflix évoqué plus haut. Mötley Crüe a repris « Beast of Burden » des Stones (1978) en intro de leur mignon « Don’t Go Away Mad (Just Go Away) » (1989). Comme un hommage à une de leurs indicibles influences. La minute Tommy Lee me fit réellement penser à la minute Manard. Un show sexy. Plus tard dans la nuitée alors que je tourne les basques, un jeune couple danse le rock’n’roll à l’orée de la Temple où turbine Venom Inc. : nul doute que cette crapule de Tony Dolan eut apprécié cette scénette. Retour au camping (une autoconstruction digne des castors d’après-guerre… Et de trois !!!) à deux heures moins vingt. Le vent portant à mes esgourdes « In Too Deep » de Sum 41 actuellement joué sur la Main Stage 2, pour l’une des dernières fois de l’existence du groupe…
Mes trois concerts persos Vendredi 16 juin 2023 :
1. Def Leppard
2. Skid Row
3. Mötley Crüe
Place maintenant au samedi les amis !