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Chronique de The First 21 : Comment je suis devenu Nikki Sixx

mercredi/13/03/2024
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Auteur : Franck Ferrana et Nikki Sixx

Titre : The First 21 : Comment je suis devenu Nikki Sixx

Éditeur : Camion Blanc

Sortie le : 21 mars 2022

Note : 17/20

À Los Angeles, deux équipes sont affiliées à la MLB : les Dodgers et les Angels. Enfin, une des deux, sûr-sûr, les Angels étant d’Anaheim… C’est par une analepse au Dodger Stadium que s’ouvre THE FIRST 21 : Comment je suis devenu NIKKI SIXX, autobiographie de et par Franck Ferrana AKA Nikki Sixx (traduit de l’américain par Angélique Merklen, la femme aux étoiles ninja lexicales) : à la pause de la septième manche d’une printanière rencontre de base-ball, le bassiste s’étonne auprès de Denis Arfa, son agent, de n’avoir jamais fait résonner sa Thunderbird IV en cette enceinte avec son renommé Crüe. « C’est peut-être lié à ta géniale idée de dissoudre le groupe », s’entend-t-il répondre. « Si jamais vous changez d’avis, faites-moi signe. » « Si tu as les chansons… », compléta malicieusement Courtney, sa troisième épouse (2014-?), que Sixx visiblement perturbé avait plus tard questionnée en pleine nuitée.

Malicieusement, et opportunément, car cette partie de la narration prend place quelques années suivant une pantalonnade juridique intitulée « Cessation of Touring Agreement » paraphée et signée par les quatre membres de Mötley Crüe en 2014 (actant contractuellement un terme à leurs prestations scéniques) ; formation qui, de plus, n’a guère composé d’album studio convenable depuis 1994. Quand le sexagénaire écrit en page 8 de ce livre, le troisième de son cru : « j’avais plusieurs morceaux en stock – des idées mûrement réfléchies qui me semblaient toutes enthousiasmantes », les mots « semblaient » et « enthousiasmantes » sont les plus déterminants ; id est : il bluffe, certainement galvanisé par le succès du film Netflix The Dirt (2019) et visiblement travaillé par l’envie de tourner. Tant le Dodger Stadium (ils ne s’y produiront même pas une fois reformés) que les « quelques nouvelles chansons avec Bob Rock » ne sont que d’hollywoodiennes fadaises. Rayon « enthousiasme » toujours, j’aime Nikki Sixx depuis mes seize ans (peut-être un chouia moins ces dernières années) et suis l’heureux possesseur d’une Thunderbird IV sunburst depuis mes dix-huit (ça en dit long) ; l’ouverture de ce livre de 2021 narrant ses vingt-et-un premiers printemps (NB : ça nous amènera fin 1980, au moment où sera rendue une décision de justice symboliquement importante aux yeux du jeune homme) m’a semblé pourvue des plus appétissantes promesses, nonobstant le fait que nous avons ici affaire (et nous le savons au moins depuis Mohenjo-daro) à un publicitaire tendance Canebière (« Metallica, Mötley Crüe et U2 – à nos yeux, voilà les noms d’alors qui avaient marqué les esprits »… Ben voyons !).

Le récit ne commencera à proprement parler qu’en page 43, au cours du troisième des vingt-et-un chapitres. En 1906, le cargo britannique SS Perugia quitte les côtes siciliennes et met un mois à traverser l’Atlantique en direction de New York. Serafino et Frances Feranna ainsi que leur premier fils, Carlo, l’oncle de Nikki, quittent leur Mère patrie la même année que Lucky Luciano… Les grands-parents paternels ne rallient nullement Little Italy mais San Jose en Californie. Première surprise : la famille du grand-père maternel de Nikki Sixx descend de pèlerins du Dorset, regorgeant de prénoms fleurant bon le sectaire à calèche (« Caleb », « Keturah », « Ezra », « Theodosia », « Temperance », « Zerubbabel »). Horton Devitt Haight naît en 1907 à Antimony dans l’Utah, en terre mormone ; lui et sa femme Nona donneront naissance dans l’Idaho (autre fief mormon) à trois enfants dont Deanna, la mère de Nikki Sixx. Ils s’ancreront ensuite sur la balbutiante Côte Ouest, à Santa Cruz. Cette douce rêveuse (et menteuse) de Deanna portera à deux reprises les enfants d’un type de deux fois son âge, Frank Serafino « Frankie » Feranna Sr. (1918-1978). Outre une enfant trisomique aveugle de très petite taille venue au monde le 11 novembre 1960, prénommée Lisa Marie et ayant vécu ses trente-neuf années d’existence ostracisée par sa mère (confiée à une autre famille sans jamais voir son grand frère avec lequel elle partagerait des traits), cette brève alliance d’ascendance sicilienne–mormone engendra Frank Carlton Serafino Ferrana, Jr. le 11 décembre 1958 à San José.

Dans la vie de Deanna Lee Haight (1939-2013), comme dans la chanson de Patricia Kaas, les hommes passent (dont, autre surprise, le comique afro-américain Richard Pryor à ses débuts, celui-ci s’étant d’ailleurs pris d’affection pour l’enfant). Nona, remariée depuis le décès d’Horton à Tom de seize ans son cadet, sera sa mère de substitution. Pauvres comme Job (pas celui de Palo Alto) et sans cesse contraints de quitter un État de l’Ouest pour un autre (Nevada, Texas, Nouveau-Mexique, re-Texas, Idaho), ces grands-parents seront loyaux, dévoués, adorables, faisant le bonheur de Franck. Une enfance socialement consciente donc, le pitchoune tour à tour latino, fermier, chasseur, pêcheur ou mécano. Un je-ne-sais-quoi de Steinbeck ou d’un clip de Tom Petty, en décalage inattendu avec l’image de Mötley Crüe. De désuètes mais touchantes photos en noir et blanc viennent magnifiquement illustrer en pages 99-106 la primo-histoire du légendaire bassiste, conférant apparence à des personnages ayant marqué les paisibles débuts de sa tumultueuse existence.

Arrivent 1973 et l’adolescence. La musique rock fait irruption en page 110. À Ferrano de faire l’éloge des New York Dolls, puis de citer ses influences : Aerosmith, Cheap Trick, les Raspberries (groupe US de musique pop), les Wings, Alice Cooper, « sans oublier les Sex Pistols et les Ramones. » Quelques lignes plus bas, cette réflexion d’un défenseur du rock populaire vaut son pesant de cacahuètes : « “L’histoire est écrite par les vainqueurs”, a-t-on l’habitude d’entendre. Dans le rock’n’roll, l’histoire est écrite par les étudiants. Si votre seule lecture est Pitchfork, vous aurez l’impression que, dans les années 70, les gens n’en avaient que pour des formations comme Pere Ubu. (…) En réalité, (…) presque personne n’était fan de Pere Ubu. Je dirais même que, dans tous les endroits où j’ai pu habiter, personne n’avait jamais entendu parler d’eux. » Le mari californien de sa tante maternelle Sharon va, en ce milieu des années 1970, monter en puissance dans l’estime de Franck, binoclard mélomane du pieux Comté de Jerome (Idaho) : l’oncle Don Zimmerman, vice-président de Capitol Records, rien que ça !!! Lequel va régulièrement lui offrir des albums maison (John Lennon, Paul McCartney, les Wings précités, le Steve Miller Band, Bob Seger, Joe South et Sweet).

Ça ne suffira aucunement à satisfaire la fringale discographique grandissante du bonhomme, lequel ira en acquérir d’autres, puis en chourrer au drugstore local en compagnie de son pote chicano. Frankie se dévergonde crescendo. Ses grands-parents le renvoient chez sa mère dans la libérale et bruyante Seattle. Un mal pour un bien : Ramon, son beau-père du moment, lui offre sa première guitare électrique et lui en enseigne les rudiments. Sa première basse, il se la paiera en revendant une Les Paul Gold Top 1974-1975 volée (puis revolée !) à deux losers. La situation étant globalement devenue ingérable (il se fera entre autres serrer au concert des Stones du 18 juillet 1975 au Seattle Center Coliseum), il sera renvoyé pour un ultime et chaotique crochet chez ses grands-parents (il n’y retournera qu’à la décennie suivante, peu avant la parution de Theatre of Pain) avant de finalement rejoindre circa 1976 Los Angeles, Sharon et l’oncle Don (entretemps promu président de Capitol).

C’est alors que commencera cette branloire pérenne qu’est la carrière de Nikki Sixx. Il lui faudra au préalable enchaîner une foultitude de tafs alimentaires pittoresques ainsi que moult et disparates rencontres, entre autres : celle, vespérale et sans lendemain, avec Zorky Charlamagne (alias le Mick Mars mid-seventies, qui se réclamait déjà de Jeff Beck) ; celle avec le mec qui pleure Elvis ; celle, plus formatrice, avec le sacerdotal Blackie Lawless ; celle passablement grotesque avec l’acteur radin James Caan ; ou encore avec Quiet Riot et le « lutin » Randy Rhoads ; voire avec le bassiste d’un groupe de reprises dont l’étrange nom de scène est « Niki Syxx »… Raconter les deux premières décennies de sa vie s’avère une riche idée de la part de l’idole. Cette démarche à la Hervé Bazin se révèle parfois touchante. On pense à « Je suis né dans la rue » de Johnny. Battant en brèche craintes et idées reçues, notre rock star se montre transparente et (semble) honnête en ses démonstrations (l’anecdote avec Blondie me semble tout de même un peu frelatée, mais bon…). Sixx nous livre de-ci de-là son regard expérimenté et averti sur le monde. Il nous fait part de son amour pour la moquette verte à poils longs ; envers son 45 tours d’Alvin and the Chipmunks ; pour les Vikings du Minnesota (les traits noirs sous ses yeux entre 1983 et 1986 n’étaient en fait qu’une référence au football américain…) ; et comment « Future Legend », le crapoteux monologue de Bowie en ouverture de Diamond Dogs, a constitué la matrice d’ « In the Beginning », la tonitruante déclamation introduisant Shout at the Devil… Merci pour tout, Franck / Nikki. Ses remerciements à lui figurent pages 291 à 294 (sur vingt-deux paragraphes), Nona étant le premier prénom cité.

 

Merci à Angélique Merklen pour la relecture.

Cover Picture Copyright © 2021 by Nikki Sixx.

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