HOT on the rocks!

Hellfest – Samedi 17 juin 2023 – « La balance »

dimanche/09/07/2023
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Cette troisième fournée, à dominante stoner et assimilés, est prestement inaugurée à dix heures trente Main Stage 1 sur les riffs lourdauds mais cérébraux des flamands de Cobra the Impaler venus présenter « Colossal Gods » leur premier effort sorti en début d’année dernière. Le quintet vlams offre à de matinaux festivaliers une intense prestation. Accueillie avec attention. Tandis que les affables guitaristes néerlandophones Thijs De Cloedt et James Falck tissent leurs toiles progoïdes, le chanteur Manuel Remmerie pointe l’auditoire de l’index (décidément) et trace des ronds dans un vide proportionnellement inverse à la musique du groupe. Chaleureuse démonstration des gantois. Plus torride encore sera celle de Bloodywood. Peyrefitte aurait pu prédire que « Lorsque le metal indien s’éveillera… » il pourra emprunter deux chemins : celui (choisi par exemple par mes amis Systemhouse33) consistant à recréer un metal en somme toute universel (id est peu différencié de ce qui se fait partout ailleurs) ; opter pour mettre en valeur sonorités typiques ainsi qu’instruments propres au sous-continent. Bloodywood chemine sur cette seconde voie, que l’on pourrait nommer « desi metal » (par analogie avec le « desi hip hop »). Ces inclassables de New Dehli emmenés par le guitariste (et ex-juriste d’entreprise) Karan Katiyar ont fasciné la Main Stage 2 trente petites minutes durant. Une remarquable (comment pouvait-il en être autrement ?) prestation marquant le premier temps fort de ce samedi. Nonobstant le créneau horaire le peuple du Hellfest a massivement répondu présent et s’est chaleureusement enjaillé sans plus de chichis. Il est ardu d’accéder aux premiers rangs. On apprécie l’ajout du Dohol, tambour traditionnel, frappé à la baguette par Sarthak Pahwa. Je capture deux extraits de cette célébration hindoue et les poste sur le Facebook de mon pote Mafaka (from Aizawl dans l’état du Mizoram) car il se passe un truc à huit-mille-trois-cent kilomètres de son domicile… Les festivaliers sautent joyeusement au son de samples caractéristiques des films de Bollywood, enrobés de plomb. À l’instar des mongols de The Hu plus tard dans la nuit (encore une Temple congestionnée de monde) Bloodywood aura créé la sensation exotique. Mon impression à midi neuf minutes : trop court ! On me dit à deux reprises qu’il y a trop de monde : c’est samedi, traditionnellement le jour le plus pourvu en participants. Ceux-ci semblent en cette édition avides de découvertes. Cette appétence pourra être idéalement comblée par le desert rock intello de King Buffalo. Les racines du trio de Rochester sont puisées dans l’aridité stoner, ses branches touchent le psychédélisme planant. L’aérée Valley se remplit lentement pendant que tourne l’intrigante roue aux squelettes (dite « Roue de Charon », confectionnée par l’artiste Peter Hudson pour orner le fest étasunien Burning Man) installée à son extrémité gauche. Nous prenons place avec mon ami Reno sur les petits escaliers de droite conduisant à quelques stands de restauration (tels les ineffables Avale ou Mémé Patate). Spot idéal. Bonté divine : encore (souvenons-nous des malheureux Today is the Day avant-hier) un problème de son à la Valley !!! King Buffalo temporise avec sang-froid, se concentre, et régale l’auditoire d’un très bon rock stoner gorgé de fuzz. Ce dernier ronronne d’enthousiasme. Rien n’est à jeter (vous recommandant « Regenerator » (2022) le plus récent de leurs onze enregistrements). Un allergène nuage de poussière survole les premiers rangs alors qu’aucun mouvement de foule ni pogo ne sont venus soulever la terre. L’assistance est au contraire statique, captivée par de narratives plages instrumentales, de mélancoliques trames, d’arides cadences impulsées au tom basse, surplombées par de percutants solos. Un dégingandé rouquin danse de façon désarticulée un gobelet de bière à la main. J’ai dans l’idée qu’il aime beaucoup. Sinon les files devant The Sanctuary n’ont pas désempli depuis hier.

Quatorze heures treize, la forêt « Kingdom of Muscadet » est praticable mais passablement encombrée. Après une escale à (ou plutôt « devant » car l’interviewé souhaitait comme moi profiter du bénéfique air ligérien) l’espace presse afin de converser douze petits tours de montre avec le docte Laurent Karila, je retraverse l’étendue boisée en sens inverse afin de regagner les marches de la Valley et mirer Crowbar. Atchoum la poussière !!! Accord initial égrené à quatorze heures seize. Caverneux. Auquel succède un prémédité larsen. « We are Crowbar from New Orleans » bougonne Kirk Windstein, dont le timbre longtemps travaillé à la gnôle ainsi qu’à d’autres substances (NB : Kirk se rend désormais quasi-quotidiennement au Planet Fitness de River Ridge, la team Santé + je tenais à t’en informer) nous ferait presque passer la voix de Philippe Léotard pour celle de Nathalie Baye. Prolégomènes suivis de quarante-cinq minutes de sludge épais, une dizaine de morceaux entrecoupée de marmonnements du chanteur-guitariste (lequel se sait aimé au pays de Lafayette) à l’attention de la Valley. Crowbar a déversé trois jours plus tôt ses tonalités boueuses sur la capitale de Moselle, après les avoir épandues le mois dernier sur Paris, Nantes ainsi que sur l’Espace culturel Barbara près de Valenciennes. Il fait gris. Très gris. Le ciel semble insondablement ankylosé. La longue barbe poivre et sel du prophète stoner est soulevée par d’inamicales rafales en provenance de l’Atlantique voisin. C’est à croire que les éléments veulent apporter un peu de légèreté. Même la statue de Lemmy semble être contrariée ; le taciturne Kirk évoque d’ailleurs son copain Mickey Dee avant de faire rocker le quasi-motörheadien « The Cemetery Angels ». Le complice de Phil Anselmo au sein de DOWN (et donc présent au Hellfest 2022 en qualité de simple guitariste) nous régale ensuite du lancinant « Planets Collide ». En bref un des concerts importants de cet assombri samedi. Crowbar foulera derechef le sol de France afin d’appesantir l’atmosphère du Motocultor dimanche 20 août. Dix-sept heures quarante-cinq resteront gravées en ma mémoire comme l’instant « sublime » du Hellfest : je prends en effet congé de l’espace presse après avoir posé une question à Sharon Den Adel lors de la conférence de presse de Whitin Temptation et trottine à présent à l’amble direction la Main Stage 2 pour Arch Enemy… Alissa White-Gluz déboule faussement furibarde de derrière un mur d’amplis et scrute vite fait l’horizon, moulée dans sa combinaison bleue (qui la fait ressembler à une méchante de Walt Disney) et chaussée de tatanes blanches montantes en plastoc (elle est militante vegan) ; avant de tonner les strophes inaugurales d’un brulant « Deceivers, Deceivers » de l’album éponyme (2022). Nous aurons droit à une setlist purgée des vieux morceaux (hormis « My Apocalypse » et « Nemesis » de 2005) : quatre extraits du dernier album ; deux de l’album précédent ; un de l’antépénultième (« War Eternal », joué en deuxième et devenu morceau de bravoure des prestations d’Arch Enemy). Les quatre chewbacca instrumentistes font corps derrière la chanteuse ; leur technicité est intégralement placée à son service. La novice d’il y a une décennie s’est transformée en meneuse de revue melodeath. Balançant vigoureusement d’avant en arrière sa longue et épaisse chevelure bleutée Alissa me fait penser à une transposition metal de Sylvie Vartan, qui ferait tournoyer son micro entre ses doigts telle une pistolera. Elle peine à dissimuler un incontrôlé sourire d’infatuation le premier couplet de « The Watcher » achevé. L’impressionnante masse humaine agglutinée devant les barrières lui mange dans la main. Ça slamme de façon désordonnée. L’anglophone de Montreal enjoint puis remercie dans la langue de Robert Charlebois avec un accent à couper au Joker BS9 Bushcraft and Survival Knife (« Hellfeeeeeeest !!!! Est-ce que vous connâissez cette chânsooooon ?!? Donc, chântez avec nous !!! »). Le clair domine dorénavant son tour de chant, choix probablement délibéré de Michael Amott, le guitariste et leader laissant par ailleurs désormais l’entière lumière à la chanteuse. D’autres furtives risettes marqueront le visage faussement courroucé de l’ex-growleuse au sommet de sa popularité. Mon sixième concert d’Arch Enemy en cinq ans (dont leur Hellfest 2018, même créneau spatio-temporel) s’achève sous une clameur à dix-huit heures trente-cinq.

Arrimage à l’escalier à tribord de la Valley pour Monster Magnet. Rejoint par Reno qui a manifestement apprécié le combo « marches-stoner » de midi. À vingt-deux heures moins le quart le ténébreux David Albert Wyndorf revient de nulle part afin de chamaniser la soirée. Après avoir délivré un « Born to Go » d’Hawkwind, les trois freaks menés par leur indestructible gourou vont aligner les tubes en provenance de leurs deux disques étalons : deux de « Dopes to Infinity » (1995) et cinq de « Powertrip » (1998). Sertis de solos woodstockiens. Minimalisme et lumières rougeoyantes, un ventilateur balayant les longs et filasses cheveux noir jais de Wyndorf comme unique effet scénique. La Valley est captivée par ce monstre sacré de la musique dite « défoncée ». Parfois comminatoire le barbichu donne (lui-aussi) des injonctions. Tandis qu’en contrebas déambulent incognitos Fetus, Manard et les autres gusses d’Ultra Vomit, mains dans les fouilles, goguenards et encapuchonnés. Comme une sorte de gang potache et local. Le collège, fou, fou, fou. Sur l’estrade et dans une veine nettement plus sérieuse Monster Magnet assènera à la nuit tombée (l’association du nocturne avec la musique est proprement magnifique) sans coup férir ses quatre intemporels hard rocks « Look to Your Orb for the Warning », « Bummer », « Powertrip » et « Negasonic Teenage Warhead », avant d’achever sur un magique « Space Lord » sobrement introduit à vingt-deux heures quarante-et-une par Wyndorf nous affirmant être « Alive in 2023… ». Classieux. Vingt-trois heures cinq, et un plaisir non feint de voir pour la deuxième fois ce samedi le plus beau sourire de la galaxie metal : la resplendissante Sharon Den Adel de Within Temptation apparaît Main Stage 2 pour nous adresser les ondes les plus positives qu’il soit. Costumée à son habitude telle une princesse Disney, avec bustier doré et couronne de pointes noires, pour nous enchanter elle et ses cinq sbires pas loin d’une heure et demie de leur metal symphonique habité. Seize morceaux dont une nouvelle ritournelle (la plaintive et saccadée « Bleed Out »). Car il est vrai que les néerlandais n’ont pas publié d’album studio depuis « Resist » début 2019 soit quatre années. Jeroen le bassiste chauve au regard sévère a des faux-airs d’un mec de chez Collaro mais je ne capte pas lequel, à moins que cela ne soit à Jacques Seiler, l’acteur qui jouait les sergents dans les pochades cinématographiques de Claude Zidi… Le public fait montre de son plaisir en tapant dans ses mains. Comme toujours, Sharon réussit la prouesse d’être professionnelle et naturelle en même temps. Final sur l’éternel et gothique « Mother Earth » (2000) du temps jadis où le guitariste Ruud Jolie avait encore des cheveux roux en lieu et place de son inamovible bonnet. L’hymne animiste achevé Sharon salue bouddhiste (comme Tai-Luc) à minuit vingt. Au revoir humble altesse. Je file rejoindre la War Zone sur les coups d’une heure, mon ami Julien Hamann (du bimestriel Metallian) m’a donné rendez-vous en surplomb de la scène. Autre spot ingénieux. « We are Municipal Waste from Richmond Virginiaaaaaaaaaa ! » s’égosille la boule chevelue Tony Foresta, vue fin février à l’Olympia en première partie de Kreator (et de leurs compatriotes virginiens de Lamb of God). Municipal Waste, cinq fous-furieux qui ont à eux-seuls réactivé le genre crossover vont nous envoyer en pleine tronche vingt-et-un missiles patriots (tous avoisinant la minute vingt) en une heure seulement : « Demoralizer », « Thrashing’s My Business… And Business Is Good », « You’re Cut Off », « Sadistic Magician », « Slime and Punishment », etc… La War Zone est rapidement en feu, impression qui ne provient pas uniquement des flammes crachées à intervalles réguliers par les miradors. « Comment ça se fait que vous êtes encore debout ?!?!?! » questionne hilare le trapu confédéré, visiblement moins éméché qu’à l’édition 2019, celle où il avait fini son charivari du dimanche midi effondré Main Stage 2 sur le dos les bras en croix… Les rustauds achèveront celui de ce soir par leur bien-nommé « Born to Party » (2002)… Ni vu ni entendu. Je venais de prendre congé de mon camarade, de la turbulente War Zone ainsi que de ce samedi. Le dimanche reste à assurer. Plein de promesses puisque je réalise à peine que je vais assister pour la première fois à un concert de Pantera. Une heure quarante-quatre et Carpenter Brut semble à l’horizon présenter un son et lumière electro de toute beauté. Il pleut dru sur le campement, la drache donnant le ton des vingt-quatre dernières heures à venir de cette palpitante cuvée 2023…

 

Mes trois concerts persos Samedi 17 juin 2023 :

1. Arch Enemy

2. Monster Magnet

3. Crowbar

 

Place maintenant au dimanche les amis !

Hellfest – Dimanche 18 juin 2023 – « Phil & Rex & Zakk & Charlie »

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