11 heures 25, la plaine de Kerampuilh se remplit à une vitesse de cagouille… Bras écartés, un métalleux braille de loin « Coucou Odiiiiiiiiile ! » à l’attention d’un autre. Les nuls et Gérard Darmon Forever. Pour ma part, cap sur l’excentré bâtiment Glenmor qui surplombe le fest. Ce sera ma journée interviews – avec moins de concerts que les trois jours précédents. Sur mon vert cheminement, j’entends très distinctement le chanteur de Frail Body hurler comme un supplicié sur la Dave Mustage (en même temps, il ne faut guère jouer les étonnés, le trio de Rockford, Illinois, pratiquant ce qu’on nomme du « screamo »…). Discussion amicale avec Gabriel de My Diligence, admiratif devant la vue de l’ensemble du site qu’offre la vaste baie vitrée moderne de l’espace (je partage cette opinion).
La presta metalcore de Future Palace commence à 13 heures 15 sur cette bonne vieille Dave Mustage. Mon interview avec le dynamique mais retardataire Katon d’Hirax a été décalée (de pas moins de deux heures dix, et de surcroît l’olibrius a disparu dans le gigantesque bâtiment, j’ai même été contraint de demander à son épouse de lui dire de venir me trouver au bar-artistes…). Par conséquence, je suis au regret de ne pouvoir mirer l’intégralité de ce vitaminé et juvénile concert, puisque je dois tout de suite remonter à Glenmor afin de tenter de trouver Katon… La chanteuse de Future Palace, la Berlinoise Maria Lessing, me semble être des plus prometteuses ; gageons que le trio allemand ne se fasse pas manger par la baleine… En retraversant le site, je réalise qu’il y a très nettement moins de monde qu’hier. L’effet « dimanche ».
« Merci mec. J’espère qu’on se verra au Motoc », écrivais-je de ma villégiature de Dormelles le 23 juin dernier à Gabriel Marlier, le batteur attachant et dégourdi des Bruxellois My Diligence. À 14 heures 45, le metal avant-gardiste de l’amical trio va emplir la tente Bruce Dickinscène. Laquelle est elle aussi moins remplie que les trois jours précédents. Sur les deux premiers morceaux, le taiseux François Peeters me semble plus déterminé que jamais : j’ai rarement lu une telle implication dans un regard de guitariste. Ses mouvements sont secs. Nerveux. À 14 heures 59, les trois jeunes artistes entament « On The Wire », leur morceau de bravoure. Lent, lourd et crissant par instants. Parfait. Un fracas sonore y est incorporé en parfaite synergie par les deux guitaristes (pour rappel ou information, il n’y a pas de bassiste). Pour tout échange avec l’assistance, Cédric Fontaine lance un premier « Merci beaucoup » à 15 heures 05. Avec une variante anglophone à 15 heures 10 (« Thank You »). Me concernant, je savoure ces quarante minutes de retrouvailles avec les protégés du producteur parisien Francis Caste. La populace de la Bruce Dickinscène apprécie elle aussi, opinant du chef en fonction des variations de tempi (NB : les accélérations sont plutôt rares). Le psychédélisme côtoie la pesanteur rythmique. « C’est prog, c’est planant, mais comme d’habitude le mix est éclaté, sous cette tente », me confie Marc (originaire de Charleroi). Il drache un peu au-dehors, la pluie n’a cependant guère ôté les sourires sur les visages des participants.
À 15 heures 30, j’ai ENFIN retrouvé la trace de Katon, le chanteur d’Hirax ! Il est actuellement sur la Suppositor Stage ! Les premiers rangs sont impatients et tapent dans leurs mimines. « You Readyyyyyyyyyyy!?!! », hurle-t-il de sa voix aigüe en entame de leur classique de 2014 « Hellion Rising ». Katon est une véritable bête de scène, il arpente l’estrade de gauche à droite et de droite à gauche tel un démon du metal. Quarante années de métier, ma bonne dame ! Sur le flanc gauche, son épouse le filme avec son smartphone, souriante, énamourée, ravie. « Let Me Hear You Motherfuckeeeeeeeeeers!!! », s’époumone sa moitié. Une fois ressortis du pit photo, le truculent Båålberith et son comparse Thomas Orlanth stationnent aux abords de la scène, une Coreff en main. Quel showman (je parle de Katon) ! Quel spectacle plombé de pur metal US ! Des fumées sortent massivement du devant de la scène, tandis que la double grosse caisse turbine. Retour au VIP qui est (lui aussi) plus dégarni qu’hier soir. Sévèrement dégarni, même. J’aperçois au loin Kiko et le petit Yves qui devisent fraternellement, eux aussi une Coreff à la main. À 16 heures 01, Hirax nous balance « Destroy », un des morceaux les plus courts et précipités de toute l’histoire du thrash metal des années 1980. Nouvelle acclamation. Final dans un fracas sonique à 16 heures 15. Tiens, ils n’ont pas joué « El rostro de la muerte », mon missile favori des quatre originaires de Buena Park, en Californie. Autant vous dire que le contraste avec le metal progressif raffiné et lent de l’Australien Plini, qui entame son récital aérien sur la scène jumelle à 16 heures 20, parfois volontiers jazzy, est tout proprement saisissant.
17 heures : je pénètre de nouveau dans le bâtiment Glenmor, afin de m’engouffrer dans un tunnel d’interviews : My Diligence à 17 heures 40, Future Palace à 18 heures… et Katon d’Hirax – tout vient à point à qui sait attendre !!! Quel plein de bonnes vibes, qu’elles viennent de Bruxelles-Capitale, de Berlin ou de Los Angeles ! Quand je redescends sur le site, la cavalcade épique des Finlandais de Sonata Arctica approche de son dénouement. Tout comme va bientôt toucher à sa fin cette édition 2024 du Motocultor… Je me pose (enfin) en compagnie de mes deux proches. Pendant ce temps, Decapitated mouline son death sur la scène principale, Yann Le Baraillec fait quant à lui tranquillement la queue devant le food truck Uncle Breizh…
Tout à l’heure, avant de m’éclipser de l’imposant bâtiment Glenmor, j’ai croisé Sakis Tolis, le chanteur-guitariste brillant mais ombrageux de Rotting Christ, ainsi que son fameux nez aquilin. Avec le (léger, il ne faut pas exagérer non plus…) regret de ne pas l’avoir inclus dans ma liste de demande d’interviews envoyée à l’orga du Motoc’ en juin dernier… Il est 21 heures quand sonne le lugubre tocsin accompagnant les graves incantations en introduction du ténébreux « Χ Ξ Σ (666) ». « Are-You-Ready !?! », tonne Sakis. Qui chante comme à l’accoutumée de façon saccadée, un peu comme s’il récitait l’alphabet. Les quatre Grecs sont lancés. Le son est massif. La basse du beau mec aux longs cheveux noirs et à la drôle de bouche lippue (Van Ace) est efficace, claquante, encore plus mixée en avant que d’habitude (c’est dire). Les classiques BM côtoient les réalisations plus récentes, à l’image de ce très beau « Like Father, Like Son » issu de leur nouvel album (Προ Χριστου (Pro Xristoy) (sorti le 24 mai 2024). Le jour laisse petit à petit place à la nuit… Ce fut donc sur le metal sombre et cérébral des Hellènes bougons que s’achèvera pour moi cette quinzième (et ma première) édition. À mes yeux (et mes oreilles) une réussite, tant en termes programmatiques qu’organisationnels. Merci aux bénévoles (au nombre de 1 200), bravo aux artistes et big up à l’ensemble des participants (54 000 festivaliers reçus sur les quatre jours, le record de fréquentation de 2023 ayant été égalé). La bonhommie et l’esprit metal AOC ont triomphé de la grisaille quatre jours durant (six, en incluant l’aller et le retour, pour mézigue via le car OnTours Carhaix-Porte d’Orléans). Une petite partie de l’affiche 2025 a été dévoilée sur les réseaux sociaux ce dimanche dans l’après-midi. Pour l’instant, les artistes annoncés ne me passionnent que modérément, mais gageons que je reviendrai (tôt ou tard) mettre les pieds dans ce festival à taille humaine, où le mot « bienveillance » n’est pour une fois aucunement une façade langagière. Kenavo !
Mes trois concerts persos dimanche 18 août 2024 :
- Hirax
- My Diligence
- Future Palace
Mes trois concerts persos Motocultor 2024 :
- Myrkur
- Infected Rain
- Jinjer
Merci à Angélique Merklen pour la relecture.