HOT on the rocks!

Hellfest – Dimanche 30 juin 2024 – « Père et fils »

vendredi/19/07/2024
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9 heures 30, une douce et atlantique brise caresse un Camping Corner apaisé. On y cause programme avec mon pote Paul. « – Il y a un truc qui m’intéressait vers midi… – Toi, t’es plutôt Midi Première… – Midi Première ?!? » Autre émission méridienne, celle-ci ayant été supprimée du PAF en 1981, je ne fus guère étonné de l’absence de réf’ de mon camarade. Qui me dit quand même se souvenir du logo… Pour ma part, le projet de cette quatrième et dernière fournée est double : commencer relativement tard, au mitan de la journée, et stationner dans le nord-est du site, entre Valley et Warzone. À l’image de l’affiche dans sa globalité, mon programme dominical sera bigarré. « On dirait Glastonbury », plaisante d’ailleurs un Anglais sur la page Facebook du Hellfest. British Flair.

Il est 16 heures, crissements de micros, puis Therapy? investit la Valley sur les accords inauguraux de « Turn ». J’y suis avec les Lang père et fils, Frédéric et Alexis. Les trois Irlandais délivrent d’emblée une musique froide, voire gothique, en décalage avec la torpeur estivale qui assomme quelque peu l’assemblée. Le chant me semble dans un premier temps assez poussif. Le bassiste Michael McKeegan comme naguère saute en hauteur. Larsen. Comme naguère, le chanteur Andy Cairns a des yeux en billes de loto. « Hello Hellfest, ça va ??? » questionne-t-il au premier interstice. Le toujours aussi grinçant « Theethgrinder » est joué en deuxième position, certainement le premier truc que j’ai entendu d’eux, au cours d’un reportage de Rock Express à l’automne 1993… « Hellfest We Are Therapy? From Ireland! On y va ?!? » Crissant et indus. Puis le plus gras et accessible « Stories » nous ramène tout droit en 1995. Derrière moi, un grand à casquette en connaît les paroles par cœur. C’est Marco de Paris. Toujours aussi vif, le bassiste enjoué McKeegan est incontestablement la pièce maîtresse, l’attraction du gig. Nonobstant quatre jours de festival dans les guiboles, la Valley clappe des mains en rythme pendant que turbine le trio. S’ensuit un joyeux pogo. Sur un roulement de toms, le chanteur souhaite un joyeux anniversaire au bassiste et rappelle qu’ils étaient là il y a dix ans. Fred Lang me confirme, il les a vus au Hellfest il y a une décennie avec son grand. Qui pour l’heure apprécie les plans à la caisse claire. Le riff de « War Pigs » de qui-on-sait emporte l’adhésion générale. « The Next Song Is Called: “Fuck the Brexit and Fuck the British Gouvernement”… » Parole de Nord-Irlandais. Nappes de guitares sur chant clair. Puis Andy d’affirmer solennellement : « Kurt, Lemmy, Amy, Phil Lynott… Cette chanson s’appelle “DIE LAUGHING” !!! » L’entame de ce mélancolique classique fut pour moi un des meilleurs instants de mon fest’, entouré de deux de mes proches, de deux générations différentes. Ça vibre comme en mars 1994. Cairns chantonne à la pause une ou deux gentilles strophes de « Nowhere Man » des Beatles, et c’est déjà l’heure de « Nowhere ». Cet autre standard des originaires de Larne est repris avec bonheur par l’assistance. Puis vient le riff tranchant de « Screamager », enchaîné sur « Knives » à 16 heures 40. « Toutes les meilleures sont sur Troublegum de toute façon », analyse avec sagacité Fred Lang. Cinq des onze chansons jouées cet après-midi proviennent de cet album. Brûlante prestation. « Merci beaucoup Hellfest, merci beaucoup mes amis !!! » Mon (deuxième) concert préféré du Hellfest 2024.

16 heures 51, Show Me the Body entame ses déclarations devant la Warzone. La foule est massive. Le cagnard n’a pas démissionné. L’intérêt de mirer cette juvénile formation réside dans le mélange musical que celle-ci pratique : banjo, punk, indus, voix saturée. C’est inspiré. Sinon, ça sent bon la graille à quelques encablures de l’avenue des restaurants (le Food Court). Le groupe qui anime la Warzone est noise, dans un esprit rock et plaisant. Les festivaliers apprécient. Entre post-punk et indus bricolo, ce trio new-yorkais mérite que l’on s’intéresse à son cas. À un long passage instrumental aux cordes succède un plan punk mené tambour battant (à la Rickenbacker disto). Le chanteur Julian Cashwan Pratt harangue. Une brune slamme à 17 heures 16. Certains plans au banjo distordu évoquent facétieusement RATM. Le multi-instrumentiste et chanteur semble satisfait de sa prestation. Une reprise bien sentie de « Sabotage » des Beastie Boys (également reprise à 23 heures 07 par les Foo Fighters) est assenée dans une relative indifférence à 17 heures 26. Dommage. Le combo donne tout. Mais la Warzone se déserte progressivement. Tant pis, les absents, et cetera… En tous les cas, une belle rencontre, comme on dit désormais dans les années 2020…

Pierre Dac disait quant à lui : « La voix de celui qui crie dans le désert d’Arizona a bien peu de chance d’être entendue de ceux qui glandent dans les steppes de l’Asie Centrale de Borodine ». Notre compatriote Sierra ne crie pas dans la Valley mais mixe en tout professionnalisme dès 17 heures 44, sans se soucier de ce qui se trame Mainstage. Beat martial et sexy. La blonde en impose dès le début. « Take Your Seat », nous susurre sa musique. Le temps redevient doux, acidulé. « Hé, franchement, la musique… J’aime bien ! », annonce à ses potes un homo festivus en T-shirt Hellfest tout en dégustant sa barquette acquise au Vorace Corner. Un mid-tempi electro façon Carpenter Brut baigne les lieux. Grosses lunettes noires barrant son visage, la Française désormais rodée aux manifestations d’ampleur (et ajoutée à la dernière minute) se met assez rapidement le nord-est du site dans la poche. Des jeunes mecs musclés dansent, façon boîte de nuit. Un petit jeune me souhaite une « bonne fin de festival ». Telle la roue de Charon, l’heure en effet tourne implacablement. Non loin de là, la statue de Lemmy vient opportunément rappeler quelle était la famille d’origine de ce festival. Quoi qu’il en soit, Sierra se révèle en parfaite interaction avec le public, tout en sachant que la miss ne communique qu’au travers de son son. Cette cinquantaine de minutes de show me rappelle celui de son Zénith 2022.

Deux festivalières originaires de Grenoble, Alice et Christelle, patientent assises en tailleur sur le gazon synthétique. Elles attendent High Vis. Lesquels attaquent sous l’amoindri soleil de 18 heures 40. Tom basse et chant braillé. Du punk. Premier échange avec la Warzone à 18 heures 45, dans un accent cockney à couper au couteau. Des arpèges post-punks. Des tatouages. C’est entraînant. Le public de la Warzone a répondu présent. Des mains se lèvent. « There Is A Lot Of People! », constate Graham Sayle, le chanteur et meneur du quintet. Il a le corps musculeux en avant, accroché à son pied de micro, dans la grande tradition Liam Gallagher ou John Lydon. Oasis dont certaines rythmiques et plans vocaux me semblent avoir inspiré ces jeunes gens : le premier album, en tout cas, sur le troisième puis sur le quatrième morceau (« Talk for Hours » et « Altitude »). Définitivement peut-être… Beaucoup d’engagement à l’anglaise, des roulements de batterie dantesques. On ne se refait pas : l’Albion sait y faire depuis au moins 1962. Attitude et torse nu, Sayle ne chopera pas de coups de soleil puisque l’astre solaire décline. Sur « Fever Dream », la filiation vocale et rythmique avec le premier Oasis est encore plus nette. Avec les Happy Mondays également – en plus cru, mais mélodique, au sens noble du terme. En ce début de soirée, l’abécédaire rock anglais basique est parfaitement restitué. Généreusement. « This Is Our Last Song! », interpelle Graham. Basse-batterie et riff héroïque. Les cinq lads désertent l’estrade à 19 heures 19. Apparemment un des meilleurs gigs de ce dimanche…

« C’est le mec de Deftones avec un autre type… » : c’est une description presque coluchienne de ††† (Crosses) par un festivalier à un autre au bar de la Warzone. Sur les marches qui mènent à la Valley, un dénommé Antonin, de Saint-Philbert-de-Bouaine (85660), me remercie d’être venu. Cela fait deux fois en deux jours que des locaux remercient chaleureusement le visiteur que je suis, et ces remerciements sont pour le moins touchants. Merci à la Loire-Atlantique, merci au Maine-et-Loire et à la Vendée pour leur accueil ! La Valley est à cette heure déserte. La raison de cette désertion est à chercher Mainstage 1. Dans les steppes de l’Asie Centrale de Borodine, la voix de Josh Homme de Queens of the Stone Age salue le Hellfest à 19 heures 35. Ce n’est pas rien.

Pourtant ††† (Crosses) de Chino Moreno méritait plus d’attention… À 19 heures 44, des fidèles se massent devant la scène. Premier accord à 19 heures 46, doublé d’un effet planant. Quelques notes vaporeuses sont jouées au synthé. L’incomparable voix du chanteur de Deftones brise le doux ciel de l’Ouest français à 19 heures 48. Inégalable. Fidèle à lui-même, Chino court comme un dératé sur la petite scène. Retentissent alors des beats à la Depeche Mode 1985. « Thank you whoooooooooooooo! », lance Chino au premier break. Applaudissements. Le performeur minaude sur des accords suraigus indus, jouant comme parfois avec sa masculinité, alors qu’il ressemble plus à un livreur de pizzas grassouillet qu’à Bret Michaels. Crosses et Goodnight, God Bless, I Love U, Delete, les deux premiers albums de son projet publiés coup sur coup en octobre 2023 et en février 2024, condensent le plus cristallin et sensible de ce qu’il a pu auparavant composer avec son légendaire combo, sans toutefois receler de chanson fédératrice. Plus problématique dans l’immédiat : le son de la Valley nous lâche à 19 heures 57. Notre homme poursuit dans un premier temps avec opiniâtreté, criant en se cabrant sans être toutefois entendu. Puis quitte l’estrade. Les trois croix allumées restent dramatiquement seules. Le public tape dans ses mains, bon garçon, espérant conjurer le sort technique. Un gros mariole passe devant moi, chantant à tue-tête « Mon pantalon, est décousu !!! » L’absence prolongée de son permet également d’entendre de-ci de-là le résultat du scrutin national tout juste révélé… À 20 heures 25 claquent au loin les quatre accords inauguraux de l’intemporel « No One Knows » de Queens of the Stone Age avant que le vent ne porte à 20 heures 35 leur fantomatique « A Song for the Dead ». Aucune sonorité n’est revenue sur la Valley. Une jeune femme prend le micro afin d’exposer que ce n’est pas la faute du groupe mais celle du festival. Ma dixième participation au Hellfest semble ainsi toucher à sa fin, de même que ce live report de première main, en queue de poisson façon sketch du petit lion de TF1. « Achomeuno ! »

Ou presque. Après quarante minutes de néant, Moreno et les sens réinvestissent les planches à 20 heures 42, nimbés d’un son redevenu massif et impeccable sur « Bi†ches Brew », leur composition la plus emblématique. Sous des jets de fumée violacée, le virevoltant frontman régale ses fans fidèles et patients. Cette fois, la sono est au rendez-vous, puissante et claire. « Merci ! », se contente de dire l’Américain. Puis il enchaîne sur « Big Youth », lancinant et magistral. Au même moment, The Offspring commence son show sur la scène principale, car j’entends jouer au lointain « Come Out and Play ». ††† (Crosses) délivre quant à lui « †elepa†hy », le troisième morceau de ce qui s’apparente fâcheusement à un rappel. Son rutilant beat électro Eighties fait écho à celui de Sierra tout à l’heure. Sur l’estrade qui surplombe la Valley et donne sur les stands de restauration, de jeunes femmes admirent la performance. « One more!!! », crie Chino. Il finira sur « Op†ion ». Les nuages et la faible affluence renforcent le caractère intimiste de cette fin de concert au son énorme. Un peu comme si le Pink Floyd de 1988 s’était produit dans un square à la tombée de la nuit. Très bien. « Changes » de Tupac Shakur est diffusé à 20 heures 57. Et Chino Moreno salue cette fois pour de bon. Sur le chemin du retour bordé par les stands de restauration, je retrouve Frédéric Lang et son fils Alexis en compagnie de leur bon ami Kevin : las mais heureux, ils m’affirment que leur meilleur concert de cette ocre édition fut Biohazard. C’était leur dixième Hellfest vécu ensemble, père et fils. Intéressant.

 

Mes trois concerts persos dimanche 30 juin 2024 :

  1. Therapy?
  2. ††† (Crosses)
  3. High Vis

  

Mes trois concerts persos Hellfest 2024 :

  1. Satyricon
  2. Therapy?
  3. Konvent

 

Merci à Angélique Merklen pour la relecture.

Place maintenant aux quatre jours de CLine les amis !

Hellfest – Jeudi 27 juin 2024 – « Let’s go, Baby! »

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