Comment faire revenir une saga aussi culte qu’Alien, après que son propre créateur, Ridley Scott, s’est amusé à la tirer vers le bas ? La dernière fois que nous avons eu affaire aux xénomorphes, c’était dans les deux préquels Prometheus et Alien : Covenant, deux opus qui ont énormément divisé les fans d’Alien. Personnellement, je défends Prometheus sur certains points, notamment son esthétique, mais après Alien : Covenant, j’ai eu envie de prendre l’avion pour aller gifler Ridley Scott et lui demander le remboursement immédiat de ma place, tant le film était une véritable trahison envers les fans.
Depuis, Disney a racheté la Fox et souhaite réexploiter tout son catalogue. Mickey tente donc de relancer la saga, mais cette fois en faisant appel à un réalisateur qui a fait ses preuves dans le domaine de l’horreur : Fede Alvarez, réalisateur du remake de Evil Dead et de Don’t Breathe.
Et c’est une excellente idée, puisque l’ADN la saga Alien a toujours consisté à avoir des réalisateurs différents pour chaque film, permettant ainsi à chacun d’apporter sa patte, qu’elle soit visuelle ou thématique, à l’univers des xénomorphes. Fede Alvarez a prouvé qu’il savait manier l’horreur avec ses deux premiers films. Certes, Scott reste producteur, et on sent qu’il force certains éléments scénaristiques pour que ses préquels restent canons dans la saga, mais nous y reviendrons plus tard.
L’histoire se déroule entre le premier et le deuxième Alien. Ellen Ripley est toujours en cryo-stase dans l’espace, et c’est donc la jeune Rain (excellente Cailee Spaeny, vue dans Civil War) que nous allons suivre dans ce nouvel opus. Rain est une ouvrière pour la compagnie Weyland-Yutani, travaillant sur une planète hostile et rêvant d’un endroit meilleur pour elle et son frère androïde, Andy. Elle s’associe alors avec un groupe de mineurs pour piller une station spatiale abandonnée, ayant la technologie nécessaire pour son voyage. Mais évidemment, ils ne seront pas seuls…
Dès les premières minutes, Alvarez cherche à enrichir l’univers en montrant la réalité des colonies spatiales dans lesquelles les Terriens se sont lancés. Ces colonies ne sont qu’une fausse utopie promise par la compagnie, et Rain souhaite fuir une planète sans soleil, avec son « frère » androïde, certainement le meilleur personnage du film. Les thématiques autour de la colonisation et des mégacorporations sont respectées. Sans compter les nombreux hommages au regretté H.R. Giger, le père éternel du xénomorphe, que ce soit à travers les décors, certains designs, ou surtout les métaphores sexuelles, très présentes dans son art et dans la saga.
En fait, Alien : Romulus est un genre de best-of de la saga Alien : des liens scénaristiques avec le premier, des éléments de Aliens, Alien Résurrection et Prometheus ; voire même le jeu Alien : Isolation. De plus, il réitère cette tradition de développement des androïdes, qui les rend souvent beaucoup plus intéressants que leurs collègues humains. Cela est notamment dû à l’excellente interprétation du peu connu David Jonsson, qui incarne un Andy toujours juste et très touchant par les expressions de l’androïde, laissant penser qu’il n’est pas qu’une simple machine (un thème également abordé dans Blade Runner).
Mais Fede Alvarez ne se contente pas de piocher dans la saga, il en profite pour amener des séquences jamais vues dans Alien, notamment une course-poursuite avec plusieurs facehuggers (jamais elles n’ont été aussi terrifiantes) et une nouvelle façon d’utiliser l’acide des créatures. Sans compter qu’Alvarez se montre particulièrement cruel et sadique envers ses personnages. Le réalisateur essaie justement de mélanger le fan-service et la nouveauté, car ce fan-service est nécessaire pour réconcilier les fans avec la saga, surtout après le désastreux Alien : Covenant, avant de les surprendre avec ce qui n’a jamais été fait auparavant.
Certes, cette méthode a ses limites, puisque si certains clins d’œil sont bien amenés pour servir le scénario, d’autres sont un peu gratuits voire lourds, mais rien de bien néfaste pour apprécier le film. Cependant, il faut reconnaître que le dernier acte risque de fortement diviser, d’autant que l’on sent l’emprise de Ridley Scott. Et quand on connaît l’ego et le caractère de ce dernier, on s’y attendait malheureusement.
Bref, Alien : Romulus est un retour gagnant pour le xénomorphe, grâce à un réalisateur réellement fan de la créature et qui a su jongler entre ce que les fans voulaient retrouver et les surprendre. Le film est visuellement magnifique, respecte les thématiques abordées dans la saga et introduit des séquences assez originales. Certes, on sent parfois l’emprise de Ridley Scott, qui a trop peur que le petit nouveau prouve qu’il a plus de talent que lui, mais ce dernier point dépend uniquement de votre appréciation des préquels. C’est le film dont la saga avait besoin. Maintenant, on attend la suite avec impatience, et surtout plus de liberté pour Fede Alvarez.