Auteur : Crypta
Titre : « Shades of Sorrow »
Label : Napalm Records
Sortie le : 4 août 2023
Note : 16/20
Cela vous est-il arrivé qu’un fâcheux événement ne vienne en obscurcir un autre, lumineux et très attendu ? Du style une engueulade de famille en fin de baptême, la mémé qui tombe dans l’escalier de la location le premier jour des grandes vacances, votre animal de compagnie qui vous quitte au lendemain de l’obtention du bac, un vol de véhicule de locomotion un soir de fiançailles, un dégât des eaux au moment de se rendre à la maternité découvrir son neveu, ou encore un pot de thèse gâché par une réflexion désobligeante d’un soi-disant ami… Cessons l’inventaire (inventé) à la pervers, nous avons tous subi de désagréables collisions factuelles. L’existence est faite de hauts et de bas lesquels surviennent parfois en même temps, les seconds troublant les premiers. Agglomérations inattendues, illogiques et injustes. C’est ce qui est arrivé ces jours-ci à Fernanda Lira, une habituée de nos colonnes. Parce que Fernanda a été trop confiante en les réseaux sociaux ainsi qu’en son prochain ; peut-être trop primesautière et spontanée, elle a passé la semaine dernière une annonce publique (une peccadille) qui a suscité en retour un boueux torrent de basses moqueries, vils glapissements de biturins et confections de mesquins memes de gueux ; et cela Fernanda l’a mal vécu, humaniste forcenée et toujours très sensible. Pourtant la chanteuse-bassiste, fondatrice et animatrice du groupe de death brésilien Crypta (stabilisé autour de sa complice Luana Dametto à la batterie, de Tainá Bergamaschi et désormais de Jéssica Di Falchi aux guitares, cette dernière arrivée en décembre dernier officiait dans de remarqués groupes locaux de reprises de Maiden et de Metallica) ne devrait pas, dans un monde logique et juste, se sentir malheureuse en ce milieu d’été 2023. Non.
Non, car Crypta publie ce vendredi 4 août « Shades of Sorrow », le deuxième effort de la deuxième formation de la paulista, son cinquième en neuf années d’un travail constant. S’inscrivant dans une certaine continuité d’avec « Echoes of the Soul » paru en juin 2021 (porté par le simple / divine surprise « From the Ashes »), il s’agit d’un disque riche s’ouvrant sur un instrumental au piano (« The Aftermath »), relayé par le souffle de la tornade Lira appuyé par le blast soutenu de Luana (« Dark Clouds »). Des plans de guitare créatifs et ragoûtants (« Poisonous Apathy »), provenant le plus souvent du death technique (« Trial of Traitors ») parfois à la lisière du territoire gojiresque (« The Other Side of Anger », « Lullaby for the Forsaken ») influence majeure de Tainá. Si le duo Lira – Dametto, à savoir ce chant puissant et cette titanesque batterie, constituaient le point fort de leur premier album, c’est désormais et également la paire Bergamaschi – Di Falchi qui attire les radars de l’auditeur, lequel n’a pas forcément à être rompu au death metal afin d’en apprécier les tonalités. « Atmosphérique » serait le mot qui résumerait le mieux cet opus, les brésiliennes étant même devenues très fortes en la matière, portées par des duels et des sonorités guitaristiques ingénieuses et volontiers planantes (« Stronghold »). Quoi qu’il en soit le chant abyssal aux réminiscences parfois thrash (« The Outsider ») justifierait à lui seul l’écoute de cette suite, laquelle s’avère succès ; les quatre musiciennes ont concrétisé leur prometteur essai de 2021 affinant ici une subtile personnalité. Attendons maintenant une ou plusieurs dates françaises dignes de ce nom, un metal fest d’ampleur a minima, pour que ce clou discographique sud-américain soit définitivement enfoncé. Nul doute que la généreuse chanteuse et ses trois brunes acolytes sauront y convaincre les uns et y ravir les convaincus. Sèche tes larmes Fernanda et savoure le moment présent, ce sont les sales ombres d’Internet qui devraient ressentir du chagrin.